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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 9.1874

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Nr. 1
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Champfleury: De quelques estampes satiriques pour et contre la Réforme, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21838#0035

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30

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

« Rome, sous les dehors d’un agneau, avec un regard simple et
modeste, vous êtes au dedans un loup ravisseur et un serpent cou-
ronné. »

Il serait facile d’accumuler d’autres attaques des adversaires de l’Eglise,
celles de Pierre Cardinal entre autres. Elles sont nombreuses. L’Inquisi-
tion ne laissa pas longtemps lés troubadours chanter sur ce ton. Traqués,
persécutés, emprisonnés, ils durent se taire ou s’enfuir à l’étranger;
mais la secousse était imprimée, et jusqu’en Italie, en pleine Rome, le
trône papal continua à servir de point de mire aux attaques violentes.

Un tailleur, nommé Pasquin, n’avait pas craint, au xive siècle, de criti-
quer les faits et gestes du pape, des cardinaux, des prélats et des grands
seigneurs. Son esprit caustique le rendit populaire : on le regardait comme
une sorte de Diogène. Quand il mourut, un fragment de statue antique
ayant été trouvé aux environs de son échoppe, les ouvriers le dressèrent
contre le palais Pamphili et, en souvenir de l’artisan sarcastique, déco-
rèrent ce torse du nom de Pasquin.

« Les courtisans et les poètes, dit un ancien écrivain italien, Ant. Ba-
rotti, ne laissèrent pas échapper cette occasion de vider leurs satires sous
ce nom consacré; ils donnèrent à la statue le caractère fin et mordant du
tailleur, et lui attribuèrent toutes les plaisanteries qu’ils voulurent pu-
blier. Ils conservèrent à ces pamphlets le style des gens sans éducation,
et respectèrent le vocabulaire plébéien de Pasquin, sans renoncer aux
traits spirituels. Bientôt Pasquin fut couvert journellement de mille
concetti, qui prirent depuis le nom de pasquinades; mais l’audace de
Pasquin redoublant de jour en jour, Adrien VI, pour en terminer avec
l’enragé satirique, ordonna de précipiter sa statue dans le Tibre. — Quoi,
disait-il, dans une ville où il est facile de fermer la bouche aux hommes,
je ne pourrai pas trouver le secret de faire taire un morceau de marbre?
— Si on noyait Pasquin, répondit au pape un de ses familiers, il se ferait
entendre plus haut que les grenouilles du fond de leurs marais ; et si on le
brûlait, les poètes, nation naturellement portée à médire, s’assemble-
raient tous les ans dans le lieu du supplice de leur patron, pour y célé-
brer ses obsèques en déchirant la mémoire de celui qui lui aurait fait son
procès.

Pasquin échappa au Tibre, mais ne devint pas plus réservé dans ses
propos : « Les murs de la cité des papes, disait-il, sont faits de capu-
chons, de rosaires, de chapelets, de tonsures, de barbes de capucins, de
ceintures monacales, de sandales, de poissons, d’œufs, de fromages, de
mitres, de peaux de chèvre, de cierges, de cire et de plomb, de bulles et
d’une foule d’écrits, le tout cimenté avec de l’huile et de la soie. Voilà de
 
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