L' art: revue hebdomadaire illustrée (14.1888 (Teil 1))

Encadrement de l’Erasme d’Holbein.
(Bois original conservé au Musée de Bâle.)

génie. Non seulement il dispose en virtuose consommé de toutes les ressources de son art, —
perspective, anatomie, proportions, physionomie, — tous problèmes qui avaient si fort tourmenté
le pauvre Dürer; il apporte encore dans son oeuvre la liberté d’esprit des temps modernes et la
verve de l’artiste enfin sur de lui-même. On le voit, travailleur heureux, attaquer de front des
obstacles faits pour épouvanter les plus téméraires et les franchir du premier bond, sans perdre
un instant cet air de belle humeur qui caractérise la foi de l’artiste dans son étoile, et qui est la
marque indéniable de l’inspiration. Tandis que Durer rumine, pèse et suppute, Holbein trouve
et crée. J’aurais aimé à causer avec Dürer, parce qu’il n'était pas seulement un artiste, mais
encore un penseur et qu’il m’aurait rendu compte du pourquoi et du comment du moindre de
ses traits de burin. Chez Holbein, au contraire, rien de cherché ni de calculé; il produit parce
qu’une force invincible le pousse à produire, et l'homme se dérobe entièrement pour ne laisser
voir qu’un ouvrier incomparable.

Dürer incarne en lui les bonnes vieilles mœurs chères aux artistes du moyen-âge, rangé,

Tome XLIV. 21