La chronique des arts et de la curiosité (1903)

N» 26. — 1903

BUREAUX : 8, RUE FAVART (2e Arr.)

25 Juillet,

LA

CHRONIQUE DES ARTS

ET DE LA CURIOSITÉ

SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS

PARAISSANT LE SAMEDI MATIN

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ILe USToaméro : O fr. 25

PROPOS DU JOUR

tL n'y aurait pas lieu d'accorder
\ son attention aux croix de la Lé-
gion d'honneur qui échoient pé-
riodiquement aux artistes comme

à d'autres catégories de citoyens, s'il n'était
utile de remarquer comment il plaît le plus
souvent au gouvernement d'accorder ses fa-
veurs. La politique a fait son entrée dans la
république jusqu'ici respectée et paisible
des arts ; elle y exerce son influence détesta-
ble; elle provoque les injustices et les lour-
des erreurs ; elle assure la prédominance de
l'intrigue sur le mérite. Le travailleur désin-
téressé, qui vit à l'écart, attend jusqu'à la
vieillesse la récompense honorifique lente à
venir. Il advient encore que des bienveillan-
ces spontanées et équitables s'appliquent à
faire décerner les croix aux plus dignes, qui
ont coutume d'être les plus sages et les moins
impatients, mais c'est l'exception. Les der-
nières promotions dénoncent précisément le
rôle de la politique et du jeu occulte des rela-
tions là où les interventions de cette nature
sont hors de propos. Lo temps est proche
où, pour être récompensé, il faudra avoir
portraituré le ministre du jour, et idéalisé son
député.

Ces pratiques ne sont pas faites pour rehaus-
ser le prestige de la Légion d'honneur parmi
les artistes. Il est vrai que l'inventeur de ce
« hochet » fameux ne l'a point créé parce
qu'il avait bonne opinion des hommes. Ce
n'est pas une raison pour que les gouvernants
en mésusent à la légère ; gagner leurs faveurs
deviendrait un métier où il faudrait plus de
patience que d'esprit, plus de complaisance

que de talent, et l'on verrait ainsi les ambi-
tieux, fiers d'une carrière à côté, masquer
l'inanité de leurs mérites sous l'abondance
des distinctions officielles. Un tel spectacle
ne serait cependant pas inutile s'il pouvait
apprendre aux artistes à vivre pour eux-mê-
mes, et à se libérer du besoin puéril et nuisi-
ble d'une tutelle d'État. Il leur serait plus aisé
et plus noble d'attendre d'eux-mêmes cette
réforme morale si souhaitable que d'espérer
du gouvernement le discernement et l'indé-
pendance du jugement.

NOUVELLES

Parmi les nominations et promotions
faites dans l'ordre de la Légion d'honneur à
l'occasion du 14 juillet, nous relevons les sui-
vantes qui intéressent le monde des arts :

Officier : M. Bœswillwald (Paul-Louis), ins-
pecteur général des monuments historiques,
'architecte du gouvernement.

Chevaliers : MM. Guifard (Dominique-Henri),
peintre-décorateur ; Boyé (Abel-Dominique) ,
Lenoire dit Lenoir (Charles-Camille), et Jean-
nin (Georges-Joseph), peintres ; Cordier (Henri-
Louis), sculpteur ; Vernier (Émile-Séraphin),
graveur en médailles; Thiébault-Sisson, ciiti-
que d'art; Morin ditGonstiaux (Georges-Albert),
architecte ; Flégier (Ange), compositeur de mu-
sique.

su** Ont été inaugurés pendant la dernière
quinzaine :

Le dimanche 12 juillet, à Paris, square de la
Madeleine, un monument de Jules Simon, œu-
vre du sculpteur Puech;

Le même jour, à Marnes-la-Coquette, un mo-
nument à Pasteur, œuvre du sculpteur Chail-
loux;

Le 14 juillet, à Agen, une statue de la Répu-
blique, œuvre du sculpteur Dagonet.