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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Audebrand, Philibert: Petits mémoires du XIXé siècle: Prosper Mérimée & le Bacchus antique
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Courrier musical
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0208

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i58

L'ART.

— La statue, mon bon monsieur? repartit le roulant en lui montrant à ses pieds un amas
de petits objets luisants, tenez, la voilà. Je viens d'en faire quatre douzaines de cuillères à soupe.

Rien de plus vrai. Bacchus, le divin fils de Celui qui l'avait conservé dans sa cuisse,
Bacchus avait été brisé, fondu et métamorphosé en ustensiles de ménage. Un dieu changé en
cuillères !

A ce spectacle, Prosper Mérimée était littéralement atterré. Jamais il n'aurait osé croire que
tant de profanation mêlée à tant de bêtise fût chose possible. Et puis, bientôt, le sceptique
reparut et il s'écria :

■—■ Au fait, il ne se passe ici-bas que des scènes propres à faire rire.

Le lendemain, il partit pour l'Auvergne et revint ensuite à Paris, où il nous raconta ce
curieux épisode de son voyage.

Philibert Audebrand.

Opéra. Déidamie. Débuts dans la Valkyrie. — Opkra-
Comique : Madame Rose et le Dîner de Pierrot. — Un
prince-compositeur et un opéra d'il y a trente ans.

.De la valeur du mot : Irrévocablement, dans les affiches
et les annonces de théâtre. « On presse les répétitions de
Déidamie, disait une note émanant de la direction de
l'Opéra en février dernier; la première représentation est
irrévocablement fixée au lundi 6 mars. » Et cet opéra vient
seulement de se jouer le i5 septembre. Après combien de
péripéties, bon Dieu, et d'atermoiements, qui firent penser
que cette partition n'arriverait jamais à la rampe et que
les directeurs nourrissaient le secret désir de s'en débar-
rasser sans la jouer ! A combien de chanteuses le principal
rôle ne fut-il pas distribué, pour le plus grand contente-
ment des auteurs, disaient les notes envoyées aux jour-
naux, puis retiré sans qu'on sût jamais pourquoi! L'ou-
vrage arriva même à la veille de la répétition générale, en
mars, avec une demoiselle Wyns, dont on disait mer-
veille, et qui quitta l'Opéra sans y-avoir débuté; puis on
parla vaguement de Mlle Domenech, on désigna formelle-
ment MUe Berthet; on se jeta finalement sur Mllc Chré-
tien, après que celle-ci eut fait un début presque brillant
dans Robert le Diable. Et les auteurs, cette fois, crurent
vraiment avoir trouvé la pie au nid.

M1Ie Chrétien, par malheur, n'a pas tenu tout ce qu'on
pouvait attendre d'elle dans un rôle d'ailleurs très médiocre,
où elle crie beaucoup, prononce mal et se débat contre
une musique essentiellement commune et ampoulée.
Est-ce à dire que les auteurs seraient bien venus à
s'en prendre à leur interprète de l'insuccès de leur
ouvrage? En aucune façon, car nul artiste, homme ou

femme, n'aurait tiré meilleur parti de ces mélodies
rebattues, de ces phrases cent fois entendues, où l'emphase
le dispute à la vulgarité. M. Maréchal, qui n'a encore
donné au théâtre que les Amoureux de Catherine, une
gracieuse idylle alsacienne, et la Taverne des Trabans, une
lourde goinfrerie alsacienne qui n'eut pas, tant s'en faut,
le même succès que son premier ouvrage, est un de ces
compositeurs qui prétendent frayer avec toutes les écoles,
admirer également tous les compositeurs, même ceux de
troisième ordre; écrire des ouvrages qui concilient les pré-
férences de tout le monde, et qui, dans le fond, n'ont
aucun caractère, aucun fonds d'idées personnelles, vivent
sur les idées d'autrui qui leur sont restées dans l'oreille,
et n'ont, en définitive, d'opinion arrêtée que sur ou plutôt
contre les créateurs d'un génie hors ligne. Encore
n'osent-ils pas l'affirmer hautement et cherchent-ils à les
atteindre en dessous, sans proclamer nettement leur hos-
tilité : c'est ainsi qu'agit M. Maréchal, lors des discussions
qui s'élevèrent dans la presse et dans le monde musical
avant lu représentation de Lohengrin.

Il a voulu, dit-il, écrire un opéra « centre gauche »
ou encore « juste milieu » avec Déidamie et ce seul mot
suffit à le condamner. Il n'y a pas de juste milieu en art
et celui qui cherche, en musique, à concilier les opinions
les plus divergentes n'a sûrement pas un talent original,
il n'a que du métier et de la mémoire. Autrement, il irait
courageusement de l'avant dans le sens de ses convictions
ou de ses préférences et se blouserait ou réussirait com-
plètement; mais une œuvre de conciliation musicale n'a
pas de raison d'être, à notre époque moins qu'à toute
autre. Il faut d'ailleurs entendre par « œuvre de concilia-
tion » une partition absolument rétrograde, où l'auteur,
 
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