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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 2)

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2ÔO

L'ART.

reux et devrait être pour la France, — aujourd'hui plus que
jamais, — du plus fertile enseignement.

« Pondichéry est la capitale des possessions françaises
dans l'Inde. Ces possessions se réduisent en somme à fort peu
de chose : Chandernagor, sur PHougly, non loin de Calcutta,
avec 800 hectares ; Yanaon, Karikal, et le petit port de Mahé,
sur la côte du Malabar, mesurant ensemble 36o kilomètres
carrés, éparpillés en tronçons insignifiants, et sans la
moindre cohésion, dans l'immensité de ce vaste territoire de
3,5oo,ooo kilomètres carrés, contenant 240 millions d'habi-
tants !

« Ces petites colonies ne peuvent avoir d'autres limites
qu'un simple fossé d'irrigation; il est interdit, en outre, au
gouvernement français d'y construire des fortifications et d'y
entretenir des troupes.

« Voilà tout ce qui reste du vaste empire que le célèbre
Dupleix tenait, pour ainsi dire, dans sa main puissante, et
dont il voulait doter son pays ! Triste leçon pour les gouver-
nements myopes, peu soucieux de l'avenir, et qui se conten-
tent d'élever quelques statues, trop souvent mauvaises, aux
hommes de génie qu'ils ont méconnus !

« La ville se développe au bord de la mer, sur une étendue
de deux kilomètres ; elle a fort bon air, avec ses larges rues
qu'ombragent de beaux arbres, et ses jolies constructions
entourées de jardins.

« La population indigène y vit heureuse, et semble avoir
emprunté quelque chose de l'amabilité des colons français,
tandis que ces derniers, par contre, y ont adopté la mollesse
des Asiatiques.

« Pondichéry me fait l'effet du palais de la Belle au bois
dormant. »

Je ne citerai pas ce que l'artiste-écrivain nous apprend de
la prospérité de Madras, ce « chef-lieu de la présidence du
même nom, comprenant une superficie de 3,683 myriamètres
carrés et trente et un millions cinq cent mille habitants ».
A la page précédente, après avoir constaté que « le mouvement
commercial de Pondichéry est sans importance », il ajoute,
hélas ! « Bien déchue de son ancienne splendeur, cette ville,
qui renfermait, du temps de Dupleix, y5,ooo habitants, en
compte à peine aujourd'hui 40,000. » Il est obligé, plus loin,
en comparant les deux villes, de compléter sa triste consta-
tation : « Autant la ville de Pondichéry est en état de somno-
lence, autant Madras qui compte, avec ses faubourgs, environ
huit cent mille habitants, est vivante et animée. »

Le secret de la prospérité de Madras et de toutes les
colonies anglaises, tant dans le présent que dans l'avenir, la
perspicacité de M. Robie n'a pas eu de peine à le pénétrer.
S'il a vu « le faste qui règne à Calcutta parmi les hautes
classes » où « les princes indiens rivalisent de luxe et d'élé-
gance avec les banquiers anglais ou les gros négociants
Parsis », il n'en a pas été ébloui;-la certitude de son jugement
n'en a pas été altérée. Il apprécie au contraire, plus nettement
que jamais, les hommes et leurs actes, rien de plus clair pour
lui que la politique coloniale de la Grande-Bretagne; aussi
écrit-il, certain de ne point se tromper : c< Si, par opposition
à tout ce luxe, la classe inférieure de Calcutta fournit un assez
triste échantillon de la race indienne, par contre, la classe
moyenne ou bourgeoise offre l'image d'une nouvelle couche
sociale en voie de formation, et fort intéressante à étudier
dans un pays où les mœurs et les coutumes semblaient s'être

momifiées depuis des milliers d'années. C'est la classe des
babous (c'est ainsi que l'on nomme les bourgeois dans toute
l'Inde).

« Cette nouvelle couche sociale, prenant sa source directe
dans la petite bourgeoisie et dans le peuple dégradé par des
siècles d'ignorance ou par le fanatisme des Brahmes, offre, par
cela même, la preuve concluante de ce que peut l'instruction
sur les races les plus appauvries.

« Autant le peuplé est mou et avili, autant les babous sont
probes, travailleurs et désireux d'atteindre au niveau intellec-
tuel de leurs conquérants.

« Grâce à l'appui du vice-roi, ces bourgeois se sont mis à
la tête d'un mouvement qui doit anéantir enfin la fatale barrière
des castes, et peut avoir, par la suite, les plus heureuses con-
séquences pour l'avenir de l'Empire indien.

« Le côté physique de ces Bengalis n'est pas moins remar-
quable que leur transformation morale. Le type est beau, ils
sont vigoureux, bien proportionnés, et ne rappellent en rien
leur modeste origine.

« Leur costume est identique à celui des anciens Romains,
ils ne portent pas de coiffure, leurs cheveux sont coupés à la
Titus.

« Artistement drapés dans un manteau de cachemire blanc
ou pourpre, ils ont une dignité d'allure, qui fait qu'à côté d'eux
les Européens ont l'air de palefreniers.

« Ils possèdent, en outre, deux qualités très précieuses
dans ce climat torride et énervant : leur assiduité au travail et
leur force de résistance; qualités qui, dans l'Inde, s'usent
bientôt chez les Européens les plus robustes. Aussi ont-ils
envahi rapidement une foule d'emplois, dans les tribunaux,
les banques, l'administration des chemins de fer et des télé-
graphes.

« Encouragés par le gouvernement, ils ont fondé des
écoles, des collèges, des universités, et se mettront bientôt à
la tête du mouvement commercial. Le jour n'est peut-être pas
éloigné où on leur confiera l'administration des villes et des
communes, et, qui sait? plus tard le self govarnment... avec le
protectorat. »

Dans la monarchique Angleterre où la presse n'a jamais
commis l'anti-patriotique sottise de fulminer, parce que le
ministre de la guerre n'est pas plus un militaire que le ministre
de la marine un marin, l'État croit au concours efficace de
l'initiative privée au lieu de s'efforcer de l'annihiler; on n'y
compte pas sur la force pour fonder œuvre durable; on y est,
au contraire, convaincu que l'autorité de la mère patrie
s'affermit d'autant plus qu'elle s'appuie sur la puissance d'ex-
pansion de l'élément civil, et que les colonies sont d'autant
mieux gouvernées qu'elles se gouvernent elles-mêmes.

J'ai cru être plus utile à la France en citant les passages
de l'intelligent artiste belge qui démontrent une fois de plus
ces vérités, qu'en empruntant à son livre l'une ou l'autre de
ses brillantes descriptions architecturales.

Avant de quitter M. Robie qui a beaucoup voyagé, je tiens
à répéter et le plaisir délicat qu'on éprouve à le lire, et la joie
qu'il nous procurera en complétant au plus tôt ce premier
ouvrage; je suis également d'avis que le succès si mérité qui
le sacre écrivain, lui impose le devoir de n'en pas demeurer
là et de donner le récit de ses autres voyages au public impa-
tient de leur faire le plus sympathique accueil.

L. Gauchez.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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