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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 2)

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Genevay, Antoine: Prix de Sèvres: Joseph Chéret
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Projet de M. Joseph Chéret.—

Dessin de Ch. Kreutzberger.

PRIX DE SEVRES

JOSEPH CHÉRET

Pour la troisième fois, M. J. Chéret vient de sortir victo-
rieux du concours de Sèvres. Après avoir remporte le prix
pour le Vase de l'Opéra, pour le vase commémoratif du pas-
sage de Vénus sur le soleil, bien fragile souvenir d'un tel
phénomène, le voici encore couronné pour la Jardinière de
table que la Manufacture nationale va exécuter.

Que l'on nous permette d'ouvrir ici une parenthèse. Sur
cent personnes prises au hasard, il y en a bien quatre-vingt-
dix pour qui Sèvres est un établissement de l'État où l'on
fait de la peinture sur porcelaine ; elles prennent l'accessoire
pour le principal; la forme, la qualité de la matière ne jouent
à leurs yeux qu'un rôle tout à fait secondaire. Ces gens-là, —
nous craignons bien qu'ils ne soient encore en immense
majorité, — n'ont ni le sentiment ni l'intelligence de la céra-
mique. Sur ce point comme sur bien d'autres, l'éducation du
public est à faire, c'est pour cela, du moins en partie, que
nous nous intéressons si vivement aux travaux de la Société
des Arts décoratifs. La tâche qu'elle a à remplir est du plus
haut intérêt; en montrant l'importance de l'alliance de l'art
avec l'industrie, en développant le goût, en donnant des yeux
aux aveugles, elle doit, si elle accomplit sa mission, rendre
un immense service à l'intelligence artistique de notre pays et
à la richesse nationale si vivement menacée aujourd'hui par
la concurrence étrangère.

Revenons au concours de Sèvres, mais d'abord disons
quel est ce concours et dans quelles conditions il a été fondé.
Le passage de M. Charles Blanc à la direction des Beaux-
Arts après la chute de l'empire n'avait pas été heureux pour la
Manufacture de Sèvres; le chef placé par lui à la tête de cet
établissement, si habile artiste qu'il fût, n'entendait rien à la
céramique et sous sa main inexpérimentée la célèbre fabrique
dépérit avec une rapidité effrayante. Une exposition de ses
derniers ouvrages en fournit une douloureuse révélation. Il fal-
lait agir et agir promptement si l'on ne voulait pas voir
s'éteindre une des gloires artistiques de la France. Pour cher-
cher les moyens de conjurer une telle ruine on nomma une
commission composée d'hommes très compétents, MM. Duc,
Guillaume, Carrier-Belleuse, Dubouché et autres; ils étudiè-
rent sérieusement la situation, placèrent à la tête des travaux
artistiques de la manufacture Carrier-Belleuse qui avait déjà
fait ses preuves, arrêtèrent que chaque année serait ouvert un
concours et un prix accordé à celui qui, sur un sujet indiqué,
présenterait le meilleur projet, la pièce devant, du reste, être
exécutée par lui aux frais de l'État et à la Manufacture natio-
nale. Voilà ce que l'on appelle le Prix de Sèvres.

Cela dit, parlons du dernier de ces concours.

Deux projets de Jardinière pour table, sujet donné, ont
attiré l'attention du jury : ceux de MM. Louis Carrier-Belleuse
et J. Chéret. Nous sommes heureux de pouvoir en offrir la
reproduction à nos abonnés et de les mettre ainsi à même de
juger le jugement rendu. Nous pensons que les artistes et les
amateurs ne le casseront pas.

Le projet de M. Louis Carrier-Belleuse, un peu lourd dans
sa partie inférieure, se recommande par des qualités heureuses ;
ses groupes d'enfants, qui se jouent affairés sur les bords du
vase, forment une guirlande de corps nus amusante; ils sont
d'un joli mouvement ces bambins, et devront faire bon effet
quand la jardinière sera garnie de fleurs, gais, plaisants à
voir, tout au travail qu'ils sont censés accomplir en vidant
leurs mignonnes amphores dans le récipient central pour
entretenir la fraîcheur de la verdure. Ces détails sont d'une
libre et bonne exécution, ils dénoncent une main adroite.
Malheureusement on peut reprocher à cette décoration un
certain papillotage, ces enfants ne font pas partie intégrante
de l'œuvre qui semble ne servir que de plate-forme à ce jeu
de gamins. En effet, vous enlèveriez tous ces petits drôles que
les lignes générales de la composition n'en seraient point sen-
siblement troublées. Ce défaut a dû certainement influer sur
la décision du jury, car il est de principe que dans la déco-
ration d'une oeuvre d'art quelconque les figures soient si bien
liées au développement des lignes, que l'on ne puisse pas
les enlever sans briser celles-ci et détruire l'œuvre elle-même.

Cette règle esthétique n'a pas besoin de démonstration,
car son inobservation choque l'œil le moins exercé; elle a été
parfaitement gardée par M. Chéret. Ses quatre figures princi-
pales, très élégantes, bien drapées, d'une jolie venue, font si
bien partie de la jardinière que l'on ne saurait les enlever
sans la détruire elle-même. Plus simple, plus conforme aux
données fondamentales de l'art que celui de son concurrent,
le projet de M. Chéret a donc été préféré, et cet artiste est
sorti pour la troisième fois vainqueur dans un concours où
probablement il ne se présentera plus.

Ce triple succès du sculpteur qui, l'année dernière, obte-
nait une médaille d'or à l'Exposition des Arts décoratifs comme
collaborateur de la maison Fourdinois pour un meuble à
bijoux, de l'homme qui, depuis six ans, est attaché aux tra-
vaux artistiques de la fabrique de Baccarat, a naturellement
appelé sur lui l'attention publique, et nous sommes d'autant
plus heureux de pouvoir répondre à cette curiosité en éveil,
que cet artiste s'est formé lui-même, exemple à donner aux
 
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