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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Le Blanc du Vernet, ...: Japonisme
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0315

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JAPONISME. 287

vaillaient à la loupe et affectionnaient les petits formats. On pourrait appliquer à la dimension
de leurs œuvres ce que Mme de Motteville disait d'Anne d'Autriche : « Elle avait de la gorge assez
pour remplir la main d'un honnête homme. »

Leur goût les met hors de pair dans le rendu scrupuleux, la netteté de l'expression et l'élo-
quence des attitudes. Us disposaient de ressources techniques presque rudimentaires, mais comme
ils n'étaient pas hantés par la névrose, ils ont eu cette inexorable certitude d'expression qui tient
du prodige.

Ils ont fait des bronzes qui, comme ceux de la Renaissance, sont fondus à cire perdue et
ciselés. Dans ce travail de fonte et de ciselure, ils n'ont pas de maîtres ; ils dépassent les
Chinois eux-mêmes, non seulement par la liberté primesautière de l'inspiration, mais encore par
la finesse de l'exécution. La patine de ces bronzes est ravissante. Ils les colorent avec du vinaigre,
du sulfate de cuivre, du sulfate de fer, de l'oxyde rouge de fer et du vernis de laque.

Ils ont fait des repoussés merveilleux, des broderies de soie et des brocarts d'or et d'argent
inimitables. Leur papier est le meilleur et le plus beau du monde. Leurs papiers gaufrés et
peints ont la richesse et la solidité des cuirs de Cordoue. Ils ont produit des splendeurs en
orfèvrerie, bijouterie et joaillerie d'or, d'argent, de « skakudo », de « schibuichi », de « skirou » et
de « mokamea ».

Le Nippon a reçu les premières inspirations artistiques de la Chine. Seulement il faut constater
que l'art qui, chez les Chinois, peuple sceptique et sans chaleur, fut et est resté généralement
méthodique, ponctuel, minutieux et guindé, a pris et a gardé, chez les Japonais, une allure
absolument libre, vive, riante et fantaisiste comme leur caractère. L'art japonais a échappé à
l'imitation servile, n'a gardé du Céleste-Empire que la science, la méthode, les procédés, qu'il a
appliqués à des sujets nationaux, dans un style idiosyncrasique, avec plus de mouvement et de
morbidesse que les « Célestes ».

Les Japonais ne sont restés inférieurs aux Chinois que pour les émaux sur métaux, la céra-
mique et la taille du jade, « la pierre d'amour », production dont la nature est avare et dont la
plus belle vient des montagnes minières de la Tartarie.

C'est par la Corée, tributaire artistique de la Chine, que la peinture pénétra au Japon. Les
peintres japonais, admirateurs fervents de l'éternelle nature, sont pleins d'harmonie séduisante, de
grâce délicate, d'observations fines et de poésie pénétrante. Ils voient la nature par les côtés
héroïques, lyriques, philosophiques, et touchent à l'épopée par la sincérité. Bien avant nos impres-
sionnistes, ils ont constaté que le soleil reflété par les objets tend, à force de clarté, à les ramener
à cette unité qui fond les sept rayons prismatiques en un seul état incolore qui est la lumière.

La peinture japonaise est l'apothéose de l'impression vibrante et spirituelle, si différente des
clucubrations lourdes et maladroites de nos impressionnistes, dont le pinceau s'arrête au moment
où la difficulté commence et qui érigent leur impuissance en doctrine.

Le domaine de l'art japonais paraît restreint de prime abord, mais on s'aperçoit, à l'examen,
qu'il est extrêmement varié et que sa formule est arrêtée avec une précision aussi rigoureuse que
celle de notre art classique. 11 y a au Nippon l'art orthodoxe des bonzeries et l'art séculier,
asservis l'un et l'autre par la tradition. Ils répètent à satiété les mêmes sujets avec une abnéga-
tion rachetée, chez les artistes transcendants, par le prestige inouï de l'exécution, toujours très
personnelle.

Les conceptions psychiques, philosophiques et surtout synthétiques dépassent habituellement
le génie de ces artistes naturalistes et impressionnistes. A part quelques types hiératiques transmis
par la liturgie, on trouve peu de créations révélant une aspiration vers la beauté idéale, telle que
nous la concevons depuis Platon et Phidias. La colossale statue du Daïbouts de Kamakura peut
cependant être considérée comme une des œuvres les plus accomplies de l'art absolu, au double
point de vue du rythme esthétique et de l'austérité du sentiment religieux. Il existe également
des peintures sur fond d'or, émanant de l'art monastique et de la vieille école des miniaturistes
de Kioto, qui ont la grâce idéale, l'onction mystique, l'ingénuité extatique, la conscience et la
sérénité de nos primitifs.
 
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