accourent de toutes parts, l'individu bondit dans la passion
et l'intelligence éperdues à la recherche de sa propre réalité.
L'anarchie passionnelle la plus complète dresse l'homme
contre l'homme. La guerre est endémique dans la rue. La
frénésie amoureuse brise et disperse les familles. La frénésie
de lucre et d'ambition politique disloque et ensanglante les
cités. Le poignard, le poison sont l'arme naturelle et devenue
pour ainsi dire légitime de la passion hagarde qui dévaste
le cœur de l'individu.
Or, quand on entre, encore aujourd'hui, dans une église
d'Italie, on est frappé du désordre qui y règne, si l'on veut
bien se souvenir du Nord. La foule y est dispersée au hasard,
causant par groupes, souvent le dos à l'autel, hommes, femmes
confondus, amoureux, rieurs, curieux, enfants, marchands
même, mystiques le front sur les dalles, tous mêlés et chacun
pour soi. Splendide, et aussi mortelle dispersion des volontés,
des plaisirs, des souffrances! Pour organiser cette foule, il
faut qu'une longue ligne sinueuse unisse à cet enfant debout,
qu'une femme agenouillée enveloppe de ses bras, cet homme
qui s'appuie à ce pilier pour ne pas défaillir d'angoisse, ce
couple isolé dans sa passion et dont les têtes se touchent,
cette vieille au visage d'aigle qui regarde Dieu fixement. Une
telle ligne pourra seule imposer une loi commune à ces êtres
épars dont chacun, toute sa vie, cherche vainement la sienne.
Il n'est plus ici question de l'eurythmie cinématique d'Athènes
où le désordre est bien plus dans les cœurs que dans les
cerveaux. Il n'est pas ici question de la mesure statique de la
France, dont les écarts tiennent plus de la fantaisie intellec-
tuelle que de l'imagination sentimentale. Il est question
d'établir, entre des passions antagonistes qu'expriment des
formes sans apparente cohésion, un équilibre dynamique que
la souplesse, l'enchevêtrement et la variabilité des lignes
pourront à tout instant dénouer, renouer, assembler en com-
binaisons neuves pour le rompre l'instant d'après. L'ara-
besque, que Raphaël conduit à son degré le plus parfait de
continuité et d'expressivité ondulante et enveloppante, est
l'arme inventée par l'esprit pour réunir l'éparpillement de ces
formes séparées peu à peu par la désagrégation du catholi-
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et l'intelligence éperdues à la recherche de sa propre réalité.
L'anarchie passionnelle la plus complète dresse l'homme
contre l'homme. La guerre est endémique dans la rue. La
frénésie amoureuse brise et disperse les familles. La frénésie
de lucre et d'ambition politique disloque et ensanglante les
cités. Le poignard, le poison sont l'arme naturelle et devenue
pour ainsi dire légitime de la passion hagarde qui dévaste
le cœur de l'individu.
Or, quand on entre, encore aujourd'hui, dans une église
d'Italie, on est frappé du désordre qui y règne, si l'on veut
bien se souvenir du Nord. La foule y est dispersée au hasard,
causant par groupes, souvent le dos à l'autel, hommes, femmes
confondus, amoureux, rieurs, curieux, enfants, marchands
même, mystiques le front sur les dalles, tous mêlés et chacun
pour soi. Splendide, et aussi mortelle dispersion des volontés,
des plaisirs, des souffrances! Pour organiser cette foule, il
faut qu'une longue ligne sinueuse unisse à cet enfant debout,
qu'une femme agenouillée enveloppe de ses bras, cet homme
qui s'appuie à ce pilier pour ne pas défaillir d'angoisse, ce
couple isolé dans sa passion et dont les têtes se touchent,
cette vieille au visage d'aigle qui regarde Dieu fixement. Une
telle ligne pourra seule imposer une loi commune à ces êtres
épars dont chacun, toute sa vie, cherche vainement la sienne.
Il n'est plus ici question de l'eurythmie cinématique d'Athènes
où le désordre est bien plus dans les cœurs que dans les
cerveaux. Il n'est pas ici question de la mesure statique de la
France, dont les écarts tiennent plus de la fantaisie intellec-
tuelle que de l'imagination sentimentale. Il est question
d'établir, entre des passions antagonistes qu'expriment des
formes sans apparente cohésion, un équilibre dynamique que
la souplesse, l'enchevêtrement et la variabilité des lignes
pourront à tout instant dénouer, renouer, assembler en com-
binaisons neuves pour le rompre l'instant d'après. L'ara-
besque, que Raphaël conduit à son degré le plus parfait de
continuité et d'expressivité ondulante et enveloppante, est
l'arme inventée par l'esprit pour réunir l'éparpillement de ces
formes séparées peu à peu par la désagrégation du catholi-
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