F. D. FROMENT-MEURICE
ARGENTIER DE LA VILLE DE PARIS1
— i8o2-i855 —
En i85i, Froment-Meurice fit exécuter dans ses ateliers un groupe de Pradier en matières
associées : une Léda en ivoire, drapée d'or, écartant un cygne en argent oxydé. Debout, à demi
penchée, au moment d'entrer au bain, à peu près complètement nue, elle n'a pas dépouillé ses
bracelets et son collier et s'est fait une coiffure avec des feuilles aquatiques.
C'est vraisemblablement le duc de Luynes qui avait suggéré à Froment-Meurice ce retour à
la statuaire chryséléphantine. C'était pour le noble amateur un essai de la restitution de la
Minerve du Parthénon, qu'il allait confier au sculpteur Simart.
Cette tentative fut fort discutée. Les figures semblèrent lourdes, épaissies qu'elles sont par
le peu de vibration d'une matière en quelque sorte inerte.
Pour ma part, je suis convaincu que la Toilette de Vénus, qui suivit la Léda, dut son succès
plus franc à ce que la nudité y est moins complète et à ce que, la figure ayant plus de mouve-
ment, les facettes lumineuses y sont plus fines et les reflets plus multiplies. L'ivoire est en soi
une matière qui trompe l'artiste. Il ne restitue point tout ce qu'il lui confie. Il absorbe. Les
jambes nues des femmes, dont le rendu a offert des difficultés même aux sculpteurs grecs,
s'amollissent, les bras s'empâtent. Il est presque impossible de faire exprimer à l'ivoire l'action
vive des doigts. L'ivoire ne « rend », comme disent les artistes, que sur les plans très simples :
les hanches," les seins, les attaches du cou, les joues. Une statuette rien qu'en ivoire tournera au
« bibelot ». Froment-Meurice, avec son tempérament d'orfèvre, le sentait bien. Aussi le voyons-
nous multiplier les draperies de métal qui creusent des plis obscurs, les ornements qui accrochent
la lumière au passage, tout ce qui peut réveiller l'attention en rompant l'unité de la surface
polie et la fadeur du modelé.
La Toilette de Vénus était de Feuchères. Celui-ci, bien plus décorateur que Pradier, avait
conçu sa figure dans un mouvement mieux combiné. Il jeta une draperie, maintenue par une
bride coupant la poitrine, sur les reins du triton qui offre à la déesse une branche de corail. La
coquille, plancher mouvant sous les beaux pieds de celle qui, éternelle génitrice des êtres, vient
de naître de l'écume de la profonde mer, donne de l'ampleur à la base du groupe. Le roman-
tique se rencontrait avec les maîtres de la Renaissance dans leurs plus heureux moments sans
qu'on eût à lui reprocher aucun pastiche.
Ph. Burty.
i. Voir l'Art, 90 année, tome II, page 7.
Nous empruntons encore ces quelques lignes à la notice de M. Ph. Burty, pour servir d'explication à l'eau-forte de P. Rajon, la Toilette
de Vénus, qui doit accompagner son volume. Ce groupe a été exécuté en ivoire et orfèvrerie, par F. D. Froment-Meurice, d'après le modèle
de J. Pradier, pour le duc d'Albert de Luynes. Il parut à l'Exposition de 1855 et fut un des derniers ouvrages de Froment-Meurice.
ARGENTIER DE LA VILLE DE PARIS1
— i8o2-i855 —
En i85i, Froment-Meurice fit exécuter dans ses ateliers un groupe de Pradier en matières
associées : une Léda en ivoire, drapée d'or, écartant un cygne en argent oxydé. Debout, à demi
penchée, au moment d'entrer au bain, à peu près complètement nue, elle n'a pas dépouillé ses
bracelets et son collier et s'est fait une coiffure avec des feuilles aquatiques.
C'est vraisemblablement le duc de Luynes qui avait suggéré à Froment-Meurice ce retour à
la statuaire chryséléphantine. C'était pour le noble amateur un essai de la restitution de la
Minerve du Parthénon, qu'il allait confier au sculpteur Simart.
Cette tentative fut fort discutée. Les figures semblèrent lourdes, épaissies qu'elles sont par
le peu de vibration d'une matière en quelque sorte inerte.
Pour ma part, je suis convaincu que la Toilette de Vénus, qui suivit la Léda, dut son succès
plus franc à ce que la nudité y est moins complète et à ce que, la figure ayant plus de mouve-
ment, les facettes lumineuses y sont plus fines et les reflets plus multiplies. L'ivoire est en soi
une matière qui trompe l'artiste. Il ne restitue point tout ce qu'il lui confie. Il absorbe. Les
jambes nues des femmes, dont le rendu a offert des difficultés même aux sculpteurs grecs,
s'amollissent, les bras s'empâtent. Il est presque impossible de faire exprimer à l'ivoire l'action
vive des doigts. L'ivoire ne « rend », comme disent les artistes, que sur les plans très simples :
les hanches," les seins, les attaches du cou, les joues. Une statuette rien qu'en ivoire tournera au
« bibelot ». Froment-Meurice, avec son tempérament d'orfèvre, le sentait bien. Aussi le voyons-
nous multiplier les draperies de métal qui creusent des plis obscurs, les ornements qui accrochent
la lumière au passage, tout ce qui peut réveiller l'attention en rompant l'unité de la surface
polie et la fadeur du modelé.
La Toilette de Vénus était de Feuchères. Celui-ci, bien plus décorateur que Pradier, avait
conçu sa figure dans un mouvement mieux combiné. Il jeta une draperie, maintenue par une
bride coupant la poitrine, sur les reins du triton qui offre à la déesse une branche de corail. La
coquille, plancher mouvant sous les beaux pieds de celle qui, éternelle génitrice des êtres, vient
de naître de l'écume de la profonde mer, donne de l'ampleur à la base du groupe. Le roman-
tique se rencontrait avec les maîtres de la Renaissance dans leurs plus heureux moments sans
qu'on eût à lui reprocher aucun pastiche.
Ph. Burty.
i. Voir l'Art, 90 année, tome II, page 7.
Nous empruntons encore ces quelques lignes à la notice de M. Ph. Burty, pour servir d'explication à l'eau-forte de P. Rajon, la Toilette
de Vénus, qui doit accompagner son volume. Ce groupe a été exécuté en ivoire et orfèvrerie, par F. D. Froment-Meurice, d'après le modèle
de J. Pradier, pour le duc d'Albert de Luynes. Il parut à l'Exposition de 1855 et fut un des derniers ouvrages de Froment-Meurice.