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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Levasseur, E.: De l'influence générale de l'art sur l'industrie, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0118

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DE L'INFLUENCE GÉNÉRALE DE L'ART SUR L'INDUSTRIE. 107

Il fallait pour cela que le public qui commande les objets d'art eût eu le temps de faire
son éducation artistique. « Quant à ces tendances fâcheuses que les amis de l'art signalent
quelquefois, disait avec raison le rapporteur à l'exposition de 1844, on aurait tort d'en accuser
le fabricant. L'industrie n'a jamais lutté contre les entraînements, même ridicules, du public,
sans risquer de se briser contre cet obstacle. »

C'est qu'un grand changement s'était fait dans les mœurs de la société française. Sous la
royauté absolue, la cour donnait le mot d'ordre au luxe. Les seigneurs se modelaient sur elle et
les roturiers enrichis imitaient les seigneurs; même sous Louis XVI, Versailles dictait les lois du
goût. L'Empire, avec ses costumes officiels, ses pompes et sa gloire, retint bien encore quelque
peu le sceptre de la mode. Mais le luxe tendait de plus en plus à se faire bourgeois; il le devint
tout à fait après 1830. A presque tous les degrés de l'échelle sociale, il y avait des parvenus qui
aspiraient aux jouissances du bien-être et qui, surtout, avaient hâte de paraître en jouir ; ils
n'étaient pas la plupart du tèmps assez riches pour dépenser beaucoup et pas assez délicats pour
discerner le beau du brillant.

Il fallait fabriquer en plus grande quantité pour vendre à cette foule nombreuse et abaisser
les prix à mesure qu'on cherchait à vulgariser le produit. « Il y a quarante ans, disait le
jury du bronze à l'exposition de 1844, Paris comptait au plus six fabriques de premier ordre;
c'était assez pour quelques hôtels privilégiés de la fortune, pour les monuments publics, qui
employaient seuls les richesses de cette belle industrie. Mais, depuis cette époque, le luxe, en
pénétrant dans la classe moyenne, et le bien-être dans la classe inférieure, ont popularisé les
bronzes. » Il est vrai que ce luxe au rabais acceptait souvent le zinc pour du bronze et que les
perfectionnements matériels de certaines industries conspiraient ainsi à le gâter en lui fournissant
des aliments communs. La division du travail avait donné naissance à des industries spéciales qui
fournissaient les ornements tout faits à la douzaine ou au mètre : des balcons en fonte de fer, des
rosaces en carton-pierre, des moulures à la mécanique, des serrures et des ferrements
échantillonnés. L'architecte les prenait par économie et par entraînement. Mais chaque détail, outre
le défaut particulier de vulgarité, avait le défaut général de s'adapter mal à l'ensemble. Beaucoup
d'artisans suivaient dans cette voie l'architecte.

Plusieurs causes avaient contribué à abaisser ainsi le niveau des industries que l'art inspire :
l'absence d'une cour toute-puissante et la diffusion du luxe dans la classe moyenne ; la tentation
que le grand nombre de clients plus économes que délicats faisait éprouver aux fabricants de
faire des objets de pacotille et les facilités que leur donnaient les progrès accomplis par certaines
industries mécaniques ou chimiques ; le caractère critique de l'époque qui semblait porter les
esprits aux œuvres d'érudition plus qu'aux œuvres d'imagination; l'absence d'un style original en
architecture et l'amoindrissement de l'influence qu'avait exercée aux époques précédentes ce grand
art sur les autres productions artistiques.

C'était une transition, mais non pas une décadence. Quelques-uns des changements accomplis
étaient définitifs sans doute. Le temps de l'unité est passé ; la cour, même sous le second empire,
n'a pas dirigé en souveraine le goût, quoiqu'elle ait exercé une influence considérable ; la peinture,
la sculpture, ne sont plus les humbles servantes de l'architecture, comme dans l'âge des
églises gothiques. Les personnes et les arts se sont émancipés. Les tableaux de chevalet avaient
commencé à se multiplier au xvm° siècle ; ils régnent aujourd'hui. Le sculpteur a trouvé dans des
genres nouveaux, bronzes et statuettes, le moyen de produire son talent sans subordonner toutes
ses œuvres à un plan architectural.

Les fabricants se sont trouvés â leur tour plus libres de choisir entre les divers modèles qui
leur étaient proposés. La révolution de 1789 avait presque rompu les relations intimes qui
avaient existé dans les siècles passés et qui existaient encore en partie au xvm" siècle entre
l'artisan et l'artiste. Elles se sont reformées peu à peu, à mesure que le fabricant s'éclairait et
que l'acheteur devenait plus capable de goûter le beau et de le payer à son juste prix ; car le
juste prix du travail de l'artiste est beaucoup plus considérable aujourd'hui qu'il n'était autrefois.

Depuis vingt-cinq ans, la France est rentrée à peu près dans les traditions de goût qui l'avaient
 
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