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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Énault, Louis: L' exposition de Nice
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0351

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L'EXPOSITION DE NICE.

qui passent pour des maîtres en ces matières, expose ici deux
toiles : Objets d'art et Violettes, Objets d'art et Prunes. A
l'exactitude, à la précision et à la force que nous lui connaissions
déjà, ce merveilleux pinceau ajoute encore plus de souplesse et
de grâce.

M. Lematte, dont tous les amateurs de bonne peinture
suivent avec intérêt, depuis plusieurs années, la marche conti-
nuellement ascendante, envoie à Nice une Nymphe surprise,
grande comme nature, qui est une excellente étude de nu. Je ne
crois pas qu'elle soit achetée pour la loterie de l'exposition. Elle
pourrait gêner le gagnant, qui ne la mettrait point sans quelque
scrupule dans la chambre à coucher d'un lycéen; mais la cri-
tique doit louer ces formes vigoureuses et pures, élégantes et
fortes, et cette tête pleine de jeunesse d'un modelé délicat et
fin.

M. Lewis Brown emporte partout avec lui la vivacité,
l'éclat et l'harmonie de ces colorations qui nous rappellent un
peu celles d'Eugène Isabey, mais avec un dessin plus arrêté,
plus net et plus précis. Ces qualités sont le principal mérite de
la petite toile intitulée Au Camp, mais je les retrouve à un plus
haut degré dans l'autre tableau de M. Lewis, le Parc, brillante
étude de chiens et de perroquets, véritable rayonnement de son
éblouissante palette.

S'il est un endroit au monde où doivent être appréciés et
recherchés les peintres qui s'attachent à reproduire les élégances
du high life, c'est bien à Nice, ce Paris d'hiver. Je ne m'étonne
donc point que l'on y recherche beaucoup les aimables toiles de
M. Max Claude, le Rendez-vous de chasse, et Rottin-Ross, la
fameuse allée fashionable d'Hyde-Park où se presse chaque
jour, d'une heure à trois, l'escadron volant des plus belles ama-
zones des Trois-Royaumes.

M. Benjamin Constant est un jeune et vaillant compagnon,
qne n'effrayent point les tâches gigantesques, et qui sait faire
grand quand il le faut. Il en est peu, parmi ceux de sa géné-
ration, qui aient percé leur trouée plus rapidement que lui.
Mais quand on a le sentiment vrai des goûts, des tendances et
des besoins de son époque, on ne s'attarde pas longtemps dans
des machines aussi démodées que gigantesques, dont le plus
grand mérite est de vous aider à décrocher la timbale — c'est
la médaille que je voulais dire, —et l'on revient à ces œuvres de
demi-caractère dans lesquelles l'artiste peut mettre tout à la
fois du style, de la fantaisie et de l'agrément. La Bayaière,
exposée aujourd'hui à Nice, appartient à ce type de peinture,
par la grâce élégante des personnages, par la nonchalante mor-
bidesse de sa pose, par la recherche brillante de ses accessoires,
et elle nous semble devoir tenir un rang distingué dans la pro-
duction déjà considérable de M. Benjamin Constant.

M. Eugène Thirion irait moins loin que M. Constant dans
la voie des concessions : même dans ses plus petites toiles, je
retrouve la recherche assidue et la préoccupation constante d'un
art supérieur. Qu'il peigne un tableau de sainteté comme la
Sainte Thérèse, ou une toile mythologique comme sa Diane,
M. Eugène Thirion laisse toujours deviner ses aspirations vers
un idéal élevé. Sa peinture ne cesse de nous chanter « sursum
corda!» auquel, pour notre compte, nous serons toujours
heureux de faire écho. Sa sainte Thérèse, dont la pâleur ardente
réchauffe la blancheur d'un vêtement monastique, et dont l'œil
noir brûle de tous les feux de l'amour mystique, est un morceau
tout à fait remarquable, aussi distingué comme facture que
comme expression.

M. Edouard Toudouze a de nombreux rivaux dans le
tableau de genre moderne; mais les concurrents sont plus clair-
semés, quand il s'attaque, comme il l'a fait dans les deux toiles
exposées à Nice, l'Echcveau et la Jeune Mère, à des sujets qui lui
permettent une certaine recherche du vieux style et des cos-
tumes anciens, et je ne sais quelle fantaisie archaïque. Il est
alors complètement lui-même, et, par ce volontaire retour vers

le passé, il semble complètement original au milieu des hommes
de sa génération étonnée. Je me hâte d'ajouter qu'il ne s'agit
pas ici seulement d'une question d'oripeaux, et que ce sont
vraiment des tètes, des physionomies, des expressions et des
âmes d'une autre époque que M. Edouard Toudouze parvient
ainsi à nous rendre. Ne me demandez pas « à quoi bon? » Je
serais peut-être embarrassé de vous répondre. Mais je suis de
ceux qui pensent qu'il est bon de laisser à l'artiste une complète
liberté dans le choix de ses sujets et dans la façon de les traiter.
Qu'il nous fasse de bonne peinture: c'est assez! Nous n'avons
pas le droit de lui demander davantage.

Je passe assez rapidement, dans les expositions provinciales,
à travers les sections du pastel de l'aquarelle et du dessin,
domaine ordinairement réservé aux femmes, aux jeunes filles et
à messieurs les amateurs, dont la critique n'a pas à prendre
souci. Mais ce qui est vrai quelquefois ne l'est pas toujours, et
nous avons rencontré à Nice quelques aquarelles magistrales,
avec lesquelles il nous faut compter.

Telle est, par exemple, celle que M. Jacquemard intitule
Bibelots, et qui nous montre de fort curieux spécimens de céra-
mique, jetés assez capricieusement sur la feuille d'un éventail,
taillée dans une de ces peaux que l'on ne prépare bien qu'à
Dresde, et que le commerce désigne sous le nom de peaux de
Saxe. M. Jacquemard est depuis longtemps un des rois de
l'aquarelle, et son éventail est d'une richesse de coloris qui fait
pâlir ses voisins.

M"10 la baronne Nathaniei. de Rothschild s'est livrée à
l'aquarelle avec toute l'ardeur d'une vocation irrésistible, et,
depuis plusieurs années, elle la cultive avec un succès toujours
croissant. Les cadres qu'elle expose à Nice sont fort remarqués
et méritent de l'être : ils prouvent tout à la fois la souplesse, la
facilité et la puissance de ce pinceau bien doué, à qui nous
devons trois choses également bonnes dans des genres si diffé-
rents : Pompéi, avec la silhouette classique de la maison gréco-
romaine connue sous le nom de maison de Castor et de Pollux;
Vitré, la ville bretonne, si pittoresque et si curieuse, avec son
architecture mi-partie Renaissance et Moyen-Age, et un fort joli
paysage napolitain, Scafati, aussi heureux dans ses lignes que
splcndide dans ses colorations.

La sculpture n'est pas encore parfaitement acclimatée dans
la province réservée et pudique. Les sévérités du bronze
l'effrayent toujours un peu, et elle se détourne des nudités du
marbre.

Cependant l'exposition de Nice nous offre encore un certain
nombre de morceaux intéressants dans la section de la sculp-
ture. Tels sont, par exemple, les bustes polychromes de
M. Charles Cordier, d'un effet très décoratif.

Sous ce titre modeste, Femme à la fontaine, M. Bayard de
la Vingtrie nous montre une fort agréable composition, simple
terre cuite aujourd'hui, mais qui mérite d'obtenir l'éternité du
bronze et du marbre. Nous connaissons peu de morceaux qui
réunissent à un plus haut degré que celui-ci la grâce de la pose,
l'élégance de la forme, et le charme de la physionomie. La jeune
femme se penche vers la source jaillissante avec un mouvement
souple qui lui permet de profiler une ligne onduleuse, dont
l'œil suit la courbe avec un sentiment de plaisir que bien peu
d'œuvres nous donnent aujourd'hui.

Les jolies faïences de MM. Deck, Haviland et Galle',-et les
brillants émaux de M. Thesmar achèvent et complètent cette
exposition, la plus intéressante à coup sûr que Nice nous ait
offerte depuis que l'aimable reine du Midi est entrée si résolu-
ment dans le mouvement artistique dont ce journal a pour but
d'être l'historien fidèle.

Louis Enault.
 
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