Revue archéologique (8.1863)

OBSERVATIONS PHILOLOGIQUES

SUR I.A

POÉTIQUE D’ARISTOTE

De tous les ouvrages qui nous restent d’Aristote, la Politique, la
Rhétorique et la Poétique sont assurément ceux dont le texte est le
plus maltraité. Les lacunes, les transpositions, les altérations de
mots y sont beaucoup plus fréquentes qu’ailleurs. Doit-on y recon-
naître aussi des interpolations d’une certaine étendue? La Politique
n’en offre pas; on n’en trouve qu’une seule dans la Rhétorique (I, 15,
1397 a 7), et dans un seul manuscrit (le manuscrit de Paris 1741) :
c’est une sorte de protestation contre l’emploi de la torture, qui avait
été mise à la marge et que le copiste a introduite dans le texte.
Quant à la Poétique, suivant l’un de ses plus récents éditeurs, F. Rit-
ter, elle serait pour un bon tiers l’œuvre d’un péripatéticien sans ju-
gement, sans esprit et sans style, ayant une certaine lecture mais
indigeste, sachant à peine la grammaire, médiocrement instruit et
très-suffisant (1). Cet homme absurde, qui vivait longtemps après
Aristote, mais qui est antérieur au troisième siècle de l’ère chré-
tienne, s’imagina que la Poétique ne répondait plus aux besoins
de ses contemporains; il crut devoir l’abréger et l’interpoler. Ainsi
il a extrait les chapitres i-v, vii-xi, xiii-xiv, xvii-xvm, xxi-xxii,
où il a conservé le texte d’Aristote, à quelques interpolations près.
Les chapitres xv, xxiii-xxiv ne seraient qu’un abrégé de l’original ;
quant aux chapitres xn, xvi, xx, xxv-xxvi, ils trahissent partout
la main ridicule de leur auteur; et ce serait faire injure à Aristote
que de les lui attribuer. Cet interpolaleur inepte n’aurait pas craint

(1) Arisiotelispoetica, edidit Fr. Ritter. Colonise, 1839, p. xx.
VIII. —- Octobre.

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