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JVC^^.J3^î: OU J3^0J\fHE
Nous recevons d'Anvers la communicatiou
suivante :
« On dit que d'ici un an au plus, le sculp-
teur Yinçotte livrera les fameux groupes qui
lui ont été commandés par la Ville, il y a plu-
sieurs années déjà, destinés à orner la façade
du Musée.
Ces groupes seront exécutés en bronze ei
la fonte vient d'en être confiée à une firme
allemande. Le contrat primitif stipulait que
ces statues seraient exécutées en pierre. Au
cours de son travail, le sculpteur reconnut
Puig Cadafalch. Cour centrale.
que le bronze serait préférable et la Ville s'est
enfin rangée à son avis.
M. Vinçotte est, certainement, un sculp-
teur de haut talent; ses œuvres ont du nerf
et du muscle; il ne leur manque même pas
la consécration officielle, royale même, carie
nom de M. Vinçotte figure dans les grands
musées et sous le buste du Roi et de la Reine
des Belges.
Nous nous sommes demandé ce qui avait
pu amener l'artiste à reconnaître, au cours de
son travail, que le bronze serait préférable.
Il est hors de doute que ses groupes visent-
plus à un effet décoratif d'ensemble qu'à une
recherche d'anatomie fouillée. Ils doivent être
en harmonie avec le corps de bâtiment auquel
ils seront apposés, et c'est cette raison qui dut
guider les édilités du pays de Rubens lors-
qu'elles stipulèrent que les « statues seraient
exécutées en pierre ».
Mais le contraste du bronze sur la pierre
fait ressortir le bronze, pense M. Vinçotte; le
bronze est moins banal malgré son allure
figée; ses qualités métalliques sont appréciées
par les profanes de l'art quand, du doigt
recourbé, ils toquent le groupe.
Et puis, la question d'immortalité joue
un grand rôle. Pensez donc! la pierre, le
temps aidant, se désagrège, les arêtes s'effri-
tent, et dans deux cents ans, les étrangers
débarquant à Anvers ne jetteraient plus
qu'un regard rapide sur les œuvres de
M. Vinçotte, les considérant comme quelque
vestige d'art ancien exposé à la porte, alors
que les salles intérieures du Musée resteraient
destinées à abriter quelque fragment du
Parthénon, aussi en pierre celui-là...
Laissons à M. Vinçotte ses appréciations
personnelles, et accordons à la ville d'Anvers
que les raisons qui lui furent présentées
devaient être bien convaincantes pour
qu'elle revînt sur sa décision première. Nous
supposons, au pis aller, que les sujets des
groupes tentent des prodiges d'équilibre que
seul un gros et solide boulon rivé dans le
bronze rétablira habilement.
Notre avis, exprimé ici, deviendrait un
lieu commun. La muette et magnifique élo-
quence du passé suffit. Nous nous recueillons
devant les conceptions des vulgaires classiques
et des grands contemporains; ils savaient et
savent, eux, faire vivre la pierre : leurs
œuvres n'ont pas besoin du secours d'un reflet
métallique ou d'une patine artificielle pour
consacrer le génie de leur créateur.
JVC^^.J3^î: OU J3^0J\fHE
Nous recevons d'Anvers la communicatiou
suivante :
« On dit que d'ici un an au plus, le sculp-
teur Yinçotte livrera les fameux groupes qui
lui ont été commandés par la Ville, il y a plu-
sieurs années déjà, destinés à orner la façade
du Musée.
Ces groupes seront exécutés en bronze ei
la fonte vient d'en être confiée à une firme
allemande. Le contrat primitif stipulait que
ces statues seraient exécutées en pierre. Au
cours de son travail, le sculpteur reconnut
Puig Cadafalch. Cour centrale.
que le bronze serait préférable et la Ville s'est
enfin rangée à son avis.
M. Vinçotte est, certainement, un sculp-
teur de haut talent; ses œuvres ont du nerf
et du muscle; il ne leur manque même pas
la consécration officielle, royale même, carie
nom de M. Vinçotte figure dans les grands
musées et sous le buste du Roi et de la Reine
des Belges.
Nous nous sommes demandé ce qui avait
pu amener l'artiste à reconnaître, au cours de
son travail, que le bronze serait préférable.
Il est hors de doute que ses groupes visent-
plus à un effet décoratif d'ensemble qu'à une
recherche d'anatomie fouillée. Ils doivent être
en harmonie avec le corps de bâtiment auquel
ils seront apposés, et c'est cette raison qui dut
guider les édilités du pays de Rubens lors-
qu'elles stipulèrent que les « statues seraient
exécutées en pierre ».
Mais le contraste du bronze sur la pierre
fait ressortir le bronze, pense M. Vinçotte; le
bronze est moins banal malgré son allure
figée; ses qualités métalliques sont appréciées
par les profanes de l'art quand, du doigt
recourbé, ils toquent le groupe.
Et puis, la question d'immortalité joue
un grand rôle. Pensez donc! la pierre, le
temps aidant, se désagrège, les arêtes s'effri-
tent, et dans deux cents ans, les étrangers
débarquant à Anvers ne jetteraient plus
qu'un regard rapide sur les œuvres de
M. Vinçotte, les considérant comme quelque
vestige d'art ancien exposé à la porte, alors
que les salles intérieures du Musée resteraient
destinées à abriter quelque fragment du
Parthénon, aussi en pierre celui-là...
Laissons à M. Vinçotte ses appréciations
personnelles, et accordons à la ville d'Anvers
que les raisons qui lui furent présentées
devaient être bien convaincantes pour
qu'elle revînt sur sa décision première. Nous
supposons, au pis aller, que les sujets des
groupes tentent des prodiges d'équilibre que
seul un gros et solide boulon rivé dans le
bronze rétablira habilement.
Notre avis, exprimé ici, deviendrait un
lieu commun. La muette et magnifique élo-
quence du passé suffit. Nous nous recueillons
devant les conceptions des vulgaires classiques
et des grands contemporains; ils savaient et
savent, eux, faire vivre la pierre : leurs
œuvres n'ont pas besoin du secours d'un reflet
métallique ou d'une patine artificielle pour
consacrer le génie de leur créateur.