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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 9.1874

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Michiels, Alfred: Le Chapeau de Paille par Rubens
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https://doi.org/10.11588/diglit.21838#0033

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28

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

et descendre l’escalier du sort. Que de scènes domestiques eurent lieu
devant ce muet témoin, que de joies secrètes, librement exprimées, que
de larmes silencieuses, répandues loin des jaloux, des railleurs et des
méchants! Les émotions les plus violentes, les crises les plus tragiques
de la destinée humaine, sont justement celles que l’on dérobe avec soin à
tous les regards. Le bonheur et l’infortune aiment le silence et le mys-
tère : ce que nous montrons de nous-mêmes, c’est, la partie la plus com-
mune, la plus insignifiante, comme un arbre qui souffre n’abandonne
aux vents que des feuilles mortes.

Après bien des vicissitudes inconnues, un hasard propice amena enfin
la gracieuse image devant un habile connaisseur, qui pouvait non-seule-
ment l’apprécier, mais l’acquérir, le fameux Robert Peel. Le ministre
opulent n’eut garde de la laisser échapper : elle devint un des ornements
principaux de sa galerie, où elle fut recherchée, admirée longtemps par
les amateurs. Hazlitt lui consacra un passage de ses brillantes et capri-
cieuses variations. Le Chapeau de paille acquit une célébrité européenne.
Mais toute œuvre qui décore une habitation particulière, fût-ce un hôtel
princier, court la chance d’une nouvelle émigration. Et en voyage, elle
peut toujours subir des avaries ou disparaître. Une seconde faveur du
sort a prémuni contre ces mauvaises chances la toile magnifique où le
génie de Rubens lutte contre la nature. Du cabinet de sir Robert Peel,
Mlle Lunden a passé dans la Galerie nationale de Londres, cette collection
qui devient chaque jour plus précieuse, que les administrateurs augmen-
tent avec un zèle, un goût et une science dignes d’éloges. Voilà donc le
chef-d’œuvre abrité contre la malveillance du destin, livré sans obstacle
aux regards studieux, autre avantage dont les historiens, critiques et
amateurs ne méconnaîtront pas l’importance, car il faut pouvoir examiner
à son jour et à son heure les productions d’élite : on ne les comprend
bien, on n’en sent toute la valeur que dans la même disposition morale
qui les a inspirées. Alors seulement il y a complète sympathie entre
l’auteur et le juge ; alors seulement l’idée de l’artiste, la poésie de l’œuvre,
apparaissent sans voile et comme illuminées.

ALFRED MIC IIIE L S
 
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