DES COMTES ET DES PRINCES DE CAPOUE. 777
| de la vllle pour observer sa situation , et s’avance
| j'usqu’au temp'le d’Hercule ; mais bientôt repoussë
| par les Romains , il fut obligé de s’éloigner après
deux orages, qui d’un jour à I’autre, empêcherent les
deux armées d’en venir aux mains. Le slége de Ca-
poue cependant continuoit toujours. Annibal, au
lieu de s’acheminer dans sa retraite pour le faire lever,
dirige sa route vers la Calabre. Hannon et Bostas , qui
;j commandoient îa gamison carthaginoise à Capoue ,
j plus touchés du danger qu’ils courroient que de
\ ceiui de leurs alliés , écrivirent à leur Genéral pour
i iui témoigner leur indïgnation de voir qu’il les aban-
: donnoit dans la conjoncture terrible où iis se trou-
i voient. c: Ce n’est pas seulement, lui mandoient-iis,
» la villede Capoue que vous abandonnez aux enne-
» mis , mais nous-mêmes et nos soldats , qui s’at-
« tendent à éprouver la pius cruelle vengeance. Vous
» fuyez en Calabre , pour éviter la honte de voir
. » perdre , sousvos yeux , -notre ville r mais les llo-
» mains n’en ont pas usé de la sorte ils n’ont pas
» abandormé le siége de Capoue lorsqu’ils ont vu
« leur propre ville en danger. Que si vous fussiez
» retourné à Capoue et y eussiez porté le nerf de
« la guerre les Capouans et notis - mêmes étions
« préparés à faire une vigoureuse sortie. Aviez-vous
» donc franchi les Alpes pour faire îa guerre à ceux
■» de Tarente et de Reggio? Ne deviez-vous pas vous
» présenter avec votre armée par-tout où se rencon- .
« treroient les légions rooiaines ? Avez-vous donc
» oublié que c’est ainsl que nous fûmes vainqueurs ;
» au Lac de Trasimene et à Cannes ? » 'Ces lettres
furent confiées, avec promessc d’une granderécom- .
pense, à des Numicles qui étoient exercés dans ce '
genre de métier : s’étant transportés , sous prétexte ;
■de désertion, dans îe camp des Romains , ils y
attendoient roccasion de s’échapper, lorsqtie ia mai-
■ ïresse de i’un d’entre eux trahit leur secret. Arrêtés :
aussitôt et mis à la question, ils furent contraints
• d’avouer la fraude , et en conséquence , ils eurent, !
au nombre de soixante et dix , ies mains cotipées,
! après avoir été battus de verges. A la vue de cet :
■ aifreux spectacle , les Capouans perdirent entière- ;
enent courage. Le peuple s’étant soulevé, contraignit ,
Lesius, Chefdu Sénat , à rassembler sa compagnie
pour aviser au moyen d’obtenir quelque composi-
tion des Romains en se rendant à eux. Les avis des
Sénateurs furent partagés : celui de Vibius Virius ,
i’un des plus distingués d’entre eux, fut de se sous-
• traire par une mort volontaire, à la honte d’être
obligé de se remettre à la discrétion des Romains.
<x Nous avons assez vécu , dit-il, ii ne nous reste
;> pîus que la liberté, qu’on ne peut encore notis
i » ravir, de passer les eattx de l’Achéron. Quiconque
; 7) d’entre votts voudra prendre ce parti , je lui olfre
: » cette nuit des la'bles bien sournies de mets et de
' » vins. Après s’ê-tre pleinement rassasiè , que dans
i 3> i’engourdissement de ses sens, il avale du poison ,
; » comme l’unique et souveraïn remede à son mal-
; „ heur ». ( Silius Itaiicus , L. i3. ) Ce discours fut
approuvé de plusiettrs , et mis la meme nuit a exe-
' cution t mais ie plus grand nombre eomptant sur
îa clémence des liomains , dont iis avoient donné
: des preuves en tant d’occasions , , jugea qu’il étoit
pîus à propos de nommer des députés pour ieur
porter lesclefs dela ville. Hes le lendemain, la porte
: de Capoue qui etoit vis-à-vis du camp des Romains
ayant été ouverte par ordre du x loconsul, le Lieu-
; tenant C. Fulvius y entre à la tète d’une iégion et
; de detix escadrons , et commence par se faire ap-
porter toutes les armes qui étoient dans la place. 11
; ensuite poster des gardes a toutes les portes, afin
que personne ne pût entrer ni sortir ; après quoi tl
ht prisonniere la garnison carthaginoise , avec ordre
at/Général de transporter au camp le Sénat, qui , à
-son arrivée , fut aussitôt chargé de chaînes , et obligé
de remettre entre les mains des Trésoriers tôuti’oret ;
î’argent dout ii étoiî pourvu. Vingt des Sénateurs furent ; j
envoyês sous bonne garde , àCalvi, eî dîx-liuit aut-res j
à Teano. C’étoient ceux qu’on savoit être ou les au- ]
ïeurs ou ies ïnstigateurs de la révolte des Caponans. 1
Les Proconsuls ies ayant «tiivîs de jyrès, ’CommeE- 1
cerent à instrtiïte ieut procès, Claudius inclinoit au ]
patdon, et Fulvius à la rigueut, Ce dernier avis prë- -j
vaiut , et îes prisonnîers , après avoir ctë battus : ]
de verges , eurent la tête tranchëe. Pendanï cetïe . j
exëcution , un Capouan nom'më JubelTius Taurea, 1
qui n’étoitpasdu nombre descondamnés,s ,avance vers i]
le tribuna'i de Fuivius , et iuî adressani la parole : ]
« ■Commande, dit-il, tjue jesoisaussi misà mort. Ful- \
vius refuse. Taurea reprend: Après que saïperâuma \
Patrie et mes amvs , el tuè de ma propre maîn i ]
mes ensans et ma femms , pour les préserver de . ;
quëlque traitement ignominieux ■âe votrc part;; \
puisquiï ne ni’est pas permis de sinir par le même ;
genre demort que mes concitoyens, je vais chen ‘
cher dans mon courage ia Uberté de me dèlwrer de \
■cette odieuse vie » ; et aussitôt, tirant un poignard |
qu’il avoit sous sa robe , il se T’enfoace dans lô sein , :
et tombe tout ensanglanté devant le cruel Générah \
Tite Live dit que Taurea ne vint pas de son propre
mouvement à Calvi , et qu’il ne périt pas de sa pro-
pre main , mais que, tandis qu’ii écoit attaché au . ;
pieu avec les autres condamnés, Fulvius entendant
certaines paroles qu’ii proféroit, ordonna qu’il fùt
ie premier frappë de verges , et ensuite mis à mort. '
Mais Valerius Maxime ( L. 3, de Fortïtud. et Silius
stalicus, L. 3,) attestenî sa inort comme nous ve-
nons :de le rapporter. Voic-i ies vers du second ;
iF/c carox vïrtiis \nec enim occxiîuisse probatum.
Spectatum 'vel in hos'te clecu's ) cîccmore scroci,,
Taurea tunc, inquii , serro spoliabis inultus ,
Te majorem animam ? E't jusso lictore recisa
îgnavos cadet ante pedes fortissima cervix ?
üdauâ unçsuam koc ■nolis deâeri’t Deusinde minaci < \
Obtutu torvuin contra et suriale renidens-,
Eellatorem alacer perpectora transigit ensenu
AtelTa eî Calatia , deux vilîes de Campanle dé- \ ;
pendantes de Capoue , s’ètant rendues ensuiïe aux ;
Romaïns , les principaux de leurs citoyens fnrentéga- ;!
lement punis du dernier suppîice , de même que
soixante-dixdespremiers Sénateurs de Capoue, outre
trois censautres nobles qui resterent en prison. D’au-
tres furent dispersés en disférentes villes allièes des
Romains, et une grande multitude des Capouans fut
vendue à l’encan.
Aprês cela il fut question de savoir ce qison feroît
de Capoue et de son territoire. L’avis de quelques
uns étoit de la détruire de fond en comble ; mais
celui des amateurs du bien public prévalut, et, sur
leurs remontrances, il futdécidè que cette ville seroi't
conservéeenson entier, pour être habitèe par desagri-
culteurs, atùendu la fertiiitéet la beauté du territoire.
D’après cette dèlibèration pour repeupier Capoue ,
on y fit passer une grande multitude d’affranchis ,
de laboureurs , d’artisans ; mais îous ses champs et
ses maisons furenî confisquès au profit du peuple
Tomain ; de plus , en conservant la ville de Capoue ,
il ne fut point perrnis d’habiter hors de ses murs, ni
d’y ètablir aucune corporation , aucun Sènat , ni
aucune autre Magistrature, dans J.a crainte qu’ayant
un Gouvernement qui lui fût propre , elle n’en pri't
occasion de se porter à de nouvelles conspirations
et de nouvelles révoltes. Pour y rendre la justice entrc
les habitans , il fut réglé que chaque année on y
enverroit de Rome un Préfet : Prafectum adjura
reddenda , dlt Tite Live , ab Roma quolannis mis-
suros. Telle fut donc la fin du siége de Capoue, qui
avoit commencé i’an Sùp de Rome , et fmi au bout i
ïï&me 11L
| de la vllle pour observer sa situation , et s’avance
| j'usqu’au temp'le d’Hercule ; mais bientôt repoussë
| par les Romains , il fut obligé de s’éloigner après
deux orages, qui d’un jour à I’autre, empêcherent les
deux armées d’en venir aux mains. Le slége de Ca-
poue cependant continuoit toujours. Annibal, au
lieu de s’acheminer dans sa retraite pour le faire lever,
dirige sa route vers la Calabre. Hannon et Bostas , qui
;j commandoient îa gamison carthaginoise à Capoue ,
j plus touchés du danger qu’ils courroient que de
\ ceiui de leurs alliés , écrivirent à leur Genéral pour
i iui témoigner leur indïgnation de voir qu’il les aban-
: donnoit dans la conjoncture terrible où iis se trou-
i voient. c: Ce n’est pas seulement, lui mandoient-iis,
» la villede Capoue que vous abandonnez aux enne-
» mis , mais nous-mêmes et nos soldats , qui s’at-
« tendent à éprouver la pius cruelle vengeance. Vous
» fuyez en Calabre , pour éviter la honte de voir
. » perdre , sousvos yeux , -notre ville r mais les llo-
» mains n’en ont pas usé de la sorte ils n’ont pas
» abandormé le siége de Capoue lorsqu’ils ont vu
« leur propre ville en danger. Que si vous fussiez
» retourné à Capoue et y eussiez porté le nerf de
« la guerre les Capouans et notis - mêmes étions
« préparés à faire une vigoureuse sortie. Aviez-vous
» donc franchi les Alpes pour faire îa guerre à ceux
■» de Tarente et de Reggio? Ne deviez-vous pas vous
» présenter avec votre armée par-tout où se rencon- .
« treroient les légions rooiaines ? Avez-vous donc
» oublié que c’est ainsl que nous fûmes vainqueurs ;
» au Lac de Trasimene et à Cannes ? » 'Ces lettres
furent confiées, avec promessc d’une granderécom- .
pense, à des Numicles qui étoient exercés dans ce '
genre de métier : s’étant transportés , sous prétexte ;
■de désertion, dans îe camp des Romains , ils y
attendoient roccasion de s’échapper, lorsqtie ia mai-
■ ïresse de i’un d’entre eux trahit leur secret. Arrêtés :
aussitôt et mis à la question, ils furent contraints
• d’avouer la fraude , et en conséquence , ils eurent, !
au nombre de soixante et dix , ies mains cotipées,
! après avoir été battus de verges. A la vue de cet :
■ aifreux spectacle , les Capouans perdirent entière- ;
enent courage. Le peuple s’étant soulevé, contraignit ,
Lesius, Chefdu Sénat , à rassembler sa compagnie
pour aviser au moyen d’obtenir quelque composi-
tion des Romains en se rendant à eux. Les avis des
Sénateurs furent partagés : celui de Vibius Virius ,
i’un des plus distingués d’entre eux, fut de se sous-
• traire par une mort volontaire, à la honte d’être
obligé de se remettre à la discrétion des Romains.
<x Nous avons assez vécu , dit-il, ii ne nous reste
;> pîus que la liberté, qu’on ne peut encore notis
i » ravir, de passer les eattx de l’Achéron. Quiconque
; 7) d’entre votts voudra prendre ce parti , je lui olfre
: » cette nuit des la'bles bien sournies de mets et de
' » vins. Après s’ê-tre pleinement rassasiè , que dans
i 3> i’engourdissement de ses sens, il avale du poison ,
; » comme l’unique et souveraïn remede à son mal-
; „ heur ». ( Silius Itaiicus , L. i3. ) Ce discours fut
approuvé de plusiettrs , et mis la meme nuit a exe-
' cution t mais ie plus grand nombre eomptant sur
îa clémence des liomains , dont iis avoient donné
: des preuves en tant d’occasions , , jugea qu’il étoit
pîus à propos de nommer des députés pour ieur
porter lesclefs dela ville. Hes le lendemain, la porte
: de Capoue qui etoit vis-à-vis du camp des Romains
ayant été ouverte par ordre du x loconsul, le Lieu-
; tenant C. Fulvius y entre à la tète d’une iégion et
; de detix escadrons , et commence par se faire ap-
porter toutes les armes qui étoient dans la place. 11
; ensuite poster des gardes a toutes les portes, afin
que personne ne pût entrer ni sortir ; après quoi tl
ht prisonniere la garnison carthaginoise , avec ordre
at/Général de transporter au camp le Sénat, qui , à
-son arrivée , fut aussitôt chargé de chaînes , et obligé
de remettre entre les mains des Trésoriers tôuti’oret ;
î’argent dout ii étoiî pourvu. Vingt des Sénateurs furent ; j
envoyês sous bonne garde , àCalvi, eî dîx-liuit aut-res j
à Teano. C’étoient ceux qu’on savoit être ou les au- ]
ïeurs ou ies ïnstigateurs de la révolte des Caponans. 1
Les Proconsuls ies ayant «tiivîs de jyrès, ’CommeE- 1
cerent à instrtiïte ieut procès, Claudius inclinoit au ]
patdon, et Fulvius à la rigueut, Ce dernier avis prë- -j
vaiut , et îes prisonnîers , après avoir ctë battus : ]
de verges , eurent la tête tranchëe. Pendanï cetïe . j
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qui n’étoitpasdu nombre descondamnés,s ,avance vers i]
le tribuna'i de Fuivius , et iuî adressani la parole : ]
« ■Commande, dit-il, tjue jesoisaussi misà mort. Ful- \
vius refuse. Taurea reprend: Après que saïperâuma \
Patrie et mes amvs , el tuè de ma propre maîn i ]
mes ensans et ma femms , pour les préserver de . ;
quëlque traitement ignominieux ■âe votrc part;; \
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cher dans mon courage ia Uberté de me dèlwrer de \
■cette odieuse vie » ; et aussitôt, tirant un poignard |
qu’il avoit sous sa robe , il se T’enfoace dans lô sein , :
et tombe tout ensanglanté devant le cruel Générah \
Tite Live dit que Taurea ne vint pas de son propre
mouvement à Calvi , et qu’il ne périt pas de sa pro-
pre main , mais que, tandis qu’ii écoit attaché au . ;
pieu avec les autres condamnés, Fulvius entendant
certaines paroles qu’ii proféroit, ordonna qu’il fùt
ie premier frappë de verges , et ensuite mis à mort. '
Mais Valerius Maxime ( L. 3, de Fortïtud. et Silius
stalicus, L. 3,) attestenî sa inort comme nous ve-
nons :de le rapporter. Voic-i ies vers du second ;
iF/c carox vïrtiis \nec enim occxiîuisse probatum.
Spectatum 'vel in hos'te clecu's ) cîccmore scroci,,
Taurea tunc, inquii , serro spoliabis inultus ,
Te majorem animam ? E't jusso lictore recisa
îgnavos cadet ante pedes fortissima cervix ?
üdauâ unçsuam koc ■nolis deâeri’t Deusinde minaci < \
Obtutu torvuin contra et suriale renidens-,
Eellatorem alacer perpectora transigit ensenu
AtelTa eî Calatia , deux vilîes de Campanle dé- \ ;
pendantes de Capoue , s’ètant rendues ensuiïe aux ;
Romaïns , les principaux de leurs citoyens fnrentéga- ;!
lement punis du dernier suppîice , de même que
soixante-dixdespremiers Sénateurs de Capoue, outre
trois censautres nobles qui resterent en prison. D’au-
tres furent dispersés en disférentes villes allièes des
Romains, et une grande multitude des Capouans fut
vendue à l’encan.
Aprês cela il fut question de savoir ce qison feroît
de Capoue et de son territoire. L’avis de quelques
uns étoit de la détruire de fond en comble ; mais
celui des amateurs du bien public prévalut, et, sur
leurs remontrances, il futdécidè que cette ville seroi't
conservéeenson entier, pour être habitèe par desagri-
culteurs, atùendu la fertiiitéet la beauté du territoire.
D’après cette dèlibèration pour repeupier Capoue ,
on y fit passer une grande multitude d’affranchis ,
de laboureurs , d’artisans ; mais îous ses champs et
ses maisons furenî confisquès au profit du peuple
Tomain ; de plus , en conservant la ville de Capoue ,
il ne fut point perrnis d’habiter hors de ses murs, ni
d’y ètablir aucune corporation , aucun Sènat , ni
aucune autre Magistrature, dans J.a crainte qu’ayant
un Gouvernement qui lui fût propre , elle n’en pri't
occasion de se porter à de nouvelles conspirations
et de nouvelles révoltes. Pour y rendre la justice entrc
les habitans , il fut réglé que chaque année on y
enverroit de Rome un Préfet : Prafectum adjura
reddenda , dlt Tite Live , ab Roma quolannis mis-
suros. Telle fut donc la fin du siége de Capoue, qui
avoit commencé i’an Sùp de Rome , et fmi au bout i
ïï&me 11L