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LA CHRONIQUE DES ARTS
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION OTHON FRIESZ
(Galerie Druet)
G)mine tant d'autres, M. Friesz puise à la man-
geoire que tend Cézanne. Comme tant d’autres, il
n’y puise qu’en surface et c’est encore là le meil-
leur de ses emprunts. Car, de la guignolesque
optique de quelques-uns et de la crème Simon
de quelques autres, il fait un amalgame inaccepta-
ble — au moins actuellement. Mais un sens appar-
tient en propre à M. Friesz, c’est celui, très parti-
culier, des choses maritimes. En rejetant tout de
suite les Baigneuses, résultat de mauvaises in-
fluences, mettons donc à part toutes les toiles en
général où, devant les maisons spectatrices, glisse
un agile bateau sur l’eau molle et lourde des ports.
A cette vue, une source de poésie s’éveille en effet
dans le cœur de M. Friesz et lui arrache ces
accents vr«is que note avec joie le critique. Ceci
dit, M. Friesz a un joli œil, un œil instinctif,
souple et fin, qui passe sans effort du tintamarre à
l’apaisement. La Calle rouge est aqssi bruyante
que le Canal est pacifique et les deux œuvres s’éga-
lent en mérite. Signalons en outre le curieux Bas
sin aux voiliers, forêt de mâtures aperçue sous la
visière d’un hangar, et les charmants Pins, qui
manquent un peu de résine. Quelques paysages
rocheux constitueraient de belles étoffes, si l’écri-
ture des formes était plus décisive, plus néces-
saire. L’authentique talent de M. Friesz réclame
une discipline.
EXPOSITION CAMOIN, DERAIN, MANGUIN,
MARQUET, MATISSE, VAN DONGEN, DE YLAMINCK
(Galerie Bertlic Weill)
Plusieurs peintres, ici présents, voulant à tout
prix qu’on les écoute, introduisent dans la pein-
ture des mœurs de réunion publique : ils font le
coup de poing pour se frayer passage. Mais le
coup de poing ne sera jamais un argument. Ce ne
sont pas les braillards qui en disent le plus.
M. Marque!, en son temps, l’a prouvé et il lui en
reste un heureux reflet dans sa barbarie actuelle.
Quant à MM. Derain et de Vlaminck, reconnais-
sant leurs dons, l’on déplore qu’ils se gâtent le
goût. Quelle farouche enluminure ! Véritablement,
c’est à croire que Gézanne et Gauguin sont des
« pompiers » ! M. Matisse a l’air, là, d’un sage.
Et que l’on ne tienne pas rigueur au critique s’il se
récuse pour parler de l’envoi forain de M. van
Dongen.
EXPOSITION HENRY FULWOOD
( Galerie d’Art décoratif )
Les monotypes do M. Fuhvood caressent douce-
ment le regard. A franchement parler, ils sont bien
exsangues et les eaux-fortes qui 1-s accompagnent
montrent qu’à son nouveau procédé M. Fuhvood
se voit obligé de sacrifier plusieurs qualités excel-
lentes. Néanmoins, les Lacets de la route en été,
la Sonate au clair de lune, sont u’exquis petits
poèmes sur crépon, d'un agtéable romanesque,
Ces nuages rêveurs, ces larges étendues, ce îocueil-
lement sentimental, annoncent un rare et délicat
arliste. Une vignetle lithographique de la Vallée
île Mcdioag est même empreinte d’une cerlaine
grandeur lyrique, quoique la facture en soit un
peu sèche.
EXPOSITION
PIERRE GIRIEUD ET FRANCISCO DURIO
(Galerie Kahnweiler)
C’est comme couronnement d’un effort soutenu
dans la peinture de fleurs décoratives que M. Gi-
rieud nous donna l’an dernier cet Hommage à
Gauguin dont l’exposition présente est le commen-
taire justificatif. Le parti pris ornemental y est
formel Mais la synthèse n’étant pas d’opération
spontanée chez M. Girieud, faisons lui crédit en-
core pour trancher la question do dessin confor-
mément aux vœux qu’il indique. Des timidités le
retardent. Au point de vue couleur, M. Girieud
raisonne à l’imitation de Gauguin. Étant moins-
puissamment pourvu d’instinct que son maître il
semble par suite raisonner outre mesure, absorbé
par l’idée fixe d’un sorite. Devant la nature, déli-
vré de ces préoccupations mathématiques, il de-
vient un sin p’e touriste, intelligent, vibrant et
animé. Il se réchauffe. Le soleil toscan vivifie son
esprit, son fusain, sa palette et leur conseille une-
importante série de paysages qui marque une étape,
dans les recherches de M. Girieud, vers la conci-
liation qui le mettra d’accord avec lui-même. Et
l’exemplaire persévérance de M. Girieud nous-
rend confiants à son égard. Quant à M. Durio, il
tourmente un beau grès sans motif précis. On lui
voudrait des aspirations plus utilitaires.
EXPOSITION ANDRÉ BROUILLET
(Galerie Bernheim)
La manière serrée de M. André Brouillet con-
vient mieux au portrait qu’au paysage. On aime-
rait à rêver devant Y Acropole et la Vallée du
Pleistos, mais M. Brouillet nous fournit une rê-
verie toute faite, exposée à se trouver en deçà ou
au delà de notre mesure. Devant une photogra-
phie nous sommes libres, au moins, d’ajouter par
nous-mêmes à un document d’apparence réelle que
ne nous donnent pas les vues de M. Brouillet, no-
nobstant leur souci d’exactitude.
EXPOSITION DES EMPLOYÉS
DE LA PRÉFECTURE DE LA SEINE
(Hôtel de Ville)
L’art constituant aujourd'hui le dernier patri-
ciat, c’est à lui maintenant que s’attaque la vanité
en révolte. En se prenant au sérieux, des exposi-
tions comme celles-ci témoignent d’un inconce-
vable irrespect de l’ignorance pour le savoir. S’in-
digner serait du reste aussi ridicule que superflu.
Mieux vaut s’amuser aux dépens de ceux qui nous
offrent en spectacle leur suffisance ingénue. On ne
s’improvise pas artiste ! Il n'est pas que de faire
le geste du peintre pour conquérir son litre de no-
blesse, comme le croient la ] lupart des amateurs
ici groupés. En outre, la confusion des genres
franchit les limites permises quand la peinture
s'entremêle officiellement à la conlcction des dos-
siers. Et quelle peinture ! Un maussade passe-
temps d’écoliers. L'écho diminué des pii es « succès »
du Salon. Décidément, non I Go n’est pas encore là
que nous rencontrerons le génie. Sa fière allure
est plus modeste.
Pierre Hepp.
LA CHRONIQUE DES ARTS
PETITES EXPOSITIONS
EXPOSITION OTHON FRIESZ
(Galerie Druet)
G)mine tant d'autres, M. Friesz puise à la man-
geoire que tend Cézanne. Comme tant d’autres, il
n’y puise qu’en surface et c’est encore là le meil-
leur de ses emprunts. Car, de la guignolesque
optique de quelques-uns et de la crème Simon
de quelques autres, il fait un amalgame inaccepta-
ble — au moins actuellement. Mais un sens appar-
tient en propre à M. Friesz, c’est celui, très parti-
culier, des choses maritimes. En rejetant tout de
suite les Baigneuses, résultat de mauvaises in-
fluences, mettons donc à part toutes les toiles en
général où, devant les maisons spectatrices, glisse
un agile bateau sur l’eau molle et lourde des ports.
A cette vue, une source de poésie s’éveille en effet
dans le cœur de M. Friesz et lui arrache ces
accents vr«is que note avec joie le critique. Ceci
dit, M. Friesz a un joli œil, un œil instinctif,
souple et fin, qui passe sans effort du tintamarre à
l’apaisement. La Calle rouge est aqssi bruyante
que le Canal est pacifique et les deux œuvres s’éga-
lent en mérite. Signalons en outre le curieux Bas
sin aux voiliers, forêt de mâtures aperçue sous la
visière d’un hangar, et les charmants Pins, qui
manquent un peu de résine. Quelques paysages
rocheux constitueraient de belles étoffes, si l’écri-
ture des formes était plus décisive, plus néces-
saire. L’authentique talent de M. Friesz réclame
une discipline.
EXPOSITION CAMOIN, DERAIN, MANGUIN,
MARQUET, MATISSE, VAN DONGEN, DE YLAMINCK
(Galerie Bertlic Weill)
Plusieurs peintres, ici présents, voulant à tout
prix qu’on les écoute, introduisent dans la pein-
ture des mœurs de réunion publique : ils font le
coup de poing pour se frayer passage. Mais le
coup de poing ne sera jamais un argument. Ce ne
sont pas les braillards qui en disent le plus.
M. Marque!, en son temps, l’a prouvé et il lui en
reste un heureux reflet dans sa barbarie actuelle.
Quant à MM. Derain et de Vlaminck, reconnais-
sant leurs dons, l’on déplore qu’ils se gâtent le
goût. Quelle farouche enluminure ! Véritablement,
c’est à croire que Gézanne et Gauguin sont des
« pompiers » ! M. Matisse a l’air, là, d’un sage.
Et que l’on ne tienne pas rigueur au critique s’il se
récuse pour parler de l’envoi forain de M. van
Dongen.
EXPOSITION HENRY FULWOOD
( Galerie d’Art décoratif )
Les monotypes do M. Fuhvood caressent douce-
ment le regard. A franchement parler, ils sont bien
exsangues et les eaux-fortes qui 1-s accompagnent
montrent qu’à son nouveau procédé M. Fuhvood
se voit obligé de sacrifier plusieurs qualités excel-
lentes. Néanmoins, les Lacets de la route en été,
la Sonate au clair de lune, sont u’exquis petits
poèmes sur crépon, d'un agtéable romanesque,
Ces nuages rêveurs, ces larges étendues, ce îocueil-
lement sentimental, annoncent un rare et délicat
arliste. Une vignetle lithographique de la Vallée
île Mcdioag est même empreinte d’une cerlaine
grandeur lyrique, quoique la facture en soit un
peu sèche.
EXPOSITION
PIERRE GIRIEUD ET FRANCISCO DURIO
(Galerie Kahnweiler)
C’est comme couronnement d’un effort soutenu
dans la peinture de fleurs décoratives que M. Gi-
rieud nous donna l’an dernier cet Hommage à
Gauguin dont l’exposition présente est le commen-
taire justificatif. Le parti pris ornemental y est
formel Mais la synthèse n’étant pas d’opération
spontanée chez M. Girieud, faisons lui crédit en-
core pour trancher la question do dessin confor-
mément aux vœux qu’il indique. Des timidités le
retardent. Au point de vue couleur, M. Girieud
raisonne à l’imitation de Gauguin. Étant moins-
puissamment pourvu d’instinct que son maître il
semble par suite raisonner outre mesure, absorbé
par l’idée fixe d’un sorite. Devant la nature, déli-
vré de ces préoccupations mathématiques, il de-
vient un sin p’e touriste, intelligent, vibrant et
animé. Il se réchauffe. Le soleil toscan vivifie son
esprit, son fusain, sa palette et leur conseille une-
importante série de paysages qui marque une étape,
dans les recherches de M. Girieud, vers la conci-
liation qui le mettra d’accord avec lui-même. Et
l’exemplaire persévérance de M. Girieud nous-
rend confiants à son égard. Quant à M. Durio, il
tourmente un beau grès sans motif précis. On lui
voudrait des aspirations plus utilitaires.
EXPOSITION ANDRÉ BROUILLET
(Galerie Bernheim)
La manière serrée de M. André Brouillet con-
vient mieux au portrait qu’au paysage. On aime-
rait à rêver devant Y Acropole et la Vallée du
Pleistos, mais M. Brouillet nous fournit une rê-
verie toute faite, exposée à se trouver en deçà ou
au delà de notre mesure. Devant une photogra-
phie nous sommes libres, au moins, d’ajouter par
nous-mêmes à un document d’apparence réelle que
ne nous donnent pas les vues de M. Brouillet, no-
nobstant leur souci d’exactitude.
EXPOSITION DES EMPLOYÉS
DE LA PRÉFECTURE DE LA SEINE
(Hôtel de Ville)
L’art constituant aujourd'hui le dernier patri-
ciat, c’est à lui maintenant que s’attaque la vanité
en révolte. En se prenant au sérieux, des exposi-
tions comme celles-ci témoignent d’un inconce-
vable irrespect de l’ignorance pour le savoir. S’in-
digner serait du reste aussi ridicule que superflu.
Mieux vaut s’amuser aux dépens de ceux qui nous
offrent en spectacle leur suffisance ingénue. On ne
s’improvise pas artiste ! Il n'est pas que de faire
le geste du peintre pour conquérir son litre de no-
blesse, comme le croient la ] lupart des amateurs
ici groupés. En outre, la confusion des genres
franchit les limites permises quand la peinture
s'entremêle officiellement à la conlcction des dos-
siers. Et quelle peinture ! Un maussade passe-
temps d’écoliers. L'écho diminué des pii es « succès »
du Salon. Décidément, non I Go n’est pas encore là
que nous rencontrerons le génie. Sa fière allure
est plus modeste.
Pierre Hepp.