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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 9.1874

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Tardieu, Charles: M. John W. Wilson, 4: les grandes collections étrangères II
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https://doi.org/10.11588/diglit.21838#0047

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

virtuosité, malgré les doctrines stylistes de l’époque. Que cet enfant soit
le fds de Sémélé ou de toute autre donzelle, peu importe ; mais l’exécu-
tion-est curieuse, autant par ses défauts que par ses qualités, celles-ci
aussi rares que ceux-là dans l’œuvre du peintre des Andelys. Il s’agit en
effet d’une esquisse coloriste; et ce qui frappe tout d’abord dans cette
petite toile, c’est une tonalité ardente à laquelle les chefs-d’œuvre du
maître ne nous ont point habitués et qui déroute nos souvenirs. Le
disciple de la grande école romaine est ici presque vénitien. Autre éton-
nement : on remarque des lourdeurs et même des fautes de dessin. Le
petit Bacchus, par exemple, est singulièrement bâti, et l’on a peine à
comprendre qu’un enfant qui a passé plusieurs mois dans la cuisse de
Jupiter puisse avoir les jambes aussi mal faites. En revanche, l’attitude
de la femme accroupie à gauche est d’une franchise superbe. On recon-
naît le Poussin à la noblesse de la composition, à la hère tournure des
personnages, à l’impression de grandeur qui ressort de la toile, malgré
l’exiguïté du cadre.

Nous passons du xvne au xvme siècle, en sautant par-dessus Philippe
de Champaigne, Lesueur, Rigault, Largillière, et d’autres qu’on peut
regretter, et Lebrun, à qui l’on ne songe guère. Watteau mène la ronde
des peintres de la manière ; mais quel goût dans le faux, quelle exquise
fantaisie, quelle finesse et quel charme de couleur en tout ce marivaudage
pictural ! Vile enchantée est l’un des plus remarquables Watteau qui
existent, et nous savons bien des musées qui n’en possèdent point de
pareil. Le site est une vision plutôt qu’une vue, et les montagnes du
fond, baignées dans le bleu, tiennent exclusivement du rêve. Le lac et
les grands arbres qui l’entourent ont plus de réalité; les eaux ont leur
transparence et leur éclat naturels, le bocage est profond et plein de
mystère. Il règne en cette île enchantée une atmosphère humide et
chaude. Sur le vert gazon, au bord du lac tranquille, à l’ombre des
arbres empanachés, de belles dames en fraîches toilettes, de jeunes sei-
gneurs non moins coquettement parés, achèvent mollement et amou-
reusement une délicieuse journée d’été. Nous comptons dix cavaliers pour
neuf dames; l’une d’elles a fort à faire, à moins que l’un d’eux ne soit
fort empêché. La plupart tournent le dos au spectateur; mais les attitudes
sont si justes et les mouvements si bien pris au vol, qu’on devine presque
les expressions. Toutes ces petites figures sont touchées avec une délica-
tesse et une sûreté merveilleuses, et le bariolage des costumes, loin de
faire papilloter la peinture, ajoute à son harmonie, tant le pinceau est habile
à en fusionner pour ainsi dire les tons divers et les nuances multiples.

L’élève de Watteau, Jean-Baptiste Pater, né comme lui à Valenciennes,
 
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