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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Courrier musical
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COURRIER

MUSICAL

Concerts du Conservatoire, Concerts des Champs-
Elysées et Concerts du Chatelet. — Symphonie
rhénane et Manfred, de Schumann. Ouverture acadé-
mique, symphonie en fa majeur et quintette pour clari-
nette et cordes, de M. Johannes Brahms. Symphonie
en ut mineur, le Rouet d'Omphale, la Lyre et la
Harpe, etc., de M. Camille Saint-Saëns. Les Béatitudes,
de César Franck.

(fini)

II

Après Beethoven, qui est toujours le maître incontesté,
le Dieu aux concerts du Conservatoire, c'est M. Saint-
Saëns qui de beaucoup, cette année, a eu le plus grand
nombre d'eeuvres jouées et a le plus grandi dans l'estime
des connaisseurs. Il a dû ce surcroît de vogue à l'élévation
de M. Taffanel qui le tient depuis longtemps en grande
estime et a voulu, du premier coup, le pousser au premier
rang. Pensez donc : cinq œuvres, dont deux ou trois très
considérables, reprises ou jouées pour la première fois au
Conservatoire en dix-huit séances, qui ne comportent que
neuf programmes ! C'est énorme, et sans nullement m'en
offusquer, je trouve tout de même que la part est un peu
considérable. Résultat : le Rouet d'Omphale a obtenu le
succès qu'il a toujours auprès des auditeurs que la musique
imitative ou descriptive enchante; Y Ave verum, sans
accompagnement,a été écouté avec le respect qui s'attache
aujourd'hui à toutes les productions de M. Saint-Saëns ;
le troisième concerto de violon, remarquablement inter-
prété par M. Isaye, a soulevé d'interminables bravos qui
s'adressaient beaucoup plus au virtuose qu'au composi-
teur ; la grande symphonie en ut mineur, avec orgue et
piano, n'a pas retrouvé le formidable succès qu'elle avait
eu lors de ses premières exécutions à Paris, et la Lyre et
la Harpe, admirablement rendue, a été on ne peut plus
appréciée, applaudie : un grand succès, tout entier, celui-là,
pour M. Saint-Saëns.

Cette œuvre, écrite en 1879 pour le festival triennal de
Birmingham et exécutée ensuite avec des moyens insuffi-
sants aux Concerts populaires, est l'ode même de Victor
Hugo, mise en musique avec la préoccupation d'opposer
les accords sévères de la harpe, l'instrument du psalmiste,
aux accents caressants et langoureux de la lyre, qui ac-
compagnait le chant des odes antiques. Mais cette distinc-
tion n'est qu'arbitraire et je mettrais bien au défi l'auditeur,
s'il n'a pas le texte imprimé devant lui, de dire auquel de
ces deux instruments se rapportent certains morceaux.
Cette partition de M. Saint-Saëns, où l'idée est heureuse
sans être toujours très personnelle, est surtout remar-
quable par la richesse de la facture et une instrumen-
tation très piquante qui ajoute un charme extrême à des
motifs assez peu saillants par eux-mêmes. C'est certai-
nement une des œuvres où son grand talent se montre à
nous de la façon la plus éclatante, et des pages comme le
premier chœur : Dors, ô fils d'Apollon, si simple et si
large, ou le charmant duo pour voix et chœur de femmes :
Aime ! Eros règne à Gnide, avec le joli accompagnement
des deux flûtes et de la harpe, ont un coloris, un accent
superbes.

La large mélopée du contralto : Homme, une femme
fut ta mère, et le duetto de contralto et ténor, soutenu par
une phrase syncopée exquise à l'orchestre : L'amour divin
défend de la haine infernale, et la puissante strophe du
ténor : Dieu par qui tout forfait s'expie, offrent également
d'excellents modèles d'une musique inspirée et savante,
où prévaut toutefois le mérite de la mise en œuvre, et je
m'étonne, après de tels morceaux, qu'on puisse beaucoup
goûter le boléro, très joli comme boléro, mais bien singu-
lièrement placé au milieu de ces chants antiques, par

1. Voir l'Art, 19° année, tome II, page 81.

lequel le baryton célèbre la jouissance et le plaisir sur
terre : Jouis, c'est au fleuve des ombres... Voilà pourtant,
— c'est triste à dire, — le morceau qu'on applaudit le plus
et qui jouit de la plus grande célébrité entre tous ceux qui
composent la partition de la Lyre et la Harpe. En vérité,
le public a parfois de bien étranges préférences, ou plutôt
il est tout naturel qu'il les ait : le tout, et l'on y arrive
avec de la persévérance, est de l'en faire revenir. N'ou-
blions pas de citer —• de peur qu'ils ne m'arrachent les
yeux — les solistes : Mmes Leroux-Ribeyre et Terrier-
Vicini, MM. Alvarez et Auguez, parmi lesquels les trois
derniers au moins, le contralto, le ténor et la basse, ont
certainement contribué au succès de cette belle œuvre, et
félicitons M. Saint-Saëns de ses succès mérités au Con-
servatoire. Attendons, maintenant, l'an prochain.

C'est aux Concerts du Châtelet qu'il nous a été donné
d'entendre enfin l'importante partition de César Franck :
les Béatitudes. Sa Ruth, sa Rédemption, sa Rébecca, sa
Psyché, ses Bolides, etc. — car on exécuta souvent de
ses œuvres dans les concerts, même de son vivant — nous
avaient déjà donné à penser que Franck était surtout un
très bon professeur, très respectueux des formes classiques,
épris d'un idéal très pur, très élevé, mais qui n'innovait
ni ne rénovait en rien : son œuvre capitale vient de le
prouver. Ni par la phrase mélodique, généralement peu
saillante, ni par la disposition des voix ou la structure des
morceaux, ni par les combinaisons d'harmonies ou d'ins-
truments, il ne nous donne une seule fois l'impression
d'une œuvre vraiment nouvelle ou simplement person-
nelle : il est même à remarquer que sa façon de prosodier
et de traiter les paroles jure absolument avec les principes
qui font loi aujourd'hui dans l'art musical. La grande su-
périorité qu'on se plaisait à lui attribuer sur tant de com-
positeurs morts ou vivants n'existe en vérité que dans
l'imagination de ses élèves. Je ne sais rien de plus tou-
chant que cette pieuse admiration pour un homme si
rempli de vertus et de qualités ; mais la bonté n'est pas le
génie, et de génie il en avait si peu que ses élèves mêmes
les plus assidus et les plus fervents ne portent aucunement
son empreinte. Il n'y a nulle analogie entre sa musique et
celle de ses disciples et la parenté dont ils se prévalent
est purement idéale : ils seraient probablement fâchés,
dans le fond, qu'il en fût autrement.

N'entendez pas par là que César Franck soit pour
moi un musicien médiocre et qu'il ne mérite pas d'être
ainsi prôné, mais il est bon de constater que, dans leur
enthousiasme effréné, ses élèves, ses disciples et les nom-
breux amateurs subissant leur influence, admirent et
portent aux nues, sous la signature de leur savant guide,
des pages, des mélodies, des chœurs pour lesquels ils
auraient un léger dédain si Mendelssohn les eût écrits, si
M. Gounod les eût signés. Et ces deux noms-là ne vien-
nent pas par hasard sous ma plume. En effet, la partition
de César Franck, qu'il serait maladroit de présenter
comme une œuvre avancée et frayant des voies nouvelles
à la musique, est essentiellement classique : si par son
architecture chorale, elle rappelle avant tout le premier de
ces musiciens, par le contour de certaines mélodies ou
cantilènes et la sonorité douce et caressante de plusieurs
ensembles, elle semble émaner directement du second. Ce
sont là, après tout, deux compositeurs dont on peut se
réclamer sans rougir et César Franck a dû les estimer et
les étudier beaucoup plus que ne font ses élèves, trop
prompts, pour la plupart, à condamner toute musique
hormis celle de leur maître —• et peut-être aussi la leur —
avec quelques créations de Bach et de Wagner.

Maintenant, cette œuvre considérable et qui représente
une telle somme d'efforts convaincus méritait grandement
d'être enfin mise en lumière — car l'auteur ne put jamais
l'entendre exécuter tout entière à l'orchestre — et le vrai
moyen de montrer en quelle estime on la tient, c'est de
 
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