PROSPER MÉRIMÉE ET LE BACCHUS ANTIQUE. 149
relique du passé est la caserne de la Gendarmerie départementale. A l'époque de la Renaissance,
c'était l'hôtel qu'habitait Jacques Cujas, le plus savant professeur de droit d'alors, un hôtel très
fréquenté, car l'Université de Bourges était l'une des plus célèbres de l'Europe savante. La seule
présence de Jacques Cujas y attirait des étudiants, accourant de tous les pays du monde connu.
Plein de savoir, carré par la base, studieux jusqu'à l'impossible, très disert, le professeur était
adoré de ses élèves, mais la chronique, un peu indiscrète, ajoute que, chez lui, dans ce bel hôtel
aujourd'hui occupé par des gendarmes, il n'était pas le seul adoré. L'excellent homme avait une
fille unique du nom de Suzanne, jeune personne, et très jolie et très lascive. Pour ne rien celer,
la belle enfant se laissait très volontiers conter fleurette par les élèves de son illustre père, et
ces jeunes messieurs, paraît-il, hardis en besogne, appelaient cela « commenter les œuvres de
Hôtel de Jacques Cœur, a Bourges. —■ Vue intérieure.
leur maître ». Quand, sous le coup du scandale, le bonhomme grondait, quand il se fâchait
contre sa progéniture, celle-ci, prenant un petit air de révolte, répondait : « Eh! dame, moi, ce
n'est pas ma faute, mais vous m'avez faite à Toulouse : j'ai le feu du Midi dans les veines. » Au
point de vue de l'art, il paraît que cette ancienne demeure d'un grand jurisconsulte est fort inté-
ressante à étudier, ainsi que deux ou trois autres maisons aristocratiques de la même ville, celle
des marquis Anjorrant, par exemple. On pense bien qu'elle a attiré au plus haut point l'attention
de Prosper Mérimée. Les rapports qu'il a adressés alors au ministre de l'intérieur en font foi.
Cependant, l'archéologue officiel s'était dérangé pour toute autre chose. Un incomparable
édifice, la cathédrale de l'endroit, l'attirait comme l'aimant attire le fer. Ainsi, c'était surtout
pour voir ce temple sans pareil que cet Athénien de Paris consentait à venir dans cette Béotie.
Placée sous l'invocation de saint Etienne, cette vénérable église, l'une des plus belles du monde
connu, remonte, paraît-il, à l'ère des Carlovingiens. Deux prêtres du diocèse de Bourges, les
R. P. Cahier et Martin, ont écrit la Monographie de ce superbe bloc de pierre, et c'était après
relique du passé est la caserne de la Gendarmerie départementale. A l'époque de la Renaissance,
c'était l'hôtel qu'habitait Jacques Cujas, le plus savant professeur de droit d'alors, un hôtel très
fréquenté, car l'Université de Bourges était l'une des plus célèbres de l'Europe savante. La seule
présence de Jacques Cujas y attirait des étudiants, accourant de tous les pays du monde connu.
Plein de savoir, carré par la base, studieux jusqu'à l'impossible, très disert, le professeur était
adoré de ses élèves, mais la chronique, un peu indiscrète, ajoute que, chez lui, dans ce bel hôtel
aujourd'hui occupé par des gendarmes, il n'était pas le seul adoré. L'excellent homme avait une
fille unique du nom de Suzanne, jeune personne, et très jolie et très lascive. Pour ne rien celer,
la belle enfant se laissait très volontiers conter fleurette par les élèves de son illustre père, et
ces jeunes messieurs, paraît-il, hardis en besogne, appelaient cela « commenter les œuvres de
Hôtel de Jacques Cœur, a Bourges. —■ Vue intérieure.
leur maître ». Quand, sous le coup du scandale, le bonhomme grondait, quand il se fâchait
contre sa progéniture, celle-ci, prenant un petit air de révolte, répondait : « Eh! dame, moi, ce
n'est pas ma faute, mais vous m'avez faite à Toulouse : j'ai le feu du Midi dans les veines. » Au
point de vue de l'art, il paraît que cette ancienne demeure d'un grand jurisconsulte est fort inté-
ressante à étudier, ainsi que deux ou trois autres maisons aristocratiques de la même ville, celle
des marquis Anjorrant, par exemple. On pense bien qu'elle a attiré au plus haut point l'attention
de Prosper Mérimée. Les rapports qu'il a adressés alors au ministre de l'intérieur en font foi.
Cependant, l'archéologue officiel s'était dérangé pour toute autre chose. Un incomparable
édifice, la cathédrale de l'endroit, l'attirait comme l'aimant attire le fer. Ainsi, c'était surtout
pour voir ce temple sans pareil que cet Athénien de Paris consentait à venir dans cette Béotie.
Placée sous l'invocation de saint Etienne, cette vénérable église, l'une des plus belles du monde
connu, remonte, paraît-il, à l'ère des Carlovingiens. Deux prêtres du diocèse de Bourges, les
R. P. Cahier et Martin, ont écrit la Monographie de ce superbe bloc de pierre, et c'était après