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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Audebrand, Philibert: Petits mémoires du XIXé siècle: Prosper Mérimée & le Bacchus antique
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0197

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PROSPER MÉRIMÉE ET LE BACCHUS ANTIQUE. 147

de là, et dans lequel, comme on le sait, vivait le roi et où il devait, un jour, tourmenté par le
dauphin, son fils, par Louis XI révolté, se laisser mourir de faim. Mais, avant que ne s'accomplît
ce drame, il y passa un certain nombre d'années et, en même temps, celle qu'on appelait la
Dame de Beauté résidait à Bois-sire-amé. Étant ainsi séparés l'un de l'autre par un assez long
ruban de chemin, mais ne voulant pas cesser de s'aimer, ils avaient trouvé un ingénieux moyen
de se communiquer leurs pensées. Tous les soirs, la nuit venue, le roi montait à la tour de son
château en y tenant à la main un flambeau allumé et, à la même heure, Agnès Sorel apparaissait
de même, aussi avec un flambeau, au sommet de sa résidence. Ce rendez-vous était leur manière
de se souhaiter le bonsoir. — Que direz-vous de ces façons qui étaient encore un écho de la
chevalerie française ? Pensez-vous que, de nos jours, on ne rirait pas de deux soupirants qui
useraient de ce jeu naïf?

Nos lecteurs ne m'en voudront pas, j'espère, de m1 être attardé à ces récits d'autrefois, mais,
puisque j'ai à parler d'un épisode qui s'est
passé dans ces contrées, il fallait bien
ouvrir une parenthèse qui fît connaître
un peu ce pays, son décor, son personnel
et ses légendes. Ainsi, nous voilà dans
les environs de Bourges. Pour aller au-
devant du sujet qui m'occupe, une histoire
plus moderne, il y a à descendre dans la
vallée du Cher, en inclinant seulement
vers le Bourbonnais et l'Auvergne. Nous
sommes, dès lors, tout à fait dans le
centre de la France. On s'est éloigné
de l'infertile Sologne; on a dépassé la
vieille capitale des Gaules. Vous devez
savoir que cette vieille cité de Bourges a
cessé d'être une ville enveloppée dans les
ombres du Moyen-Age, une aggloméra-
tion de prêtres et de magistrats, unique-
ment visitée par l'étranger pour son
admirable cathédrale et pour le curieux
palais de Jacques Cœur. Non, un souffle
des temps modernes a tout à coup rajeuni
ce chef-lieu de la plus endormie de nos
provinces. Pour les besoins de la défense
nationale, le gouvernement de Louis-Phi-
lippe, d'abord, celui de Napoléon III, ensuite, ont établi par là une École d'artillerie et un
grand atelier de pyrotechnie. Nul endroit n'était mieux fait pour qu'on y plaçât une fonderie
de canons, puisqu'on est à quatre cents kilomètres au moins de toutes les frontières. Ainsi,
c'est le Lemnos où la France forge ses foudres. De cette organisation nouvelle, du va-et-vient
de tant d'ingénieurs, d'officiers, de soldats, d'hommes d'élite, de jeunes hommes actifs, il résulte
un mouvement qui en a fait une ville nouvelle, désormais pleine de bruit et d'agitations géné-
reuses.

— A la bonne heure, disent les savants, mais ce n'est plus la ville du silence et de l'étude,
du recueillement et de l'art, ce qu'elle était encore il y a cinquante ans.

Il y a cinquante ans, un jour, sous le ministère du comte Molé, on aurait pu voir un Pari-
sien de marque arriver à Bourges par la diligence, car, à cette époque, il n'y avait pas encore
de chemin de fer. C'était un homme de haute taille, un peu maigre, bien rasé, les yeux vifs, la
figure sardonique. Il était mis assez correctement, mais sans aucune recherche. N'ayant avec lui
ni valet, ni suivant, il portait lui-même sa valise. Pour cette raison, sans doute, on le prenait
 
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