142 L'ART.
me paraît composé d'éléments autochtones ; dans l'architecture et dans le principe général de la
décoration, tout semble être né sur les bords du Nil et s'y être développé. Il existe pourtant
dans la formation même de cette civilisation des particularités curieuses qui pourraient faire
supposer des influences étrangères peut-être sémitiques. J'ai tâché de les faire ressortir dans un
chapitre de mon travail sur l'art égyptien1.
M. Perrot les rejette d'une façon plus absolue que des égyptologues auxquels j'en ai parlé :
tous admettent des origines sémitiques certaines dans la langue et dans la mythologie. Dans
l'art peut-être ai-je forcé la note, le terrain est mouvant, les preuves ne sont pas suffisantes et
il est possible que M. G. Perrot ait raison de ne pas s'y risquer comme je l'ai fait. La discussion
du reste serait trop longue et trop ardue, le résultat douteux. Je confesse l'imprudence que j'ai
commise en me hasardant de ce côté.
En revanche, je soutiens plus que jamais mon opinion sur la matière des outils qui servaient
à tailler le granit, le porphyre, la diorite. M. G. Perrot, dans son livre, n'y donne pas son
adhésion. Il est vrai que ni M. de Mortillct, ni les archéologues préhistoriques ne veulent
admettre une assertion qui modifie profondément les dates et les développements des anciennes
civilisations. J'ai encore à l'heure actuelle l'unanimité des égyptologues contre moi. Cependant
personne n'élève une objection, ne présente une réfutation quelconque aux arguments que j'ai
émis dans mes réponses à MM. G. Ebers et Zaborowski. « Je n'incline pas à croire, suivant les
termes de M. G. Perrot (p. 755), que les Égyptiens attaquèrent la pierre dure avec des outils
de pierre plutôt qu'avec des outils de métal. » Je certifie la chose d'une manière absolue; plus
que jamais je nie que, « à force de retremper le bronze et de l'aiguiser sans cesse à neuf, on
ait pu dans quelques ouvrages en pierre dure du Nouvel Empire découper au ciseau le contour
des hiéroglyphes » (p. 754). Quand je ne connaissais que quelques peintures égyptiennes, je
croyais en fer les outils minces et allongés que les peintres égyptiens ont figurés à côté d'autres
outils gros et courts. Mais la masse des documents que Mariette a présentés à l'Exposition
universelle de 1878, mes discussions avec lui sur ce sujet et en dernier lieu mes essais chez
moi et à l'École des Mines ont changé mon opinion à cet égard.
Les Égyptiens taillaient les pierres dures avec des pierres appointées, silex ou jaspes. Ils ne
connaissaient pas le travail du fer, les outils minces étaient en bronze et réservés à la sculpture
sur bois et pierres tendres. Telle est la clef qui sert à se reconnaître au milieu de ce mélange
d'instruments, — ou qui paraît tel, — dans les peintures égyptiennes : les sculpteurs qui taillent
avec des outils allongés procèdent avec des outils en bronze sur des statues en bois'2. On les
voit bien, comme dans la planche 565, se servir sur la même statue d'outils en pierre pareils à
ceux des sculpteurs sur pierre dure, mais ils frottent avec ces pierres, elles leur tiennent lieu
des limes, qu'ils ne connaissaient pas, pour adoucir les traits du ciseau et arrondir les angles.
Tout se refuse à admettre que les bords du Nil aient vu les premiers travailleurs du fer que
le Delta ne fournit pas. Les quelques fragments que l'on en a retrouvés sont d'époque relative-
ment très moderne. C'est à l'Asie que l'on doit la métallurgie du fer, mais on ne peut faire
remonter cette industrie qu'au xvc siècle avant l'ère chrétienne. Les fouilles de M. Schliemann
nous montrent que ce métal, presque inconnu en Grèce, ne faisait pas partie de l'outillage du
sculpteur. 11 y a donc accord pour croire que l'emploi du fer ne précède pas l'époque historique
et qu'il a été introduit clans les contrées occidentales à une date bien moins reculée que celle
assignée dans ces derniers temps.
V
M. G. Perrot donne sur la glyptique chez les Égyptiens un chapitre spécial qui eût été
susceptible de quelques développements.
1. Les Arts méconnus. Leroux, éditeur.
2. C'est ainsi que dans le livre de M. G. Perrot, la légende de la gravure 53 doit être remplacée par : Sculpteur sur bois taillant une
statue; — la gravure, page 53, « sculpteur préparant un bras », par « sculpteur sur bois ébauchant un bras, etc. »
me paraît composé d'éléments autochtones ; dans l'architecture et dans le principe général de la
décoration, tout semble être né sur les bords du Nil et s'y être développé. Il existe pourtant
dans la formation même de cette civilisation des particularités curieuses qui pourraient faire
supposer des influences étrangères peut-être sémitiques. J'ai tâché de les faire ressortir dans un
chapitre de mon travail sur l'art égyptien1.
M. Perrot les rejette d'une façon plus absolue que des égyptologues auxquels j'en ai parlé :
tous admettent des origines sémitiques certaines dans la langue et dans la mythologie. Dans
l'art peut-être ai-je forcé la note, le terrain est mouvant, les preuves ne sont pas suffisantes et
il est possible que M. G. Perrot ait raison de ne pas s'y risquer comme je l'ai fait. La discussion
du reste serait trop longue et trop ardue, le résultat douteux. Je confesse l'imprudence que j'ai
commise en me hasardant de ce côté.
En revanche, je soutiens plus que jamais mon opinion sur la matière des outils qui servaient
à tailler le granit, le porphyre, la diorite. M. G. Perrot, dans son livre, n'y donne pas son
adhésion. Il est vrai que ni M. de Mortillct, ni les archéologues préhistoriques ne veulent
admettre une assertion qui modifie profondément les dates et les développements des anciennes
civilisations. J'ai encore à l'heure actuelle l'unanimité des égyptologues contre moi. Cependant
personne n'élève une objection, ne présente une réfutation quelconque aux arguments que j'ai
émis dans mes réponses à MM. G. Ebers et Zaborowski. « Je n'incline pas à croire, suivant les
termes de M. G. Perrot (p. 755), que les Égyptiens attaquèrent la pierre dure avec des outils
de pierre plutôt qu'avec des outils de métal. » Je certifie la chose d'une manière absolue; plus
que jamais je nie que, « à force de retremper le bronze et de l'aiguiser sans cesse à neuf, on
ait pu dans quelques ouvrages en pierre dure du Nouvel Empire découper au ciseau le contour
des hiéroglyphes » (p. 754). Quand je ne connaissais que quelques peintures égyptiennes, je
croyais en fer les outils minces et allongés que les peintres égyptiens ont figurés à côté d'autres
outils gros et courts. Mais la masse des documents que Mariette a présentés à l'Exposition
universelle de 1878, mes discussions avec lui sur ce sujet et en dernier lieu mes essais chez
moi et à l'École des Mines ont changé mon opinion à cet égard.
Les Égyptiens taillaient les pierres dures avec des pierres appointées, silex ou jaspes. Ils ne
connaissaient pas le travail du fer, les outils minces étaient en bronze et réservés à la sculpture
sur bois et pierres tendres. Telle est la clef qui sert à se reconnaître au milieu de ce mélange
d'instruments, — ou qui paraît tel, — dans les peintures égyptiennes : les sculpteurs qui taillent
avec des outils allongés procèdent avec des outils en bronze sur des statues en bois'2. On les
voit bien, comme dans la planche 565, se servir sur la même statue d'outils en pierre pareils à
ceux des sculpteurs sur pierre dure, mais ils frottent avec ces pierres, elles leur tiennent lieu
des limes, qu'ils ne connaissaient pas, pour adoucir les traits du ciseau et arrondir les angles.
Tout se refuse à admettre que les bords du Nil aient vu les premiers travailleurs du fer que
le Delta ne fournit pas. Les quelques fragments que l'on en a retrouvés sont d'époque relative-
ment très moderne. C'est à l'Asie que l'on doit la métallurgie du fer, mais on ne peut faire
remonter cette industrie qu'au xvc siècle avant l'ère chrétienne. Les fouilles de M. Schliemann
nous montrent que ce métal, presque inconnu en Grèce, ne faisait pas partie de l'outillage du
sculpteur. 11 y a donc accord pour croire que l'emploi du fer ne précède pas l'époque historique
et qu'il a été introduit clans les contrées occidentales à une date bien moins reculée que celle
assignée dans ces derniers temps.
V
M. G. Perrot donne sur la glyptique chez les Égyptiens un chapitre spécial qui eût été
susceptible de quelques développements.
1. Les Arts méconnus. Leroux, éditeur.
2. C'est ainsi que dans le livre de M. G. Perrot, la légende de la gravure 53 doit être remplacée par : Sculpteur sur bois taillant une
statue; — la gravure, page 53, « sculpteur préparant un bras », par « sculpteur sur bois ébauchant un bras, etc. »