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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Courrier musical
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COURRIER

MUSICAL

Opéra-Çomiqce : VAttaque du Moulin.

Vous souvient-il de tous les quolibets qu'on faisait
pleuvoir sur le Rêve à l'époque où cet opéra de M. Bru-
neau vit le jour, vous souvient-il de l'assurance avec
laquelle on affirmait par avance que c'était une œuvre
mort-née et qu'on n'en entendrait bientôt plus parler, non
plus que de son auteur? Eh bien, malgré tout cela, le Rêve
obtint un nombre honorable de représentations, fut
apprécié par maints amateurs, à Bruxelles plus encore
qu'à Paris, et, finalement, n'est pas tombé dans l'oubli le
plus profond, comme il est arrivé pour tant d'autres parti-
tions, dès qu'on cessa de les jouer. C'est un ouvrage à
reprendre et qu'on reprendra.

Autre chanson pour l'Attaque du Moulin. Ce devait
être, à ce qu'estimaient les gens très informés, un succès
sans pareil. Il fallait voir dans ces bruits si différents,
dans ces pronostics émanant du théâtre, avant tout l'im-
pression même du directeur qui n'avait monté le Rêve
qu'avec beaucoup de crainte et aurait volontiers pris
prétexte de la difficulté qu'il y eut à trouver un ténor pour
abandonner cet ouvrage inquiétant; qui fondait au con-
traire un grand espoir sur l'Attaque du Moulin, tant son
opinion au sujet de M. Bruneau s'était vite modifiée en
voyant que le Rêve avait quelque force de résistance. Mais
qu'ils fussent favorables ou non, ces bruits étaient surtout
colportés par les gens qui, sous le masque d'une sympa-
thie très vive, auraient vivement souhaité de voir culbuter
l'ouvrage et l'auteur.

Quelle aubaine, pensez donc, si l'Attaque du Moulin,
après d'aussi formidables poussées d'éloges préventifs,
avait pu sombrer lourdement et ne jamais se relever ! Ce
pouvait être la chute irrémédiable de ce compositeur et le
champ devenait plus libre pour tous les excellents con-
frères que son talent ou son succès, comme vous voudrez,
ne laissaient pas de taquiner. Et je vous apprends avec
grand plaisir que si l'Attaque du Moulin n'a pas remporté
le succès formidable annoncé par les ennnemis de l'auteur,
elle a du moins obtenu une réussite assez brillante; elle a,
en tout cas, vivement frappé toute une classe d'auditeurs
qui ne s'étaient nullement souciés du Rêve et consolidé la
réputation naissante d'un musicien, jeune encore, avec
lequel il faut décidément compter : toutes les belles
phrases de journal ou les plaisanteries de salon n'y chan-
geront rien.

Connaissez-vous la courte nouvelle de M. Émile Zola
qui ouvre les Soirées de Médan ? Au cas invraisemblable
où vous ne l'auriez pas lue, en deux mots, voici ce dont il
s'agit. C'est à la veille de l'invasion de 1870:1111 vieux
meunier de la Lorraine, le père Merlier, fiance sa fille
Françoise à un jeune garçon qui l'aime éperdûment,
Dominique, et annonce à tous les gens du pays que le
mariage aura lieu au bout d'un mois, le jour de la Saint-
Louis. Au milieu de cette fête, éclate, comme un coup de
foudre, la nouvelle que la guerre est déclarée. Un mois
plus tard, à la Saint-Louis, des troupes françaises s'éta-
blissent dans le moulin pour arrêter la marche de l'ennemi ;
après avoir tenu jusqu'au soir, elles battent en retraite, en
jurant de revenir, et le moulin est aussitôt envahi par les
Allemands. Dominique est pris les armes à la main, tout
noir de poudre : il a tiré, en effet, et sans manquer un
coup ; il a oublié sa qualité de neutre, car il est Belge,
quand il a vu une balle ennemie érafier le front de Fran-
çoise. 11 sera fusillé dès le lendemain ; mais, pendant la
nuit, sa fiancée se glisse auprès de lui, l'engage à fuir, lui
remet un couteau, et Dominique gagne les bois après avoir
tué une sentinelle qui lui barrait la route. Ici, nouvel
émoi : l'ennemi va pour fusiller Merlier à la place du
fuyard ; mais celui-ci revient et se livre : on le passe par
les armes, au moment où les Français, arrivant en forces,
chassent les Allemands de la place... Le père Merlier est

frappé par une balle égarée ; le moulin, entièrement détruit
par la canonnade, et Françoise, à demi-folle, demeure
anéantie au milieu de ces ruines, entre les deux cadavres
de son père et de son fiancé. C'est beau, la guerre !

Les modifications jugées nécessaires pour transporter
cette nouvelle émouvante sur la scène se réduisent, en
somme, à peu de chose. On a d'abord reporté l'action de
cent années en arrière, sous la première République, en
laissant dans un vague absolu la nationalité des ennemis.
Un personnage a été ajouté, celui d'une vieille servante de
Merlier qui a servi de mère à Françoise, la bonne Marce-
line, sorte de Velléda de la paix, en qui s'incarne l'horreur
de la guerre et qui a perdu ses deux fils, Antoine et Jean,
tués au loin, dans une même bataille. Enfin et pour atté-
nuer les malheurs de Françoise, pour se contenter de
deux morts — ce qui est déjà beaucoup à l'Opéra-Comique
— on arrête le roman au moment où Merlier doit
être fusillé à la place de Dominique : il se sacrifie,
volontairement, le vieux meunier; c'est lui qui tombe
sous les balles ennemies à l'instant même où les Français
rentrent victorieux, guidés par Dominique. Et celui-ci
épousera Françoise, et leur famille s'augmentera, et le
vieux moulin, qui n'est qu'endommagé par les balles,
reprendra son joyeux tic-tac, sa vie et sa gaieté, grâce aux
efforts des jeunes épousés : ç'aura .été la consolation
suprême du père, au moment de mourir, que d'entrevoir
dans l'avenir le réveil de son cher moulin, le bonheur de
ses enfants bien aimés.

M. Alfred Bruneau, en adoptant ce sujet mélodrama-
tique qui se prêtait mal aux analyses, aux descriptions de
sentiments en musique, a dû se conformer autant que
possible à la marche rapide de la pièce; mais ses collabo-
rateurs, MM. Zola et Gallet, n'ont pu se refuser à intro-
duire ici telle scène, là tel épisode qui donnait le champ
libre à la musique. Alors, la pièce ne marche plus d'un
pas aussi rapide, et force est bien de constater que le
compositeur, pour s'approprier cet épisode militaire, a été
( obligé de donner une légère entorse aux idées qu'il doit
avoir sur l'exacte adaptation de la musique au drame,
quel qu'il soit, qu'elle a mission d'accompagner. Parmi
ces morceaux qui sont, à proprement parler, des hors-
d'oeuvre et retardent le cours des événements, il en est
vraiment d'heureux, comme la scène en duo des deux
fiancés, quand Françoise ne devrait rien avoir de plus
pressé que de voir fuir Dominique; comme la rêverie de-
là sentinelle ennemie ou les réflexions qu'elle échange
avec Marceline au sujet de cette abominable guerre qui
déchaîne les uns contre les autres tant d'hommes qui n'ont
aucune raison de s'en vouloir. Et ces deux ou trois
pages-là, je les admets volontiers en raison de leur mérite
musical.

Mais j'aime infiniment moins le trio entre le capitaine
ennemi, Françoise et Merlier, quand celui-ci se livre à la
place de son gendre, ou le grand quatuor du dernier acte,
en dépit des douloureuses phrases de Marceline et de
Merlier qui trompent les deux fiancés sur le sort réservé
au vieux meunier : voilà, en effet, des morceaux de pur
placage, avec trop de répétitions, et dont le prix musical
n'est pas assez grand pour faire excuser, à la rigueur, les
retards qu'ils apportent dans la marche du drame. En fait,
il n'y avait que le premier acte, avec son joyeux tableau
des fiançailles interrompues par la fatale nouvelle et les
farouches imprécations de Marceline contre la guerre, qui
se prêtât tout naturellement à l'adjonction de la musique
et, par une conséquence obligée, on n'y trouverait rien à
reprendre, absolument, au point de vue musical.

Après un beau prélude d'orchestre, où se déroule un
chant calme et large, qui dépeint la sereine tranquillité de
la terre de France avant l'invasion, la pièce débute par
une vive causerie entre Marceline et Merlier, une causerie
cordiale où se dessinent plusieurs des motifs essentiels,
 
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