loppement historique d'un groupe — la maturation soudaine
du sentiment religieux et le plus haut moment d'énergie de
ce groupe, quelque chose de surnaturel semble non pas
tomber de Dieu sur l'homme, mais monter de l'homme vers
Dieu. La foi est toujours égale à elle-même, sans doute,
depuis que la religion formulée et ritualisée a rassemblé tous
les cœurs dans une croyance commune. Mais une chose
imprévue s'est produite. Des forces historiques ont agi pen-
dant des siècles, le plus souvent par hasard, désignant tel
peuple plutôt que tel autre parce que sa position géogra-
phique est favorable à sa fécondation, parce que le drame
guerrier ou politique, plus terrible chez lui qu'ailleurs, est
plus vaillamment accepté, parce qu'enfin, et surtout, un
génie particulier qu'il tient de son sol et de ses secrets ata-
vismes l'a formé pour ce rôle-là, et que soudain, dans un
grand et large courant d'enthousiasme il a lancé sa croyance,
comme un germe viril, dans les flancs de l'univers. Telle est
la crise d'amour des grandes races, leur virilité organique
au cours de qui leur puissance mystique, multipliée par cette
virilité même, cherche et trouve son aliment. C'est du plus
grand moment d'énergie, non du plus grand moment de foi,
que jaillit le plus grand moment de création de l'espèce.
Du XIe au xive siècle, en France, l'édifice civil vaut l'édifice
religieux. La plus belle cathédrale du Nord n'est pas d'une
qualité supérieure, du point de vue de la structure, au pont
Valentré de Cahors ou au château des papes d'Avignon (i).
Et n'importe quel édifice civil français du xve siècle, le plus
pieux de notre histoire, est supérieur à l'édifice religieux du
même temps. Quelle que soit l'ardeur de la foi de l'espèce,
si l'énergie spirituelle l'a quittée à ce moment-là, l'art,
expression de cette énergie spirituelle, la quittera du même
coup pour se réfugier dans le cœur de quelques individus.
Ce qui crée l'art, en somme, c'est la rencontre de la virilité
et de l'amour. Il est naturel que, jusqu'ici, les grandes reli-
gions en aient été le prétexte. Mais elles ne l'ont pas tou-
jours été, et il n'y a aucune raison pour que des mouvements
(i) Art Médiéval, p. 161.
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du sentiment religieux et le plus haut moment d'énergie de
ce groupe, quelque chose de surnaturel semble non pas
tomber de Dieu sur l'homme, mais monter de l'homme vers
Dieu. La foi est toujours égale à elle-même, sans doute,
depuis que la religion formulée et ritualisée a rassemblé tous
les cœurs dans une croyance commune. Mais une chose
imprévue s'est produite. Des forces historiques ont agi pen-
dant des siècles, le plus souvent par hasard, désignant tel
peuple plutôt que tel autre parce que sa position géogra-
phique est favorable à sa fécondation, parce que le drame
guerrier ou politique, plus terrible chez lui qu'ailleurs, est
plus vaillamment accepté, parce qu'enfin, et surtout, un
génie particulier qu'il tient de son sol et de ses secrets ata-
vismes l'a formé pour ce rôle-là, et que soudain, dans un
grand et large courant d'enthousiasme il a lancé sa croyance,
comme un germe viril, dans les flancs de l'univers. Telle est
la crise d'amour des grandes races, leur virilité organique
au cours de qui leur puissance mystique, multipliée par cette
virilité même, cherche et trouve son aliment. C'est du plus
grand moment d'énergie, non du plus grand moment de foi,
que jaillit le plus grand moment de création de l'espèce.
Du XIe au xive siècle, en France, l'édifice civil vaut l'édifice
religieux. La plus belle cathédrale du Nord n'est pas d'une
qualité supérieure, du point de vue de la structure, au pont
Valentré de Cahors ou au château des papes d'Avignon (i).
Et n'importe quel édifice civil français du xve siècle, le plus
pieux de notre histoire, est supérieur à l'édifice religieux du
même temps. Quelle que soit l'ardeur de la foi de l'espèce,
si l'énergie spirituelle l'a quittée à ce moment-là, l'art,
expression de cette énergie spirituelle, la quittera du même
coup pour se réfugier dans le cœur de quelques individus.
Ce qui crée l'art, en somme, c'est la rencontre de la virilité
et de l'amour. Il est naturel que, jusqu'ici, les grandes reli-
gions en aient été le prétexte. Mais elles ne l'ont pas tou-
jours été, et il n'y a aucune raison pour que des mouvements
(i) Art Médiéval, p. 161.
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