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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 9.1874

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Nr. 3
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Galichon, Émile: À propos d'un dessin de Michel-Ange
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https://doi.org/10.11588/diglit.21838#0212

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202

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de ses dessins ne nous avait fourni un prétexte pour le présenter sous un
jour auquel on est peu habitué. Ce que nous avons à ajouter à la biogra-
phie de Buonarrotti n’est pas considérable; mais nous croyons, et ce sera
notre excuse, que rien de ce qui touche aux hommes de génie n’est indif-
férent, et que pour les bien juger il ne faut pas seulement les voir de
loin et en gros, mais les regarder du plus près possible.

Pour le public, Michel-Ange était une nature sombre, farouche, d’une
indépendance absolue, n’aimant pas plus à rendre compte des motifs qui
le faisaient agir qu’à écouter les observations ; et lorsque Paul Delaroche
l’a représenté, dans l’hémicycle de l’École des beaux-arts, assis à l’écart,
ne prêtant même pas une oreille distraite aux discussions de ses con-
frères, il n’a fait qu’exprimer l’opinion commune.

Plusieurs anecdotes, mises en circulation par Vasari et auxquelles on
a accordé trop d’importance, ont contribué à populariser un portrait
de Michel-Ange que nous croyons exagéré.

Qui ne connaît le récit de la visite que le gonfalonier Soderini fit à
Michel-Ange comme il terminait sa statue de David, destinée à l’orne-
mentation de la place du Palazzo-Vecchio, à Florence? Ce magistrat, —
semblable en cela à bien des administrateurs de notre connaissance qui
s’imaginent que leurs dignités les mettent à même de ne rien ignorer et
de juger de tout, même des arts, — ce magistrat, disons-nous, se permit
de critiquer le nez du David qui était, à son avis, trop gros. Michel-Ange
ayant remarque que ce docte amateur, incapable de trouver le vrai point
de vue, regardait de bas en haut sa statue, sentit s’éveiller en lui le désir
de railler son aristarque. Il reprit en main ses ciseaux, remonta gravement
sur son échafaud et, feignant de corriger le nez, il laissa tomber sur le
savant connaisseur de la poussière de marbre qu’il avait adroitement
ramassée à terre. Puis, s’adressant au gonfalonier : « Regardez-!e mainte-
nant et dites-moi bien franchement ce que vous en pensez. — 11 me
plaît davantage, répondit le personnage mystifié; vous lui avez donné la
vie. » Quel peintre serait assez audacieux pour représenter cette scène et
mettre sur le sombre visage que nous connaissons de Michel-Ange le
sourire qui l’animait lorsqu’il redescendit les marches de son échafaud?
Mais Michel-Ange avait alors trente ans et il savait encore rire ; le siège
de Florence, la perte de la liberté de sa ville natale, les longues médita-
tions de l’âge mûr, n’avaient pas creusé sur son visage les rides profondes
qui caractérisent pour nous son portrait.

Plus tard, s’il fallait en croire la rumeur, son caractère serait devenu
farouche et ses plaisanteries terribles. Pendant qu’il travaillait à la cha-
pelle Sixtine, il en refusait l’entrée à toute personne, et le pape Jules II
 
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