Les Phéniciens, après y avoir entassé des enfants, faisaient
rougir au feu leurs dieux de fer. Sauf chez les Égyptiens, où
la richesse de l'oasis détermine le décor, mais où ses carac-
tères géométriques contribuent sans doute à montrer, dans
la masse et la densité des colosses, dans l'hermétisme des
temples aussi nus que des remparts, un peu de l'acharnement
du Sémite à affirmer sa royauté spirituelle, peut-être même
un peu de sa férocité dans les têtes d'épervier ou de panthère
de ses dieux (i), on a vite fait de surprendre, partout où il
est présent, la marque de ce sadisme. Il est vrai qu'on ne
voit pas si c'est le sang qui l'exige, ou le milieu, partout éga-
lement ingrat : en Assyrie (2), l'autocratie sans contrepoids
se glorifiant de couper les mains, d'arracher les yeux, de
broyer les têtes, de faire bouillir des vivants, la guerre sans
arrêt, les fauves descendant sans cesse des montagnes pour
décimer les troupeaux, le régime des inondations nourri-
cières moins régulier qu'en Égypte, un limon malsain, des
nuits polaires, une chaleur atroce dans le jour; sur le pas-
sage de l'Arabe (3), des étendues de sable ardent où la soif
et l'insolation règnent, la fraîcheur des eaux et des palmes
réservée à l'aristocratie guerrière qui, par surcroît, enlève et
cloître les femmes et les filles du vaincu ; en Espagne, l'ari-
dité, le vent torride un jour, glacial le lendemain, l'Inquisi-
tion traquant l'esprit jusque dans l'alcôve et le silence,
l'exaction politique, des jeux sanglants, une effroyable aspi-
ration à l'ascétisme et à la mort (4). Art féroce, partout, là,
par le meurtre étalé et décrit avec une application naïve,
mâchoires broyant, griffes éventrant, harpons perçant des
poumons et des crânes, bêtes blessées se traînant sur leurs
membres morts, cadavres entassés et jonchés de toute part,
— plus loin, par l'interdiction absolue d'exprimer la forme
vivante, l'énervante arabesque n'autorisant le rêve à se fixer
nulle part, l'ombre froide où l'or étincelle sur un fond de
sang caillé, ces ciselures et ces émaux sur le manche des poi-
(1) Art Antique, p. 67.
(2) Art Antique, p. 82.
(3) Fig. 42, 43 et 44.
(4) Fig. 103 et 119.
— 107 —
rougir au feu leurs dieux de fer. Sauf chez les Égyptiens, où
la richesse de l'oasis détermine le décor, mais où ses carac-
tères géométriques contribuent sans doute à montrer, dans
la masse et la densité des colosses, dans l'hermétisme des
temples aussi nus que des remparts, un peu de l'acharnement
du Sémite à affirmer sa royauté spirituelle, peut-être même
un peu de sa férocité dans les têtes d'épervier ou de panthère
de ses dieux (i), on a vite fait de surprendre, partout où il
est présent, la marque de ce sadisme. Il est vrai qu'on ne
voit pas si c'est le sang qui l'exige, ou le milieu, partout éga-
lement ingrat : en Assyrie (2), l'autocratie sans contrepoids
se glorifiant de couper les mains, d'arracher les yeux, de
broyer les têtes, de faire bouillir des vivants, la guerre sans
arrêt, les fauves descendant sans cesse des montagnes pour
décimer les troupeaux, le régime des inondations nourri-
cières moins régulier qu'en Égypte, un limon malsain, des
nuits polaires, une chaleur atroce dans le jour; sur le pas-
sage de l'Arabe (3), des étendues de sable ardent où la soif
et l'insolation règnent, la fraîcheur des eaux et des palmes
réservée à l'aristocratie guerrière qui, par surcroît, enlève et
cloître les femmes et les filles du vaincu ; en Espagne, l'ari-
dité, le vent torride un jour, glacial le lendemain, l'Inquisi-
tion traquant l'esprit jusque dans l'alcôve et le silence,
l'exaction politique, des jeux sanglants, une effroyable aspi-
ration à l'ascétisme et à la mort (4). Art féroce, partout, là,
par le meurtre étalé et décrit avec une application naïve,
mâchoires broyant, griffes éventrant, harpons perçant des
poumons et des crânes, bêtes blessées se traînant sur leurs
membres morts, cadavres entassés et jonchés de toute part,
— plus loin, par l'interdiction absolue d'exprimer la forme
vivante, l'énervante arabesque n'autorisant le rêve à se fixer
nulle part, l'ombre froide où l'or étincelle sur un fond de
sang caillé, ces ciselures et ces émaux sur le manche des poi-
(1) Art Antique, p. 67.
(2) Art Antique, p. 82.
(3) Fig. 42, 43 et 44.
(4) Fig. 103 et 119.
— 107 —