NOTRE BIBLIOTHÈQUE.
Le premier volume a pour frontispice une inscription de
cinq lignes : (Vasi. Candelabri. Cippi. Sarcophagi, etc.) placée
dans un cartouche enguirlandé. D'un côté est une statue
couchée, au-dessus sont des candélabres et un griffon, en bas
des vases et des lampes; et de l'autre côté une gigantesque
coupe de fantastique dimension est flanquée de lampes an-
tiques et d'une répétition du même griffon.
Pour le frontispice du second volume Piranèse a placé
dans l'angle d'une table une inscription de sept lignes : (A. Sua.
eccelen^a. il sign. G. Schovvaloff...)] à l'autre angle sont grou-
pés des vases antiques; au-dessus est un rhyton ; plus haut
encore un aigle gigantesque est entouré d'une épaisse cou-
ronne de feuillage.
Les deux volumes des Vues de Rome sont précédés de
frontispices exécutés avec un parti pris plus gracieux et plus
pittoresque encore.
Pour le tome Ier, Piranèse a placé obliquement une ins-
cription de quatre lignes (Vedute di Roma) dans un fond blond
et vaporeux.
^8 «r7
En avant sont des fragments de sculptures et de chapi-
teaux d'où émerge une vasque donnant elle-même naissance à
une riche et jolie fontaine décorée de bucrânes, de vases à
panse arrondie et de charmantes figures demi-nues élégam-
ment cambrées en arrière.
Pour le second volume Piranèse a représenté une Minerve
mutilée, parmi un amoncellement de bas-reliefs et se déta-
chant en vigueur sur un ciel clair. Au-dessus des nuages
apparaissent des palmes, des feuillages et les colonnes torses,
au fût orné de figures, d'un temple en ruines. Au premier plan
sont des fragments de sculptures de dimensions colossales, tels
qu'un pied de statue, une agrafe richement ornée et, sur
l'arcade placée à gauche de cette composition, de petites
figurines de mendiants ou de bandits, véritables Callots éner-
giquement mordus, se détachent en noir sur les blondes
silhouettes de statues et d'obélisques et près des bustes et des
médaillons antiques.
Jules Adeline.
(La suite prochainement.)
NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCCXXI
Jean Robie. Fragment d'un Voyage dans l'Inde et à Ceylan.
Un volume in-4" de 120 pages. Bruxelles, Parent et C'",
17, Montagne de Sion, 1883.
L'artiste est trop connu, trop apprécié pour qu'il soit
question de vous le présenter, mais on ne soupçonnait pas le
lettré, le très fin observateur dont je suis tout heureux d'avoir
à vous entretenir.
Ce n'est que la première partie de son voyage, celle
qui nous mène de Bruxelles à Ceylan, que vient de donner
M. Robie, et ce premier volume,orné de photographies excep-
tionnellement réussies de M. Alexandre, d'après les remarqua-
bles dessins de l'auteur, fait vivement désirer la prochaine
publication du reste de l'ouvrage.
M. Robie n'est point l'homme des redites; il ne s'attarde
point aux descriptions usées à force d'avoir été répétées, mais
il a sa manière de ne pas reparler de tel endroit trop connu,
tout en le dépeignant en quatre traits de plume mieux qu'il ne
l'a jamais été.
Jugez-en. Passager à bord de l'Asnadyr, il revoit Naples
où le steamer relâche pendant sept heures : « Rien de plus
ravissant que le réveil de Naples. Dès que les premiers
rayons du soleil brillent dans le firmament, tout pétille, tout
éclate. Des notes argentines s'échappent des campaniles depuis
la Chiaia jusqu'à Capo di Monte. Au son des cloches, les trou-
peaux de chèvres mêlent le carillon de leurs mille clochettes,
puis peu à peu le murmure grandissant et joyeux de la popu-
lation qui s'éveille domine tous ces bruits. A Naples, la prière,
le travail, le vol, la mendicité, tout se fait en riant.
« ..... Naples n'a pas changé.....
« Nous sommes repartis à trois heures. Cette baie de
Naples est réellement splendide ; et il me serait fort agréable
de vous la décrire, mais je n'ai pas assez de bleu sur ma
palette pour rendre l'admirable azur de ce ciel ensoleillé. Du
reste, qui ne connaît le tableau : Castellamare au fond du
golfe, près de Vico ; devant nous, sur la gauche, Sorrente
avec sa frange de rochers qui nous apparaît comme un jardin
suspendu ; l'île de Capri à droite. A mesure que nous avan-
çons, la toile se déroule et, tout à coup, nous laisse entrevoir
le golfe de Salerne parsemé d'églises, de couvents, de villas
blanches et roses perdues au milieu de la verdure touffue des
bois d'orangers. Un chaud soleil d'automne communique à
cet ensemble un aspect clair, lumineux, un peu dur à nos
yeux habitués aux paysages brumeux. »
La plume de l'écrivain est rapide et nette comme le crayon
de l'artiste ; ses croquis littéraires se lisent et se relisent en
vous tenant constamment sous le charme. Ceylan l'enthou-
siasme et il vous fait partager son enthousiasme : « Ceylan,
sans contredit, une des merveilles de la nature ; si l'homme
voulait imaginer un séjour enchanteur, où se trouvât réuni
tout ce qui peut charmer les yeux, rendre la vie facile et
agréable, il n'égalerait pas Ceylan.
« Un climat tropical tempéré par les brises de terre et de
mer, des chaînes de montagnes et des pics qui s'élèvent jusqu'à
2,5yo mètres d'altitude, permettent à l'homme de choisir le
climat qui lui convient.
« Couvertes de forêts qui arrêtent les nuages, les hauteurs
donnent naissance à une foule de rivières, de torrents, de
ruisseaux qui sillonnent les plaines en tout sens. On croit voir
la Suisse en serre chaude.
« Des lacs s'étalent dans les vallées, sur les plateaux : ils
entretiennent, par leur fraîcheur, la plus exubérante et la plus
riche des végétations.
« L'humidité des plaines qui s'élève et se condense au
contact des montagnes retourne vers les sources et les lacs
pour retomber en pluie. C'est un accord parfait.
« Ajoutez-y les meilleurs fruits du monde, de plus le
sucre, le thé, le café et le riz à discrétion; pas de notes de
tailleurs ni de cordonniers ; que voulez-vous de plus ? »
M. Robie n'est jamais superficiel; il dit brièvement, mais
il dit tout ce qu'il faut dire, et il le dit bien, en homme qui
voit juste.
Lisez la page qu'il consacre à Pondichéry, les quatre à
cinq pages qu'il consacre à Madras. Le contraste est doulou-
Le premier volume a pour frontispice une inscription de
cinq lignes : (Vasi. Candelabri. Cippi. Sarcophagi, etc.) placée
dans un cartouche enguirlandé. D'un côté est une statue
couchée, au-dessus sont des candélabres et un griffon, en bas
des vases et des lampes; et de l'autre côté une gigantesque
coupe de fantastique dimension est flanquée de lampes an-
tiques et d'une répétition du même griffon.
Pour le frontispice du second volume Piranèse a placé
dans l'angle d'une table une inscription de sept lignes : (A. Sua.
eccelen^a. il sign. G. Schovvaloff...)] à l'autre angle sont grou-
pés des vases antiques; au-dessus est un rhyton ; plus haut
encore un aigle gigantesque est entouré d'une épaisse cou-
ronne de feuillage.
Les deux volumes des Vues de Rome sont précédés de
frontispices exécutés avec un parti pris plus gracieux et plus
pittoresque encore.
Pour le tome Ier, Piranèse a placé obliquement une ins-
cription de quatre lignes (Vedute di Roma) dans un fond blond
et vaporeux.
^8 «r7
En avant sont des fragments de sculptures et de chapi-
teaux d'où émerge une vasque donnant elle-même naissance à
une riche et jolie fontaine décorée de bucrânes, de vases à
panse arrondie et de charmantes figures demi-nues élégam-
ment cambrées en arrière.
Pour le second volume Piranèse a représenté une Minerve
mutilée, parmi un amoncellement de bas-reliefs et se déta-
chant en vigueur sur un ciel clair. Au-dessus des nuages
apparaissent des palmes, des feuillages et les colonnes torses,
au fût orné de figures, d'un temple en ruines. Au premier plan
sont des fragments de sculptures de dimensions colossales, tels
qu'un pied de statue, une agrafe richement ornée et, sur
l'arcade placée à gauche de cette composition, de petites
figurines de mendiants ou de bandits, véritables Callots éner-
giquement mordus, se détachent en noir sur les blondes
silhouettes de statues et d'obélisques et près des bustes et des
médaillons antiques.
Jules Adeline.
(La suite prochainement.)
NOTRE BIBLIOTHEQUE
CCCXXI
Jean Robie. Fragment d'un Voyage dans l'Inde et à Ceylan.
Un volume in-4" de 120 pages. Bruxelles, Parent et C'",
17, Montagne de Sion, 1883.
L'artiste est trop connu, trop apprécié pour qu'il soit
question de vous le présenter, mais on ne soupçonnait pas le
lettré, le très fin observateur dont je suis tout heureux d'avoir
à vous entretenir.
Ce n'est que la première partie de son voyage, celle
qui nous mène de Bruxelles à Ceylan, que vient de donner
M. Robie, et ce premier volume,orné de photographies excep-
tionnellement réussies de M. Alexandre, d'après les remarqua-
bles dessins de l'auteur, fait vivement désirer la prochaine
publication du reste de l'ouvrage.
M. Robie n'est point l'homme des redites; il ne s'attarde
point aux descriptions usées à force d'avoir été répétées, mais
il a sa manière de ne pas reparler de tel endroit trop connu,
tout en le dépeignant en quatre traits de plume mieux qu'il ne
l'a jamais été.
Jugez-en. Passager à bord de l'Asnadyr, il revoit Naples
où le steamer relâche pendant sept heures : « Rien de plus
ravissant que le réveil de Naples. Dès que les premiers
rayons du soleil brillent dans le firmament, tout pétille, tout
éclate. Des notes argentines s'échappent des campaniles depuis
la Chiaia jusqu'à Capo di Monte. Au son des cloches, les trou-
peaux de chèvres mêlent le carillon de leurs mille clochettes,
puis peu à peu le murmure grandissant et joyeux de la popu-
lation qui s'éveille domine tous ces bruits. A Naples, la prière,
le travail, le vol, la mendicité, tout se fait en riant.
« ..... Naples n'a pas changé.....
« Nous sommes repartis à trois heures. Cette baie de
Naples est réellement splendide ; et il me serait fort agréable
de vous la décrire, mais je n'ai pas assez de bleu sur ma
palette pour rendre l'admirable azur de ce ciel ensoleillé. Du
reste, qui ne connaît le tableau : Castellamare au fond du
golfe, près de Vico ; devant nous, sur la gauche, Sorrente
avec sa frange de rochers qui nous apparaît comme un jardin
suspendu ; l'île de Capri à droite. A mesure que nous avan-
çons, la toile se déroule et, tout à coup, nous laisse entrevoir
le golfe de Salerne parsemé d'églises, de couvents, de villas
blanches et roses perdues au milieu de la verdure touffue des
bois d'orangers. Un chaud soleil d'automne communique à
cet ensemble un aspect clair, lumineux, un peu dur à nos
yeux habitués aux paysages brumeux. »
La plume de l'écrivain est rapide et nette comme le crayon
de l'artiste ; ses croquis littéraires se lisent et se relisent en
vous tenant constamment sous le charme. Ceylan l'enthou-
siasme et il vous fait partager son enthousiasme : « Ceylan,
sans contredit, une des merveilles de la nature ; si l'homme
voulait imaginer un séjour enchanteur, où se trouvât réuni
tout ce qui peut charmer les yeux, rendre la vie facile et
agréable, il n'égalerait pas Ceylan.
« Un climat tropical tempéré par les brises de terre et de
mer, des chaînes de montagnes et des pics qui s'élèvent jusqu'à
2,5yo mètres d'altitude, permettent à l'homme de choisir le
climat qui lui convient.
« Couvertes de forêts qui arrêtent les nuages, les hauteurs
donnent naissance à une foule de rivières, de torrents, de
ruisseaux qui sillonnent les plaines en tout sens. On croit voir
la Suisse en serre chaude.
« Des lacs s'étalent dans les vallées, sur les plateaux : ils
entretiennent, par leur fraîcheur, la plus exubérante et la plus
riche des végétations.
« L'humidité des plaines qui s'élève et se condense au
contact des montagnes retourne vers les sources et les lacs
pour retomber en pluie. C'est un accord parfait.
« Ajoutez-y les meilleurs fruits du monde, de plus le
sucre, le thé, le café et le riz à discrétion; pas de notes de
tailleurs ni de cordonniers ; que voulez-vous de plus ? »
M. Robie n'est jamais superficiel; il dit brièvement, mais
il dit tout ce qu'il faut dire, et il le dit bien, en homme qui
voit juste.
Lisez la page qu'il consacre à Pondichéry, les quatre à
cinq pages qu'il consacre à Madras. Le contraste est doulou-