212
LA CHRONIQUE DES ARTa
d’encouragement à l’Art et à l’Industrie pour
attribuer une prime d’encouragement de 300
francs, fondée par cette dernière Association en
faveur d’un artiste âgé de moins de trente-deux
ans, ayant exposé un objet d’usage courant dans
la section des Arts décoratifs, l’a décerné à Mlle
Jeanne Mathey. Le jury a en outre mentionné :
M. Georges Bastard, M. Adalbert Szabo, M,Ie Su-
zanne Trocmé, M. J.-R. Leclei’c, Mlle Germaine
Boy.
A la Société Nationale, la prime de 300 francs
accordée par la Société d’encouragement à l’Art et
à l’Industrie à un artiste, âgé de moins de trente-
deux. ans, ayant exposé dans la section des Arts
décoratifs du Salon de la Société Nationale un
objet d’usage courant, a été décernée àM. Maurice
Dufrène.
Le jury a, en outre, attribué une prime supplé-
mentaire de 100 francs à MUe Ellen Rogers et deux
mentions à M. Armand Roussel et à Mme Georgette
Jarlot.
Prix Galimard-Jaubert. — Le Comité de
l’Association des Artistes peintres, sculpteurs, etc.
(fondation Taylor), a, dans sa séance du 31 mai,
attribué le prix Galimard-Jaubert, de 4.800 francs
(1.200 francs pendant quatre ansj, à M"° Margue-
rite Delorme, pour son tableau, La Marraine
(Scanno, A hbruziçs), exposé au Salon des Artistes
français.
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION DE LA PORCELAINE
(Musée Galbera)
Deux noms brillent ici d’un éclat incomparable:
ceux de Ivl. Rodin et de M. Ghaplet. Trois vitrines
renferment les admirables ou exquises composi-
tions qu’inventa M. Rodin pendant le temps qu’il
fut employé à Sèvres (1879-1882). Le goût médiocre
des décorateurs et doreurs de la Manufacture n’a
pas réussi à les défigurer. Une grâce prud’hon-
ienne anime les rondes d’enfants qui décorent
le charmant petit vase de L’Hiver. La plaquette du
Printemps, dont une réplique à la pointe sèche
fut donnée à la Gazette, l’urne de L’Enlèvement,
la dramatique plaquette du Rapt, montrent la
variété d’une inspiration décorative où la volupté
tour à tour sourit, lutte ou crie. Enfin, le titre de
chefs-d’œuvre n’est lias excessif pour deux pièces
précieuses entre toutes, les deux vases pompéiens
Le Jour et La Nuit: une mythologie émue s'y
déroule en souples et légers reliefs, qui, par le
mystère et le rythme, et jusque par le ton de
camaïeu brun et le sfumato, font songer à un Car-
rière païen. Comme l’a dit le critique qui a le
premier classé ces ouvrages charmants à leur
rang, « ces vases menus, fragiles, font sans con-
teste partie intégrante de l’œuvre de Rodin ;... la
même portée s’y attache qu’à un dessin ou à une
estampe originale... (1). »
A M. Ernest Ghaplet revient, dans un mouve-
ment dont noire époque "a le droit de s’enorgueillir,
une part qui est celle d’un artiste vraiment
créateur. Carriès et lui ont été les rénovateurs
de la céramique. La magnificence tour à tour bar-
(1) Roger Marx, Auguste Rodin céramiste.
Paris, 1907, in-4% p. 30-31.
bare et raffinée de ses porcelaines flammées, la va-
riété, la richesse inouïe de sa palette, l'imprévù
de son coloris, les insignes beautés d’une matière
qui affecte tantôt la rudesse des concrétions cal-
caires ou des pétrifications naturelles, tantôt des
caresses de peau et de satin, sont pour nous
des joies d’espèce unique et toujours nouvelles.
Une reconnaissance pareille est due à M. Dela-
herche pour ses vases aux formes nettes, aux
parois minces revêtues d’un émail fin et dur que
colorent des nuances d’agate; à M. Dammouse,
pour ses cache-pots, ses assiettes qu’enrichit le
décor le plus heureusement, le plus librement
jeté, et dont le coloris rappelle les tapis d’Orient.
C’est avec plaisir que l’on constate les progrès
du goût et de l’invention accompagnant ceux de la
technique aussi bien dans les porcelaines flammées
de M. Decœur (voir particulièrement certain vase
noir et jaune) ou dans les vases exécutés par
M. Alphonse Lamarre pour la maison Pillivuyt,
que dans les pâtes blanches de M. Nicolas ou
dans les services de table dus à la maison Havi-
land. Les vases à cristallisation et les pièces
ajourées en blanc et or faits à Sèvres,les animaux
de M. Jouve, les brocs de M. de Feure, les assiet-
te; de M. Colonna, exposés par la maison Gérard,
font honneur à des efforts qui persévèrent. Ici et
là, une tentative curieuse ou une pièce particuliè-
rement réussie signale les noms de MM. Dusouchet-
Ghabrier (une statuette coloriée), Waldmamn
(L’Éléphant blessé), Peyrusson, Galatry. Cependant
les porcelaines mates de M. J.-M. Michel Cazin,
les biscuits de M. Ernest Carrière, les porcelaines
tendres décorées d’émaux transparents par MM.
Naudot et Thesmar, concourent à l’intérêt d’une
manifestation qui continue dignement la série des
expositions d’ensemble organisées, depuis quelques
années, par M. Eugène Delard et ses collabora-
teurs.
EXPOSITION DE MM. BONNARD,
MAURICE DENIS, HERMANN-PAUL, LACOMBE,
ARISTIDE MAILLOL, RANSON,
K.-X. ROUSSEL, SÉRUSIER, VALLOTTON
ET VUILLARD
(Galerie Bernheim)
Il y a une dizaine d’années, ces mêmes artistes,
qui étaient alors très jeunes, mais que surveillait
déjà l’attentive sympathie des clairvoyants, s’étaient
groupés pour exposer ensemble quelques-unes de
leurs œuvres. Ils célèbrent aujourd'hui, sans
ostentation, une sorte de petit jubilé intime. Us
peuvent regarder en arrière pour mesurer le che-
min parcouru; ils ont le droit d’être fiers de leurs
efforts et de leurs conquêtes. Cependant, le temps,
s’il a respecté la camaraderie, a, comme il est na-
turel, accusé les divergences en fortifiant les per-
sonnalités.
M. Maurice Denis, retenu sans doute par les
souvenirs trop récents que gardent ces mêmes
murs, a restreint sa participation. Mais le noble
tableau de la Vocation des Apôtres, pauvres pê-
cheurs qui laissent leurs barques dans le port
illuminé d’un couchant rose et vert pour accourir
sur les pas divins du Maître de paix, et la petite
étude qui, pour la Distribution des prix, rassemble
une foule enfantine autour d’une cornette blanche,
suffisent, à nous rappeler des joies très chères et
très rares, en maintenant leur auteur au rang que
lui assurent les clons réunis de coloriste, de déco-
LA CHRONIQUE DES ARTa
d’encouragement à l’Art et à l’Industrie pour
attribuer une prime d’encouragement de 300
francs, fondée par cette dernière Association en
faveur d’un artiste âgé de moins de trente-deux
ans, ayant exposé un objet d’usage courant dans
la section des Arts décoratifs, l’a décerné à Mlle
Jeanne Mathey. Le jury a en outre mentionné :
M. Georges Bastard, M. Adalbert Szabo, M,Ie Su-
zanne Trocmé, M. J.-R. Leclei’c, Mlle Germaine
Boy.
A la Société Nationale, la prime de 300 francs
accordée par la Société d’encouragement à l’Art et
à l’Industrie à un artiste, âgé de moins de trente-
deux. ans, ayant exposé dans la section des Arts
décoratifs du Salon de la Société Nationale un
objet d’usage courant, a été décernée àM. Maurice
Dufrène.
Le jury a, en outre, attribué une prime supplé-
mentaire de 100 francs à MUe Ellen Rogers et deux
mentions à M. Armand Roussel et à Mme Georgette
Jarlot.
Prix Galimard-Jaubert. — Le Comité de
l’Association des Artistes peintres, sculpteurs, etc.
(fondation Taylor), a, dans sa séance du 31 mai,
attribué le prix Galimard-Jaubert, de 4.800 francs
(1.200 francs pendant quatre ansj, à M"° Margue-
rite Delorme, pour son tableau, La Marraine
(Scanno, A hbruziçs), exposé au Salon des Artistes
français.
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION DE LA PORCELAINE
(Musée Galbera)
Deux noms brillent ici d’un éclat incomparable:
ceux de Ivl. Rodin et de M. Ghaplet. Trois vitrines
renferment les admirables ou exquises composi-
tions qu’inventa M. Rodin pendant le temps qu’il
fut employé à Sèvres (1879-1882). Le goût médiocre
des décorateurs et doreurs de la Manufacture n’a
pas réussi à les défigurer. Une grâce prud’hon-
ienne anime les rondes d’enfants qui décorent
le charmant petit vase de L’Hiver. La plaquette du
Printemps, dont une réplique à la pointe sèche
fut donnée à la Gazette, l’urne de L’Enlèvement,
la dramatique plaquette du Rapt, montrent la
variété d’une inspiration décorative où la volupté
tour à tour sourit, lutte ou crie. Enfin, le titre de
chefs-d’œuvre n’est lias excessif pour deux pièces
précieuses entre toutes, les deux vases pompéiens
Le Jour et La Nuit: une mythologie émue s'y
déroule en souples et légers reliefs, qui, par le
mystère et le rythme, et jusque par le ton de
camaïeu brun et le sfumato, font songer à un Car-
rière païen. Comme l’a dit le critique qui a le
premier classé ces ouvrages charmants à leur
rang, « ces vases menus, fragiles, font sans con-
teste partie intégrante de l’œuvre de Rodin ;... la
même portée s’y attache qu’à un dessin ou à une
estampe originale... (1). »
A M. Ernest Ghaplet revient, dans un mouve-
ment dont noire époque "a le droit de s’enorgueillir,
une part qui est celle d’un artiste vraiment
créateur. Carriès et lui ont été les rénovateurs
de la céramique. La magnificence tour à tour bar-
(1) Roger Marx, Auguste Rodin céramiste.
Paris, 1907, in-4% p. 30-31.
bare et raffinée de ses porcelaines flammées, la va-
riété, la richesse inouïe de sa palette, l'imprévù
de son coloris, les insignes beautés d’une matière
qui affecte tantôt la rudesse des concrétions cal-
caires ou des pétrifications naturelles, tantôt des
caresses de peau et de satin, sont pour nous
des joies d’espèce unique et toujours nouvelles.
Une reconnaissance pareille est due à M. Dela-
herche pour ses vases aux formes nettes, aux
parois minces revêtues d’un émail fin et dur que
colorent des nuances d’agate; à M. Dammouse,
pour ses cache-pots, ses assiettes qu’enrichit le
décor le plus heureusement, le plus librement
jeté, et dont le coloris rappelle les tapis d’Orient.
C’est avec plaisir que l’on constate les progrès
du goût et de l’invention accompagnant ceux de la
technique aussi bien dans les porcelaines flammées
de M. Decœur (voir particulièrement certain vase
noir et jaune) ou dans les vases exécutés par
M. Alphonse Lamarre pour la maison Pillivuyt,
que dans les pâtes blanches de M. Nicolas ou
dans les services de table dus à la maison Havi-
land. Les vases à cristallisation et les pièces
ajourées en blanc et or faits à Sèvres,les animaux
de M. Jouve, les brocs de M. de Feure, les assiet-
te; de M. Colonna, exposés par la maison Gérard,
font honneur à des efforts qui persévèrent. Ici et
là, une tentative curieuse ou une pièce particuliè-
rement réussie signale les noms de MM. Dusouchet-
Ghabrier (une statuette coloriée), Waldmamn
(L’Éléphant blessé), Peyrusson, Galatry. Cependant
les porcelaines mates de M. J.-M. Michel Cazin,
les biscuits de M. Ernest Carrière, les porcelaines
tendres décorées d’émaux transparents par MM.
Naudot et Thesmar, concourent à l’intérêt d’une
manifestation qui continue dignement la série des
expositions d’ensemble organisées, depuis quelques
années, par M. Eugène Delard et ses collabora-
teurs.
EXPOSITION DE MM. BONNARD,
MAURICE DENIS, HERMANN-PAUL, LACOMBE,
ARISTIDE MAILLOL, RANSON,
K.-X. ROUSSEL, SÉRUSIER, VALLOTTON
ET VUILLARD
(Galerie Bernheim)
Il y a une dizaine d’années, ces mêmes artistes,
qui étaient alors très jeunes, mais que surveillait
déjà l’attentive sympathie des clairvoyants, s’étaient
groupés pour exposer ensemble quelques-unes de
leurs œuvres. Ils célèbrent aujourd'hui, sans
ostentation, une sorte de petit jubilé intime. Us
peuvent regarder en arrière pour mesurer le che-
min parcouru; ils ont le droit d’être fiers de leurs
efforts et de leurs conquêtes. Cependant, le temps,
s’il a respecté la camaraderie, a, comme il est na-
turel, accusé les divergences en fortifiant les per-
sonnalités.
M. Maurice Denis, retenu sans doute par les
souvenirs trop récents que gardent ces mêmes
murs, a restreint sa participation. Mais le noble
tableau de la Vocation des Apôtres, pauvres pê-
cheurs qui laissent leurs barques dans le port
illuminé d’un couchant rose et vert pour accourir
sur les pas divins du Maître de paix, et la petite
étude qui, pour la Distribution des prix, rassemble
une foule enfantine autour d’une cornette blanche,
suffisent, à nous rappeler des joies très chères et
très rares, en maintenant leur auteur au rang que
lui assurent les clons réunis de coloriste, de déco-