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Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux — 9.1884

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Courajod, Louis: Une sculpture en bois peinte et dorée de la première moitié du XIIe siècle, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25357#0138

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des accents d’une telle perfection qu’ils embarrassent ceux-là mêmes qui n’ont
pas de préventions contre l’art du Moyen-Age. Dans quelques cas exceptionnels
cette beauté d’expression, cessant d’ètre relative et échappant aux conditions
du temps et du milieu dans lesquels elle s’est produite, se rapproche de la
beauté absolue qui peut appartenir concurremment à l’art de plusieurs époques.
Elle jette alors le trouble dans l’esprit de l’historien qui veut dater une oeuvre
uniquement par l’étude de ses caractères généraux. Une Vierge romane d’une
extrème souplesse de dessin et d’une incroyable intensité d’expression, publiée
par M. Charles de Linas 1, suffit à prouver cette affîrmation. G’est un fait
indiscutable aujourd’hui. Aux qualités spéciales de leur manière, à la majesté
de leur stvle traditionnel, les sculpteurs romans, pendant quelques heures
privilégiées, ont joint l’émotion en face de la nature vivante, une réelle
liberté dans la traduction du modèle et une passion si grande de la vérité
qu’elle peut confiner parfois à une sorte de réalisme.

Dans la sculpture en bois étudiêe par nous, on sent que la nature a étô con-
sultée sans être copiée servilement. L’anatomie du torse, les doigts de lamain,
l’ongle du pouce, le front, ie nez, les veux sont traités avec autant d’art que
devérité. La bouche est ferme, fine et belle. Sile visage est la reproduction
d’un type individuel, on aperçoit bien vite que ce type a été ennobli et épuré.
Une certaine aspiration vers la réalité, une préoccupation de la vérité maté-
rielle se révèlent, en même temps qu’une doctrine sévère refrène inexorable-
ment ces deux instincts et corrige, par une sorte de géométrie pittoresque, à
l’aide de formules quasi algébriques, la naïveté, les tâtonnements du copiste
de la nature. L’œuvre entière, dont tous les détails sont soignés, émane cer-
tainement d’une école où l’art, si primitif qu’il fût d’inspiration, si limité
qu’il fût par d’étroites règles traditionnelles, usait cependant déjà de véri-
tables rafïinements dans l’exécution.

Dans l’ensemble des œuvres connues de l’art roman, ceile-ci occupe incon-
testablement un rang distingué. Elle est de beaucoup supérieure à la plupart
des lourdes et grossières figures de nombreux porches d’église. Au point de vue

1 L'art et l’industrie d’autrefois dans ta réyion
de la Meuse belge, souvenirs de l’exposition rdtros-
peclive de Liège en 1881, Paris, in-8, p. 38.
D’aprcs M. de Linas, cette Vierge, dite Vierge de

Rupert, aurait été exécutée avant 1096. Mais,
quand bien même l’attribution aux dernières années
du onzième siècle viendrait à être discutée, il
demeure acquis que l’œuvre est bien romane.
 
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