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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 2)

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Adeline, Jules: Les frontispices de Piranèse, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19295#0124

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LES FRONTISPICES DE PIRANÈSE

Le graveur Giambattista Piranèse naquit à Venise le
4 octobre 1720, et mourut à Rome le 9 novembre 1778.

C'était, on le sait, un artiste d'une humeur fantasque et
irascible au plus haut point. C'était un Italien matamore qui
hachait le cuivre avec le même entrain qu'il eût détaché des
coups de rapière, si le sort l'avait fait naître spadassin au lieu
de le faire naître graveur.

Son maître Vasi lui fit un jour quelques observations,
Piranèse faillit le tuer.

Au fait, il faut l'avouer, jamais professeur de gravure ne
dut avoir chez lui d'élève qui le stupéfiât davantage.

Piranèse, avant de faire partie de l'atelier de Vasi, avait
peint des décors de théâtre... et on sait ce qu'étaient les
décors de théâtre au siècle dernier, et ce qu'ils sont encore
aujourd'hui.

Les frontons et les colonnades se superposent à l'infini et
disparaissent dans les plus lointaines perspectives, et, pour
rompre les lignes sèches et rigides de l'architecture, quelques
brindilles de feuillage, si le décor représente un extérieur, se
détachent sur le ciel, et si le théâtre représente un vestibule
de palais à ciel ouvert, un vélum adroitement jeté, soutenu
par de superbes torsades, forme d'énormes plis dont les bords
se retroussent sur les saillies de l'architecture. Voilà pour la
partie graphique du décor.

Quant à l'exécution, on sait comment les décorations
théâtrales sont traitées. De près c'est un barbouillage informe
de grands coups de balai qui paraissent donnés à tort et à
travers, des frottis — si on peut leur appliquer ce nom — qui
laissent transparaître le ton local, et quelques touches vives
et gaies mais d'un contour assez diffus qui semblent semées au
hasard. A quelques mètres l'illusion se produit, les plans
s'accentuent, les formes se précisent — chose singulière—elles
se précisent d'autant plus que les contours sont moins sèche-
ment tracés. Enfin, rien n'est moins contraire à la morale du
fabuliste que les décorations théâtrales.

De loin c'est quelque chose, de près ce n'est rien, dit le
bon La Fontaine.

Là au contraire, de près ce n'est rien ; c'est de loin seule-
ment que cela devient quelque chose.

Piranèse voulut transporter dans l'art de la gravure —
avec certaines modifications inhérentes au procédé — cette
exécution endiablée. Il ne songea pas à buriner des cuivres
dont les épreuves demandent à être étudiées à la loupe, il rêva
au contraire des planches gigantesques dont les épreuves mon-
tées de ton pussent être vues plus aisément sur un chevalet
que sur une table. Tel fut le parti pris de Piranèse et, on en
conviendra, avec de pareilles idées il dut plonger dans la stu-
péfaction la plus profonde le graveur chez lequel il était entré
pour apprendre le métier.

Tout d'abord cependant, Piranèse ne grava point des
monuments. Il commença par dessiner des mendiants, des
infirmes; il se créa ainsi toute une collection de figurines
demi-sérieuses, demi-grotesques, une sorte de nouvelle série
de gueux à la Callot, qu'il utilisa plus tard pour ses premiers
plans et que nous retrouverons maintes fois grouillant dans
les ombres des portiques et près des temples effondrés.

Après cette série de grotesques, Piranèse parcourut l'Italie
comme peintre de portraits, puis il revint à Rome et commença
toutes ses séries de croquis qu'il devait graver et publier, et
dont la réunion forme une imposante collection d'in-folio
dont nous allons décrire les superbes frontispices.

C'est en étudiant ces divers quartiers de Rome qu'il arriva

à Piranèse une aventure assez bizarre, reproduite d'ailleurs
par tous ses biographes.

L'artiste dessinait dans un coin du Campo Vaccino, autour
de lui circulait une foule bigarrée, quand tout à coup une
jeune paysanne merveilleusement belle, accompagnant une
de ses sœurs plus âgée qu'elle, vint à passer. Piranèse inter-
rompit son croquis : « La belle enfant ! s'écrie-t-il, envoyant
au diable cartons et crayons; est-elle à marier?» Sans autre
préambule et sur une simple réponse affirmative, il l'accosta, fit
sa demande en mariage et la conduisit immédiatement à
l'église.

C'est ce qu'on peut appeler ne pas aimer à faire traîner
les choses en longueur.

Les amateurs du siècle dernier faisaient le plus grand cas
des œuvres de Piranèse « qui eut des imitateurs mais point de
rivaux ». Dans les ouvrages de ce graveur italien, dit un autre
biographe, « on ne sait ce qu'on doit le plus louer, de l'esprit
qui règne dans la composition ou de celui qui pétille dans la
manœuvre ».

Charles Blanc a consacré à Piranèse des lignes élogieuses
qui ne sont que fort justes, mais qui témoignent à quel point
il avait été séduit par les estampes de celui qu'il appelle le
Michel-Ange de l'eau-forte.

« Semblable à un soc, dit-il, la pointe de Piranèse laboure
le champ de sa planche, et des torrents d'eau-forte y creusent
des sillons tremblés où se précipitent les ombres. Chez lui
tout est solennel jusqu'à l'emphatique, exagéré jusqu'au ter-
rible. Par lui les monuments antiques de Rome sont plus
imposants dans leur image que dans la réalité. Le Panthéon
d'Agrippa, le Temple d'Antonin, le Colosse du Quirinal, le
Môle d'Adrien, les débris du Forum, paraissent encore plus
fiers et plus vastes dans les in-folio de Piranèse que dans la
Ville Eternelle. »

Ce graveur unique amplifie et rehausse tout ce qu'il
touche. En réduisant le Colisée, il l'agrandit. Sur ces planches
d'un effet extraordinaire la lumière vibre, l'ombre remue, les
pierres s'animent et la grandeur romaine apparaît immense.

On dirait que les fragments de la colonne Trajane, les
tympans des arcs de triomphe, les frises, les trophées se sont
écroulés sur ses estampes et y ont laissé leurs empreintes
colossales !...

La collection des œuvres de Piranèse —en y comprenant
les différents compléments publiés par son fils Francesco, né
à Rome en 1748 et mort en 1S10, et qui, avec le concours de
ses frères et de sa sœur, cultiva aussi la gravure et continua le
commerce d'estampes dont les recueils de son père formaient
le principal fonds, — forme 2(3 volumes in-folio et se vendait
1,916 francs.

Cette collection se décompose ainsi :

I à IV. Le Antichità Romane.— Roma (1756). Quatre
volumes in-folio, comprenant 224 planches et quatre frontis-
pices,'dédiés à Milord Charlemont.

V. Monumenti degli Scipioni (1785). 6 planches.

VI. Supplément aux Antiquités Romaines. 5i planches.

VII. De Romanorum Magnificentia (1761). 38 planches,
avec deux frontispices, un portrait de Clément XIII et en
outre un supplément de 3 planches et frontispice.

VIII. Architecture étrusque et romaine. 27 planches. —
Composition de Prisons. 16 planches. — Arcs de triomphe.
32 planches. — Trophée d'Auguste et fragments. i5 planches.

IX. Rovine del Caslello (1765). 20 planches. — Lapides
Capitolini (1762). 12 planches.—Antichila di Cora. i4planches.
 
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