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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Leymarie, Camille: J. F. Millet en Auvergne
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0106

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78

L'ART.

qu'un peintre change de manière. La seconde raison, je la
trouve très bien exposée dans une lettre de M. Landesque
et je ne saurais mieux faire que de reproduire ici l'opi-
nion de mon correspondant si bien informé de tout ce qui
touche à Millet : « Vous remarquerez que Millet, à ma
connaissance, du moins, n'a jamais introduit dans ses
compositions un seul paysan auvergnat; dans la femme
auvergnate, à cause de sa coiffure ou de ses vêtements, il
n'a vu qu'une note particulière dont il a su se servir sans
porter atteinte à l'unité de son tableau, mais chaque fois
qu'il a voulu faire une œuvre de pensée et de haute signi-
fication rustique et familiale, il a peint le paysan qui les

Ainsi qu'on s'y attend, Desbarolles voulut étudier la
main de son ami, mais il ne consentit jamais à dire ce
qu'il y avait vu ou cru voir; il s'obstina à garder son
secret et j'estime qu'il eut raison, car c'est surtout en
chiromancie que le silence est d'or.

Millet avait rapporté d'Auvergne un grand-duc,
recueilli tout jeune dans quelque château en ruines;
longtemps cet oiseau, devenu superbe, fit la joie du
maître ; dans le petit jardin de Barbizon il mettait la note
grave de son attitude fatidique, il perdit bientôt toute
sauvagerie et devint presque un hibou citadin. C'est ainsi
que le dimanche il aimait à se percher sur le mur qui
bordait la petite rue villageoise pour « voir passer le

résume tous, sans costume particulier, et il faisait ainsi ce
que constamment il a rêvé, ce qu'il a toujours voulu, de la
synthèse et encore de la synthèse, sans s'attacher à la
reproduction d'aucun type particulier... »

Lorsque la journée n'avait pas été trop fatigante,
Millet passait bourgeoisement la soirée à jouer aux domi-
nos. Une année Desbarolles vint à Vichy avec sa famille ;
ce fut une bonne fortune pour Millet, car Desbarolles
cultivait aussi les dominos; d'autre part il se souvenait
volontiers qu'il avait tâté de la peinture dans l'atelier de
l'honnête Picot, et comme Millet aimait les discussions
d'art, tous deux s'en donnèrent à cœur joie.

monde », tout comme aurait pu faire un honnête épicier
retiré des affaires. Hélas! ce furent ces dispositions à la
sociabilité qui causèrent sa perte ; un jour il fut aperçu par
un groupe de Parisiens en rupture de faubourg Saint-Denis.
Ces Parisiens étaient fort gais ayant peut-être baptisé la
veille quelque petit ébéniste; la vue du sage oiseau de Mi-
nerve leur causa quelque contrariété et, pour conjurer le
mauvais présage, ils ne trouvèrent rien de mieux que d'as-
sommer la pauvre bête à coups de pierres. Millet survint,
mais trop tard ; les Parisiens ne comprirent rien à sa fureur,
ils se retirèrent persuadés qu'ils lui avaient rendu service.

Camille Leymarie,

Bibliothécaire de la Ville de Limoges.

Au PUITS.

Tableau de J. F. Millet.
 
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