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LA CHRONIQUE DES ARTS
EXPOSITION SYNGE
(Galerie Henry Graves)
La Gazette des Beaux-Arts a déjà fait connaître
à scs lecteurs le talent d’aquafortiste de M. Synge,
en publiant de lui, en 1902, une charmante vue de
Pont-Aven. Les eaux-fortes exposées ici sont trai-
tées dans le même esprit, à savoir plus « ancien
régime » que « révolutionnaires » — si l'on peut
dire. Et c’est un repos réel que le spectacle de cet
art patient, calme et soigneux. Accoutumés que
nous sommes au lâché négligent, à la hâte impro-
visatrice, le métier de M. Synge nous paraît néces-
sairement un peu froid, un peu resserré, un peu
timide. Au vrai, il est très graduel, plein de res-
sources et en parfaite possession de soi, — toutes
choses que l’on ne sait plus apprécier. M. Synge,
assez égal dans son bonheur, a choisi ses motifs à
Venise et à Rome de préférence. Sans littérature
aucune, il en a tiré des images équilibrées qui
prennent leur place au mur avec une autorité dis-
crète. On aimera ces recoins intimes de la cité des
Doges, cet aspect si bien vu de la Trinité-du-Mont,
ces pins sombres et rythmés de la Villa Borghèse.
Et l’on rafraîchira là son goût pour la conscience
et la mesure.
EXPOSITION ALCIDE LE BEAU
(Galerie Druct)
M. Alcide Le Beau cézannise, gauguinise, japo-
nise, romantise même. Il a porté en Corse, d’où il
revient, des yeux chargés de trop de souvenirs
indigestes. On devine à cela que M. Le Beau est
un jeune. Son point de vue est en formation. Tou-
tefois, il nous semble moins hésitant dans ces
peintures que dans celles qu’il nous a montrées
jusqu’à présent. La mise en page, notamment, est
en progrès sensible. Quatre ou cinq toiles, d’autre
part, atteignent à l’unité de facture dont le désir
poursuit le peintre. Hors de Vieilles maisons,
assez fermes, le reste est un peu décousu et souffre
de lacunes où se trahit l’absence d’une méthode
personnelle, garantie du style visiblement recher-
ché. On se sent en face d’un métal en fusion, dont
on ne peut rien dire avant qu’il n’ait pris corps.
A côté de cactus aux gestes éloquents et vigoureu-
sement tracés, voici dos masses végétales qui ti-
tubent d’indécision. A côté de beaux tons corpu-
lents, voici des verts malpropres et débiles. Lutte,
en somme, entre le pittoresque et le décoratif, qui
finira sans doute par la victoire à bref délai de ce
dernier, en admettant que M. Le Beau poursuive
désormais la culture de ses dons avec une logique
soutenue.
Pierre Hepp.
Institut de France
Séance publique annuelle (35 octobre)
M. le docteur Paul Richer, délégué de l’Académie
des Beaux-Arts, a lu un intéressant travail sur
L'Anatomie et les Arts plastiques.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 19 octobre
Prix. — L’Académie des Beaux-Arts a rendu
son jugement sur le concours pour le prix Bordin
(3.000 fr.), dont le sujet était « l’Influence de
Lebrun sur la sculpture de la période de
Louis XIV ».
L’Académie ne décerne pas le prix, mais file a
accordé toutefois une récompense de 1.000 francs
à l’auteur des mémoires ayant pour devise :
Redde Cæsari quæ sunt Cæsaris. qui est prié de
vouloir bien se faire connaître. En outre, étant
autorisée à récompenser un ouvrage imprimé, elle
a accordé une récompense de 2.000 francs à M. Sta-
nislas Lami pour son Dictionnaire des sculpteurs
français.
Séance du 36 octobre
Prix. — Lecture a été donnée d’une lettre par
laquelle M. Eugène-A. Guillou informe l’Académie
qu’il est l’auteur du mémoire, dont il est ques-
tion plus haut, ayant obtenu une récompense de
1.000 francs dans le concours pour le prix Bordin.
Académie des Inscriptions
Séance du 18 octobre
Concours. — L’Académie choisit au scrutin, par
14 voix de majorité, comme sujet de concours pour
le prix ordinaire à décerner en 1910, l’étude de la
miniature carolingienne et la rédaction d’un cata-
logue dés monuments qui en sont restés.
Fouilles de Délos. — M. G. Leroux, membre de
l’École d’Athènes, soumet à l’Académie une série
d’observations sur les fouilles de Délos. La salle
hypostyle, dont le déblaiement se poursuit encore,
est située non loin du Port Sacré, le long de
l’Agora dite de Théophrastos Sa superficie dé-
passe 1840 mètres carrés. C’était le plus vaste et
le plus élevé des édifices de Délos. A l’intérieur,
c’était une sorte d’agora couverte dont une forêt
de colonnes supportait la toiture. Ce monument
marque l’acheminement vers l'Itaiie d’un type ar-
chitectural inconnu à la Grèce classique et dont il
faut chercher l’origine en Orient. La construction
doit en être placée vers 111 avant notre ère.
Séance du 34 octobre
Fouilles cl’Alcsia. — Au nom de la Société des
sciences de Semur, le commandant Espérandieu,
correspondant de l’Académie, communique les
photograplfes de deux sculptures gallo-romaines
récemment découvertes dans les fouilles d’Alesia,
qu'il dirige. L’une, se rapportant à Epona, est
remarquable par sa conservation qui est excellente,
et surtout par le type nouveau qu’elle fait con-
naître de cette déesse équestre. Sur l’autre sculp-
ture sont représentés deux personnages assis : un
dieu nu, barbu, portant une bourse, sans doute
Mercure, qui apparaîtrait ainsi pour la seconde
fois sur les monuments de cette sorte, et une
LA CHRONIQUE DES ARTS
EXPOSITION SYNGE
(Galerie Henry Graves)
La Gazette des Beaux-Arts a déjà fait connaître
à scs lecteurs le talent d’aquafortiste de M. Synge,
en publiant de lui, en 1902, une charmante vue de
Pont-Aven. Les eaux-fortes exposées ici sont trai-
tées dans le même esprit, à savoir plus « ancien
régime » que « révolutionnaires » — si l'on peut
dire. Et c’est un repos réel que le spectacle de cet
art patient, calme et soigneux. Accoutumés que
nous sommes au lâché négligent, à la hâte impro-
visatrice, le métier de M. Synge nous paraît néces-
sairement un peu froid, un peu resserré, un peu
timide. Au vrai, il est très graduel, plein de res-
sources et en parfaite possession de soi, — toutes
choses que l’on ne sait plus apprécier. M. Synge,
assez égal dans son bonheur, a choisi ses motifs à
Venise et à Rome de préférence. Sans littérature
aucune, il en a tiré des images équilibrées qui
prennent leur place au mur avec une autorité dis-
crète. On aimera ces recoins intimes de la cité des
Doges, cet aspect si bien vu de la Trinité-du-Mont,
ces pins sombres et rythmés de la Villa Borghèse.
Et l’on rafraîchira là son goût pour la conscience
et la mesure.
EXPOSITION ALCIDE LE BEAU
(Galerie Druct)
M. Alcide Le Beau cézannise, gauguinise, japo-
nise, romantise même. Il a porté en Corse, d’où il
revient, des yeux chargés de trop de souvenirs
indigestes. On devine à cela que M. Le Beau est
un jeune. Son point de vue est en formation. Tou-
tefois, il nous semble moins hésitant dans ces
peintures que dans celles qu’il nous a montrées
jusqu’à présent. La mise en page, notamment, est
en progrès sensible. Quatre ou cinq toiles, d’autre
part, atteignent à l’unité de facture dont le désir
poursuit le peintre. Hors de Vieilles maisons,
assez fermes, le reste est un peu décousu et souffre
de lacunes où se trahit l’absence d’une méthode
personnelle, garantie du style visiblement recher-
ché. On se sent en face d’un métal en fusion, dont
on ne peut rien dire avant qu’il n’ait pris corps.
A côté de cactus aux gestes éloquents et vigoureu-
sement tracés, voici dos masses végétales qui ti-
tubent d’indécision. A côté de beaux tons corpu-
lents, voici des verts malpropres et débiles. Lutte,
en somme, entre le pittoresque et le décoratif, qui
finira sans doute par la victoire à bref délai de ce
dernier, en admettant que M. Le Beau poursuive
désormais la culture de ses dons avec une logique
soutenue.
Pierre Hepp.
Institut de France
Séance publique annuelle (35 octobre)
M. le docteur Paul Richer, délégué de l’Académie
des Beaux-Arts, a lu un intéressant travail sur
L'Anatomie et les Arts plastiques.
Académie des Beaux-Arts
Séance du 19 octobre
Prix. — L’Académie des Beaux-Arts a rendu
son jugement sur le concours pour le prix Bordin
(3.000 fr.), dont le sujet était « l’Influence de
Lebrun sur la sculpture de la période de
Louis XIV ».
L’Académie ne décerne pas le prix, mais file a
accordé toutefois une récompense de 1.000 francs
à l’auteur des mémoires ayant pour devise :
Redde Cæsari quæ sunt Cæsaris. qui est prié de
vouloir bien se faire connaître. En outre, étant
autorisée à récompenser un ouvrage imprimé, elle
a accordé une récompense de 2.000 francs à M. Sta-
nislas Lami pour son Dictionnaire des sculpteurs
français.
Séance du 36 octobre
Prix. — Lecture a été donnée d’une lettre par
laquelle M. Eugène-A. Guillou informe l’Académie
qu’il est l’auteur du mémoire, dont il est ques-
tion plus haut, ayant obtenu une récompense de
1.000 francs dans le concours pour le prix Bordin.
Académie des Inscriptions
Séance du 18 octobre
Concours. — L’Académie choisit au scrutin, par
14 voix de majorité, comme sujet de concours pour
le prix ordinaire à décerner en 1910, l’étude de la
miniature carolingienne et la rédaction d’un cata-
logue dés monuments qui en sont restés.
Fouilles de Délos. — M. G. Leroux, membre de
l’École d’Athènes, soumet à l’Académie une série
d’observations sur les fouilles de Délos. La salle
hypostyle, dont le déblaiement se poursuit encore,
est située non loin du Port Sacré, le long de
l’Agora dite de Théophrastos Sa superficie dé-
passe 1840 mètres carrés. C’était le plus vaste et
le plus élevé des édifices de Délos. A l’intérieur,
c’était une sorte d’agora couverte dont une forêt
de colonnes supportait la toiture. Ce monument
marque l’acheminement vers l'Itaiie d’un type ar-
chitectural inconnu à la Grèce classique et dont il
faut chercher l’origine en Orient. La construction
doit en être placée vers 111 avant notre ère.
Séance du 34 octobre
Fouilles cl’Alcsia. — Au nom de la Société des
sciences de Semur, le commandant Espérandieu,
correspondant de l’Académie, communique les
photograplfes de deux sculptures gallo-romaines
récemment découvertes dans les fouilles d’Alesia,
qu'il dirige. L’une, se rapportant à Epona, est
remarquable par sa conservation qui est excellente,
et surtout par le type nouveau qu’elle fait con-
naître de cette déesse équestre. Sur l’autre sculp-
ture sont représentés deux personnages assis : un
dieu nu, barbu, portant une bourse, sans doute
Mercure, qui apparaîtrait ainsi pour la seconde
fois sur les monuments de cette sorte, et une