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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 2)

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Dargenty, G.: Salon de 1883, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19295#0197

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SALON

DE 1883'

(suite)

'ai toujours eu un faible pour le talent sinon pour
la peinture de M. Lefebvre.

En ce temps canaille où Ton se vautre avec
volupté dans le purin et clans la fange, où tout
un ordre s'est organisé dont les chevaliers font
assaut d'obscénités grossières ; clans ce temps de
microbes et de bactéries, où les narines se dilatent
aux âcres senteUrs du bourbier, M. Lefebvre est
un de ceux qui me reposent de toutes les ordures.
J'aime ses compositions chastes qui visent un idéal,
j'aime son mépris pour les niaiseries, pour les
petites indécences d'un art ravalé, pour le réalisme
de barrière enfin, s'il faut lâcher le mot.

« Les chastes ont le cuer et la conscience
clers, nets et luisans », dit un vieil auteur.

Il me plaît d'appliquer cette phrase à M. Le-
febvre; c'est lui qui me la remet en mémoire.

Nues ou drapées, ses femmes sont toujours
des vierges. Elles ont au front une auréole de
pureté. Rien dans leur construction, clans leur
allure, n'est fait pour exciter les sens. L'œil qui
les caresse comme un marbre n'absorbe aucun
rayon de volupté. '

Lorsqu'un artiste se tient dans ces gammes
élevées, la fatalité veut qu'il tombe dans les
redites. Depuis le temps qu'on peint, il n'est guère de sujet possible qui n'ait
passé au laminoir de la composition : l'histoire, la mythologie, la Bible, la légende, les grands
poèmes, il faut toujours en revenir là quand on a l'amour de la forme et la hardiesse du nu.
Aussi n'en veux-je pas à M. Lefebvre d'avoir une fois de plus donné le jour à une Psyché.

Elle est là, toute blanche, sur le noir rocher où, d'après l'ordre d'Apollon, le monstre
inconnu doit venir la dévorer. Elle attend, la pauvrette, en son ingénuité le sort cruel qu'elle
n'a pas mérité. A ses pieds, l'Achéron; au fond, les fantômes blancs qui luisent dans l'atmosphère
infernale. Tel est le tableau de M. Lefebvre, non pas le meilleur de ses tableaux, suffisant
toutefois pour le maintenir au rang des artistes distingués, dont le talent pur, élevé, nourri
de savantes leçons, amoureux d'immatérialité, réagit contre l'odieuse tendance des peintres
d'aujourd'hui et recule l'heure de la débâcle où nous nous précipitons à toute volée.

Je vous affirme qu'au train dont vont les choses nous n'en avons pas pour longtemps et que,
si cela se prolonge, j'en serai bientôt réduit à faire l'éloge de M. Bouguereau et même de
M. Cabanel. Car enfin, il faut bien le reconnaître, si ces deux professeurs et leurs pareils n'ont
pas de pétrole dans la tête, si leurs oeuvres gelées inspirent la lassitude des redites et des rémi-
niscences, si leur facture est monotone et mécanique, s'ils imitent les maîtres sans les comprendre,
si la couleur est pour eux lettre morte et le mouvement un mythe, leurs compositions du moins

i. Voir l'Art, g" année, tome ii, pages i3y et 153.
 
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