Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 1)

DOI Artikel:
Lefranc, F.: Nos auteurs dramatiques, [2]: Alexandre Dumas père
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25872#0095

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
Jâfî

NOS AUTEURS DRAMATIQUES'

ALEXANDRE DUMAS PÈRE

I

Certains auteurs vivent sans bruit; ils ne font qu’un seul livre mais qui durera toujours;
d’autres remplissent tout un siècle de leur gloire et ne laissent point un de ces ouvrages qui
triomphent du temps. Ceux-là ne sont pas les moindres esprits, mais ce sont les plus médiocres
artistes; ils ont l’imagination qui crée; ils n’ont pas la patience qui fait les oeuvres sans tache,
ils manquent d’idéal et ils se satisfont à produire. Ils connaissent toutes les joies du travail et
ils n’en éprouvent jamais ni les dégoûts ni les lassitudes. « Un mot, assure-t-on, coûte plus à
qui sait et à qui veut écrire que cent pages aux autres. » On ne saurait dire plus vrai ni mieux
dire. Or cette vérité-là échappe à plusieurs ; nombre de gens ont écrit, toute leur vie, qui n’y
ont point pensé. Alexandre Dumas, je le crois, a été de ceux-là. Il a eu, plus que personne, la
veine féconde et comme intarissable. L’imagination lui a tenu lieu de tous les dons et elle lui a
épargné toutes les angoisses. Elle l’a fait heureux, parce qu’elle ne lui a point permis de con-

^ • . . r. . r . È '

naître le labeur qui consume l’esprit et le doute qui le rend stérile. Et rien, en vérité, n’a ,§1
manqué à son bonheur, car il a eu tous les succès et il en a joui sans arrière-pensée. Il lui a
été donné, aussi, de fournir une longue carrière et il a compté, « jusqu’au dernier, les jours
dont il avait besoin pour achever son édifice ». Cet édifice est immense et, « à défaut d’ailes, on
a besoin de jambes robustes pour en faire le tour ». La promenade me plairait fort, car si le
monument est vaste, il n’est point uniforme, et il ménage aux yeux plus d’une surprise. Je ne
saurais l’explorer d’une seule fois. L’art dramatique y a sa place, en pleine lumière, et c’est à
cette place que je veux m’arrêter.

Et puis, à vrai dire, Alexandre Dumas auteur dramatique, c’est encore Alexandre Dumas
tout entier. Qu’il écrive pour la scène ou qu’il fasse un roman, ses personnages ont le diable au
corps ; ils vivent, ils agissent et ils ne dissertent point. L’auteur les jette au milieu d’une action
qui ne souffre ni repos, ni délai ; il les anime de son entrain, et il les conduit, enfiévrés et
haletants, jusqu’au dénouement. Il ne connaît ni les petits sentiers, ni les détours par où
s’égarent les écrivains à court d’invention ; il va tout droit à son but et il nous emporte à sa
suite. Le mouvement lui est naturel et il le communique à tout ce qu’il touche. Cette qualité a
fait la fortune de ses romans, elle a fait aussi la fortune de ses drames; elle n’est point ici plus
que là; le roman offre seulement un champ plus large à l’action. Le conteur est merveilleux et
il le sait, mais il ne s’oublie point à conter; il cède le pas à l’auteur dramatique. Celui-ci est
plein de son sujet et il ne songe point à lui-même; il vit de la vie de ses personnages ; on dirait

i. Voir l’Art, 14° année, tome Ier, page 33.

m


Tome XLIV.
 
Annotationen