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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 1)

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Genevay, Antoine: Le marquis de Marigny, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25872#0317

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Revenons sur nos pas et repre-
nons notre récit au moment où
M. de Vandières rentre en France,
en septembre ip5i. Mme de Pom-
padour se montra reconnaissante
envers les guides qu’elle lui avait
donnés : Soufflot devint Contrô-
leur des Bâtiments, l’abbé Le Blanc
historiographe, •—- il eût préféré
un fauteuil à l’Académie, — et
Cochin, logé au Louvre, obtint la
charge importante de Garde des
Dessins du Roi. Cette libéralité,

du marquis de Marigny.

qui d ailleurs lui coûtait peu, était
conforme aux usages du temps.
Les familles nobles envoyaient leurs fils faire un tour en
Europe en compagnie d’un homme plus ou moins instruit,
à qui, au retour, on donnait une abbaye, un prieuré, un
emploi dans l’administration ou une petite part dans les
Fermes. Nous devons ajouter que M. de Marigny témoigna
toujours une grande et chaleureuse estime pour ses com-
pagnons de voyage, il les consultait et se plaisait à les
appeler « ses yeux ».

Mrae de Pompadour plaça à côté de son frère, devenu
définitivement Directeur et Ordonnateur des Bâtiments
(par la mort de M. de Tournehem, arrivée en novembre
175 1 ), un homme avec qui il était déjà lié et qui ne dut
pas lui être moins utile. C’est de Marmontel dont nous
voulons parler ; elle le fit nommer Secrétaire des Bâtiments.
Quand il alla remercier sa protectrice, elle le reçut à mer-
veille, mais, après qu’il lui eut présenté ses compliments,
elle lui dit, trahissant les secrètes amertumes de son
cœur : « Les gens de lettres ont dans la tête un système
d'égalité qui les fait quelquefois manquer de convenances.
J’espère, Marmontel, que vous n’en manquerez jamais... »
1. Voir l'Art, 148 année, tome Ier, page 168.

Si Mme de Pompadour eût été une de Nesle ou une Mor-
temart, si son frère fût sortie d’une fière lignée, elle ne se
fût certainement pas avisée d’une telle recommandation,
mais, toute-puissante qu’elle fût, elle sentait le péché
originel de son sang.

« Richelieu, a écrit Duclos, avait toujours cherché à
faire regarder du roi Mme de Pompadour sur le pied d’une
bourgeoise déplacée, d’une galanterie de passage, d’un
simple amusement qui n’était pas fait pour subsister
dignement à la cour. Ce qu’il y a de plus admirable, c’est
que l’opinion du duc de Richelieu ne lui était pas parti-
culière, ce fut longtemps celle de la cour. Il semblait que
la place de maîtresse du roi exigeait naissance et illustra-
tion. Les hommes ambitionnaient l’honneur d’en pré-
senter une (leur parente, s’ils pouvaient), les femmes,
celui d’être choisies. »

Le sentiment que la marquise ne laissait entrevoir qu’à
ses intimes à certaines heures, M. de Marigny ne le
cachait point, mais il était chez lui doublé par une certaine
honte ressentie de la position de sa sœur et vainement il
se répétait que sans elle il ne serait rien, que tout au plus
comme traitant aurait-il eu quelque fortune. Le très clair-
voyant Marmontel nous a laissé de lui un portrait dont
nous empruntons quelques traits :

« Il fallait, dit-il ’, prendre l’attention la plus exacte
pour ménager un amour-propre inquiet, ombrageux, sus-
ceptible à l’excès de mélancolie et de soupçon, la faiblesse
de craindre qu’on ne l’estimât pas assez et qu’on médît
malignement et par envie sur ce qu’il y avait à dire sur sa
naissance et sa fortune. Cette inquiétude était au point
que si, en sa présence, on se disait quelques mots à
l’oreille, il en était offusqué. Attentif à guetter l’opinion
que l’on avait de lui, il lui arrivait souvent de parler de
lui-même avec une humilité feinte, afin d’éprouver si l’on
se plaisait à l’entendre se déprécier, et, alors, pour peu
1. Mémoires.
 
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