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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Ronchaud, Louis de: La Victoire de Samothrace
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0046

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36 L'ART.

lieu comme aux mystères de l'Attique à une époque fixe, mais indifféremment pendant les mois
d'été, de mai à septembre. La fête religieuse était perpétuelle sur cette terre sacrée, saut pendant
l'hiver où la violence des vents rendait et rend encore l'île inabordable.

Ce qu'on sait de ces mystères est peu de chose : le secret en a été bien gardé. Pas si bien
cependant qu'une indiscrétion ne nous ait appris les noms mystiques des divinités qui formaient
la triade cabirique. La même révélation et d'autres indications tirées, soit des textes, soit des
monuments, ont même permis d'identifier plus ou moins sûrement les Grands Dieux samothraciens
avec des divinités helléniques. Sous les noms un peu barbares d'Axieros, Axiokersa, Axiokersos,
révélés aux seuls initiés, qui cachaient des idées très vieilles et très saintes, on a cru reconnaître
Démèter, Persephone, et Hadès. Hermès est apparu sous le nom de Casmilos qu'on ajoutait en
quatrième. On adorait sans doute sous ces noms des forces de la nature Quant à l'opinion qui
ne veut voir dans les Cabires que des démons métallurges, proches parents des Dactyles idéens,
des Curètes, des Corybantes, des Telchines, opinion qui a pour elle de graves autorités 2, elle
peut se concilier avec la première, à condition de penser que ces Cabires mystérieux étaient tout
ensemble les dieux et les prêtres, confondus dans l'imagination populaire, objets d'un culte qui
liait aux phénomènes de la nature les merveilles de l'industrie naissante. La confusion était facile
entre une corporation de forgerons soumis à des rites sacrés et leurs dieux domestiques dont les
statues étaient travaillées à coups de marteau.

Ce culte des Cabires était venu sans doute à Samothrace de l'Asie Mineure et de l'Ida. La
fondation des mystères remonte au plus loin des temps héroïques. La plupart des héros grecs,
Orphée, Ulysse, Agamemnon passèrent pour y être initiés. Au temps de la guerre du Péloponèse,
on voit par une allusion d'Aristophane qu'ils devaient être en pleine célébrité. Mais leur plus
grand éclat paraît avoir été à l'époque macédonienne. C'est à Samothrace, où il était venu se
faire initier aux mystères, que Philippe rencontra Olympias encore enfant et en devint épris. La
naissance d'Alexandre le Grand peut ainsi se rattacher en quelque sorte aux rites des Cabires.
Notons, en passant, que les femmes et les enfants étaient admis à l'initiation de Samothrace.
L'un des temples dont nous avons parlé portait le nom d'Arsinoé, princesse égyptienne à qui est
attribuée sa fondation 3. Fille de Ptolémée Ier, elle avait cherché à Samothrace contre Ptolémée
Ceraunos, qui avait égorgé ses enfants, un asile interdit aux meurtriers. Un autre temple est dit
Temple de Ptolémée. C'est à Samothrace que se réfugia le dernier roi de Macédoine, Persée,
après sa défaite par les Romains. On a remarqué aussi que les poètes et les mythographes, qui
ont parlé avec le plus de détails de Samothrace et des Cabires, appartiennent à l'époque
macédonienne et alexandrine.

III

Ainsi que je l'ai dit, le petit édifice où fut trouvée la Victoire était situé au sud-ouest des
temples de Samothrace; il s'élevait à cent mètres environ au-dessus du niveau de la mer, en haut
de la vallée sur le versant droit de laquelle sont les ruines de ces temples. Cette vallée
descendant en ligne à peu près droite jusqu'au port antique, la statue, qui faisait face au
nord-nord-est, pouvait être aperçue de loin par les pèlerins que les navires amenaient dans l'île *.
Elle apparaissait à leurs yeux debout sur sa galère de marbre, comme une messagère des Grands
Dieux, annonçant aux étrangers la gloire de ces dieux et celle de leurs temples.

La statue, avec son piédestal en forme d'avant de galère, était renfermée dans une enceinte
à trois côtés, ouverte au nord, et close par des murs en pierre calcaire dont la hauteur, selon
M. Champoiseau, pouvait être d'un ou de deux mètres. Cette enceinte, au-dessus de laquelle
s'élevait la figure colossale5 agitant ses ailes dans l'espace, avait été faite sans doute pour

1. Sur les Cabires, voir l'article très complet de M. François Lenormant dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines de Saglio.
5° fascicule.

2. Rossignol. Les Métaux dans l'antiquité. Paris, 186;, p. ijj et suiv.

}. D'après une inscription rapportée par M. G. Deville, lieu cité, p. 262.

4. Champoiseau. Rapport manuscrit.

5. La statue mutilée a encore deux mètres de hauteur jusqu'à la naissance des seins. Les ailes ont 1 mètre 28 centimètres.
 
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