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Faure, Élie
Histoire de l'art (5): L'esprit des formes — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librarie Plon, 1949

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https://doi.org/10.11588/diglit.71100#0019
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de ces parentés émouvantes qui évoquent l'identité des origines,
et font comprendre que des haches de silex ou des ossements
humains ne se puissent qu'à peine distinguer les uns des autres,
qu'on les découvre sous les alluvions du Missouri ou du Niger
ou roulant parmi les galets d'une rivière de France ou d'un
torrent de l'Alaska.
Il est dès lors naturel que l'intelligence, après avoir, par la
grâce des archéologues, classé rigoureusement les formes figurées
qui l'expriment en tous lieux et depuis toujours, tende à retrouver
sous leurs divergences une sorte d'unité de plan, suivant un tra-
vail analogue à celui qu'effectua Lamarck vis-à-vis des formes
naturelles différenciées par ses prédécesseurs. L'esprit des formes
est un. Il circule au dedans d'elles comme le feu central qui
roule au centre des planètes et détermine la hauteur et le profil
de leurs montagnes selon le degré de résistance et la constitu-
tion du sol. Les images des dieux sont aussi instables que pos-
sible, même s'il s'agit des dieux d'un même peuple, précisé-
ment parce qu'elles représentent, dans le monde des apparences,
la circulation invisible d'une force permanente, et décidée à
briser ou à déformer les obstacles, qui parcourt ses artères,
anime ses nerfs, soude et sale ses os depuis l'origine de l'homme.
C'est la permanence de cette force qu'il s'agit de retrouver et
de mettre en lumière sous la diversité et la variabilité des sym-
boles qui la dissimulent. Je ne demande pas mieux qu'on la
qualifie de Dieu, à condition qu'elle reste insaisissable en son
essence et ne laisse apercevoir de temps à autre qu'un aspect
plus ou moins essentiel, plus ou moins profond de son être, que
la tâche du poète est précisément de révéler avant qu'il s'éva-
nouisse pour toujours. Un mythe fort émouvant de la cosmo-
génie polynésienne nous apprend qu'un dieu ne devient dieu
qu'au moment où il devient forme. C'est vrai. Mais il est vrai,
aussi, qu'au moment où il devient forme, il commence de mourir.
Ainsi, l'œuvre exprimant l'unanime drame plastique est pour
nous d'autant plus poignante qu'elle s'efforce de donner plus
de stabilité et d'imposer des lois statiques plus durables à une
image de la vie qu'elle sent plus instable et plus entraînée dans
le devenir par un dynamisme plus impérieux. Toute l'histoire
d'un artiste, toute l'histoire d'une école, toute l'histoire de l'art

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