Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 2)

DOI Artikel:
Dargenty, G.: Salon de 1883, [1]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19295#0164

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
SALON DE 1883

Nous avons dit ce que nous pensions du lamentable Salon de peinture de 1883. Nous n'y
reviendrons pas. 11 est toujours inutile d'insister sur les choses désagréables et pénibles.

J'aurais pourtant cherché à dégager les causes de cette pénurie, causes que de prime abord
je me refusais à trouver suffisantes, dans l'indifférence artistique que professe chaque jour davantage
le monde de joyeux sceptiques dont se compose la phalange pressée des escamoteurs habiles qui
se proclament des peintres. Je l'aurais fait si je n'eusse été arrêté tout net par cette pensée qu'il
se pourrait bien faire que ces indépendants, ces irréconciliables qui refusent à l'État le droit de
convier le public à une fête artistique organisée sans eux, eussent réservé la fleur de leur panier
pour l'étalage de la boutique officielle. J'ai vu dans ma carrière déjà longue un trop grand
nombre de palinodies de cette sorte pour m'en étonner encore. Je suis depuis trop longtemps fait à
ces protestations collectives suivies de soumissions individuelles, pour m'y laisser piper à
nouveau.

Je gagerais donc que nous trouverons, septembre venu, au Salon officiel, bon nombre de
morceaux choisis dont l'exhibition en mai eût suffi à relever le niveau de l'exposition annuelle et
pallié la mauvaise impression qu'elle ne pourra pas manquer de laisser après elle.

Le fait en soi est fort excusable; car l'État est un gros, sinon un bon client. Sa bourse
n'est pas lourde, mais ses musées sont nombreux. Lui seul peut acheter les toiles de grande
dimension; il est le seul mécène de la sculpture. Qu'on le recherche, qu'on sollicite ses faveurs,
je n'y vois rien à redire; mais alors pourquoi protester? Suis-je dans le vrai, ma supposition
sera-t-elle confirmée? j'ai tout lieu de le croire. Nous verrons bien, du reste.

En attendant, puisqu'il nous faut pérégriner au milieu de cette masse confuse de tableaux
sans caractère qui forme la masse insignifiante du Salon, puisque les œuvres de mérite y sont
si rares qu'en se bornant à les signaler j'en aurais à peine pour quelques minutes, puisque tous
les genres se confondent, et qu'il devient de plus en plus difficile de les caractériser, je prends
mon aune, je mesure et je commence, non par ordre de mérite, mais par ordre de
taille.

A ce point de vue, il est une toile du Salon qui s'élève au-dessus des autres comme le
cytise au-dessus des roseaux. Il s'agit de Printemps qui passe, fantaisie colossale de M. Georges-
Bertrand. Cinq chevaux montés par des femmes nues fournissent, en descendant un chemin
creux, une course vertigineuse. Les femmes sont jeunes, les arbres en fleurs, de là le Printemps.
En contemplant avec tristesse cette élucubration gigantesque, je me demandais quelle araignée
monstrueuse, plus criminelle que scorpion, avait bien pu piquer le cerveau de l'artiste et déposer
dans ses méandres virus et vénénosité assez âcres pour produire un effet aussi délétère. Qui ne
commet pas d'erreurs ? Mais des erreurs de pareille taille sont choses invraisemblables et heureu-
sement rares. Si encore j'entrevoyais une idée au fond de cette composition, une idée trahie par
le rendu, assez indiquée cependant pour se laisser deviner, si M. Bertrand avait suivi une
formule quelconque, s'il se fût laissé guider par Hugo, par Musset, par Longus, par un des
innombrables chantres de la douce saison; s'il se fût inspiré, par exemple, du distique de Chénier
dont l'idée confine à la sienne :

O jours de mon printemps, jours couronnés de rose,
A votre fuite en vain un long regret s'oppose,

il fût peut-être resté traducteur infidèle et inférieur, mais le vide de sa composition
n'eût pas apparu dans toute sa splendeur. Il eût partagé la responsabilité de son œuvre avec
plus fort que lui. Non, Printemps qui passe est bien de M. Georges-Bertrand, seul, et ce néant

Tome XXXIII. 21
 
Annotationen