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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 1)

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Henriet, Frédéric: Petite question d'esthétique, [1]: Le Titre
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PETITE QUESTION D’ESTHÉTIQUE

LE TITRE

I

Le titre d’une œuvre artistique ou littéraire l’expose et
la résume. Il en est l’alpha et l’oméga. C’est à la fois le
péristyle et le couronnement de l’édifice. Qu’il s’agisse
d’un roman, d’une pièce de théâtre, d’un tableau, le titre
doit obéir à certaines lois générales. Il a le devoir strict
d’être court, d’exprimer clairement, nettement, l’idée, le
sujet, le but de l’ouvrage. Mais de toutes les productions
nées du cerveau humain, aucune plus que le tableau n’a
besoin de se conformer pour le choix du titre à ce s règles
essentielles. Nous le démontrerons dans un instant.

Je laisse de côté les poètes, auxquels Horace reconnaît
le privilège de tout se permettre. Leurs recueils, formés
de pièces écrites à des dates et sous des impressions
diverses, n’ont généralement pas de sujet déterminé.
Le titre reflète simplement les ambitions de l’auteur.
Il résume le caractère que celui-ci a prétendu donner à
son œuvre : les Héroïques ; ou bien il révèle le pur souci
de la forme : Émaux et camées, les Stalactites. Plus les
titres sont vastes, sonores, fulgurants, meilleurs ils sont
Ombres et rayons, la Légende des siècles. Quelquefois
un poète truculent s’amuse à une antithèse macabre : la
Comédie de la mort. Récemment, un parnassien infatué
ou railleur a écoulé un stock de vers sous ce titre gigan-
tesque : Toute la lyre ! Après celui-là, il faut tirer l’échelle.
Quant aux musiciens, je conçois leur embarras à baptiser
d’un nom approprié leurs sonates et leurs symphonies.
Aussi, quelques-uns, désespérant d’y parvenir, se sont-ils
tirés d’affaire au moyen de titres tapageurs, excentriques,
outrageusement insensés, qui sont autant de bruyantes
réclames : Fraises au champagne, Parfum capiteux,
Lèvres de feu, Peau de satin, Cœur d'artichaut, etc. Qui
se fût douté, avant que M. Jules Klein nous le révélât,
qu’une valse ou une polka pouvait dire tant de choses ?

Le romancier, le dramaturge, en choisissant un titre,
ont à calculer l’action qu’il exercera sur le public. Ils
doivent aussi tenir compte de certaines exigences maté-
rielles, comme de la bonne disposition typographique de
la couverture du volume, ou de l’effet de « tire-l’œil » à
produire sur une affiche. Pour l’auteur dramatique, la
chose a une importance telle que la question du titre est

presque toujours réservée, et l’auteur, d’accord avec l’im-
presario, ne confère à son œuvre le baptême définitif que
lorsque la pièce, répétée sous un titre provisoire, est mise
au point et à la veille de la représentation. Au théâtre, un
bon titre, c’est la moitié du succès. Voyez Clara Soleil;
c’est frais, c’est pimpant. Ce nom seul vous met en joie.
C’est un titre de cent cinquante représentations.

En ce qui concerne la pièce de théâtre ou le livre,
l’œuvre et le titre sont indivisibles, indissolublement rivés
l’un à l’autre. Il n’en va pas de même pour le tableau.
Celui-ci fait son chemin de par le monde séparément,
indépendamment de son titre qui reste enseveli dans le
grimoire des catalogues. C’est pour cela que le peintre a
intérêt à donner à son œuvre un signalement précis qui
permette aux curieux de la reconnaître, de la suivre de
livret en livret, à travers les divers cabinets par où elle a
a passé ou passera. Si la désignation manque d’exactitude,
de concision, elle égarera, au lieu de les guider, les
recherches des amateurs, des écrivains qui pratiquent des
fouilles dans ces mines précieuses de documents qu’on
appelle des catalogues.

Avant que les peintres eussent comme aujourd’hui à
leur service toutes les ressources de publicité que leur
ont apportées les expositions périodiques, le développe-
ment du journalisme et la fréquence des ventes publiques,
ils négligeaient souvent d’adapter un titre à leurs produc-
tions. C’était alors la postérité qui se chargeait de réparer
cet oubli. C’est elle qui a consacré les noms de beaucoup
de toiles fameuses de nos grandes collections : la Famille
du menuisier, de Rembrandt ; la Belle Jardinière, de
Raphaël; le Buisson, de Ruysdael ; la Vierge au lapin, du
Titien ; la Belle Féronière, de Léonard de Vinci ; le Petit
Pouilleux, de Murillo, que le rédacteur timoré d’un cata-
logue des premières années de ce siècle désignait comme
suit : « jeune garçon cherchant à détruire ce qui l’incom-
mode ».

Cela prouve, par parenthèse, que les dresseurs de cata-
logues n’ont pas toujours la plume heureuse. Les éditeurs
d’estampes ne demeurent pas en reste à cet égard. Quand
les planches qu’ils publient ne présentent pas une action
précise, comme il arrive souvent avec les scènes familières
des peintres hollandais, ils interprètent à leur façon la
 
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