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Revue archéologique — 8.1863

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Bréal, Michel: Le mythe d'Oedipe
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https://doi.org/10.11588/diglit.22428#0217

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LE MYTHE D’OEDIPE.

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que la foi à une destinée inévitable était l’idée mère du théâtre grec.
Ce n’est pas ici le lieu de discuter cette opinion : mais il serait juste
de considérer que Sophocle traitait un sujet qui lui était livré par la
tradition, et que ce n’est pas à lui, mais à l’époque où le sujet a
été conçu, qu’il faut rapporter les croyances dont il porte la marque.
L’idée de la fatalité était entrée si profondément dans l’histoire
d’OEdipe, qu’elle devint, sans que le poëte eût rien à changer à la
fable, le ressort principal de l’action. Sophocle n’invente aucune
circonstance essentielle : il lui suffit de reproduire exactement la
légende, comme Shakspeare suit pas à pas les chroniques qu’il
met sur la scène, pour tracer un tableau admirable de ce temps
déjà reculé de foi profonde aux devins et de croyances supersti-
tieuses.

A qui, d’un autre côté, faut-il faire honneur du caractère éminem-
ment dramatique de l’histoire d’OEdipe? Sans doute une large pari
reviendra au génie du poëte. Mais avant tout il faut en laisser la
gloire à l’époque qui, héritant des conceptions de l’âge naturaliste,
sut leur donner l’intérêt et la vie. C’est ici qu’éclate pour la première
fois dans toute sa force le génie poélique de la Grèce. Longtemps
avant Eschyle et Sophocle, la matière dramatique, s'il est permis de
parler ainsi, était prête. La mythologie grecque, telle que la créèrent
les poètes inconnus de l’âge moraliste, élait une carrière inépuisable
de tragédies et de poëmes de toute sorte qui semblait appeler les ou-
vriers. Rien n’est propre à faire mieux comprendre cette supériorité
de la Grèce, que de comparer sa mythologie à celle des autres peu-
ples de même race, à celle de l’Inde par exemple. La distinction en
effet que nous avons faite plus haut ne convient pas uniquement à la
religion hellénique : tous les peuples primitifs ont débuté par les
croyances naturalistes, tous ont eu ensuite un âge de moralistes et
de conteurs. Mais tandis que la seconde période de la Grèce coïncide
avec une époque d’action et de lutte, d’aventures héroïques et glo-
rieuses, qui se reflète en couleurs brillantes dans ses fables, l’Inde se
perdait de bonne heure dans l’abîme des théories mystiques. Aussi
ces mêmes conceptions qui ont fourni à la Grèce la matière de contes
que la postérité ne s’est pas lassée d'écouter et de répéter, n’ont-elles
inspiré à l’Inde que des histoires languissantes, destinées à la glori-
fication des brahmanes et à l’édification des fidèles. Aucun peuple n’a
égalé la Grèce à cet égard. Qu’on relise l’histoire d’OEdipe, en la
comparant aux quelques faits fournis par l’âge naturaliste et qui
marquent pour ainsi dire la route dans le vide à la narration fabu-
leuse. Avec quel art l’imagination grecque se joue au milieu des dif-
 
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