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La chronique des arts et de la curiosité — 1903

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Nr. 37 (28 Novembre)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19758#0327
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ET DE LA CURIOSITÉ

315

]es Lévêque La Séance du Beau, il convient d'op-
poser l'opuscule singulièrement hardi, neuf et con-
vaincant de Pierre Lafûtte, Le « Faust » de Gœthe,
qui contient la t'iéorie nouvelle et scientifique de
l'art.

M. Alphonse Germain répugne, par éducation, à
tout ce qui porte l'étiquette de scientifique, mais il
est un scientifique à sa manière. Son dernier livre:
Le Sentiment de VArt et sa formation par
l'étude des œuvres, le filierait presque avec les
positivistes, dont il doit avoir la doctrine en grande
horreur. M. Alphonse Germain ne rêve, comme
Jules Renouvier et quelques auteurs mystiques,
à une union pissible de la relativité d'Auguste
Comte avec l'absolutisme catholique, car je note
que les Annales de Philosophie chrétienne, où
paru en chapitres l'ouvrage dont nous nous
occupons, publiait, en même temps, un exposé
sommaire, mais très suffisant, du positivisme, sous
la signature d'un positiviste notoire, M. Antoine
Baumann. N'est-ce pas mettre la dynamite dans

les fondations du temple ?.....

Si je juge M. Alph. Germain un scientifique,
c'est qu'avant toute chose, il préconise la re-
cherche des lois. Or, la science n'a point d'autre
but : découvrir les lois naturelles ou sociales et les
appliquer à « l'amélioration matérielle et morale
de l'individu et de l'espèce. » J'emploie, à dessein
cette formule de Proud'hon dans sa définition de
l'œuvre d'art, pour bien établir que tout se tient et
qu'il n'y a pas une faculté différente pour la
production de l'œuvre artistique et pour celle
d'une œuvre quelconque. A tous nos actes il
n'y a qu'une origine : nous-mêm=s, et les lois
qui interviennent ici interviendront là. M. Al-
phonse Germain le constate dans sa préface : « Il
importe de rappeler les artistes au respect des
principes immuables, à la nécessité des études ap-
profondies, à l'importance des hautes questions
d'art, d'expliquer les lois sans lesquelles aucune
harmonie ne peat être réalisée dans une œuvre, et
de montrer que ces mêmes lois, constituant la base
de toute culture du goût, sont d'un intérêt géné-
ral... Tout obéit à des lois, les arts comme la
nature, comme les mondes; cela se passe de dé-
monstration. »

C'est, toutefois, à celte démonstration que
M. Alph. Germain s'emploie pendant près de 400
pages. Il le fait avec une étonnante connaissance
des œuvres de tous les temps et de tous les lieux,
et avec une rare indépendance de jugement. Par-
tout, on même temps qu'il expose, il apprécie;
souvent des remarques profondes jaillissent de sa
plume. En veut on des exemples? « Par classique,
il faut entendre, avant tout, le respect des lois par
lesquelles s'obtient l'harmonie, et de la tradition,
correspondant aux aspirations de la race à la-
quelle on appartient (p.- ; G.) Être moderne, cela
ne consiste pas seulement à représenter des gens
de notre époque... On peut être conventionnel en
brossant des frocs et des blouses... Être de son
temps, c'est, avant tout, interpréter les éternels
concepts, en évitant toute ressemblance, non pas
toute liaison, avec les maîtres du passé (p. 86).
Tout ce qui est humain, revivant sans cesse dans
l'humanité, l artse reluit à discerner cet humain
qui ne meurt jamais (p. 103). » Et cette distinc-
tion, très observée, entre ce qui est beau et ce qui
est artiste : « Il ne faut pas confondre le beau
avec ce mystère que dégagent les œuvres des vrais

artistes et qu'il vaudrait mieux appeler l'indicible.
La beauté implique le choix, l'ordre et l'arrange-
ment. Or, une scène aux personnages dispossé
sans goût, une tète aux traits inharmoniques, un
paysage aux lignes désordonnées peuvent, grâce à
line interprétation artiste, dégager de l'indicible.
Cet indicible n'est autre que le rayonnement du
moi de l'artiste (p. 318). »

Au nom de ce beau qu'il définit par les lois qu'il
dégage, M. Alph. Germain condamne bien des
choses, bien des tendances : le néo-mysticisme pré-
sent, le symbolisme et l'ensemble des arts de l'ex-
trême-0 rient, l'art indou, parce qu'il manque de
mesure, d'ordre et de goût, l'art chinois et l'art
japonais, « qui montrent en quel état d'infériorité
restent les sculpteurs et les peintres qui n'appro-
fondissent ni l'étude du corps humain, ni celle de
la nature et s'en tiennent à un dessin sommaire, à
l'à-peu près dans leurs interprétations, insoucieux
de construire des formes selon la réalité sensi-
ble. » On voit que l'auteur ne s'appuie pas sur la
mode pour formuler ses jugements.

Ce livre est un bon livre. Il est pensé, il est
savant, il est écrit. L'Académie française vient de
lui décerner une juste récompense.

Quelques vétilles, dues à l'excès d'un zèle dicté
par les ferventes convictions religieuses de l'au-
teur, n'enlèvent rien au mérite d'un ouvrage qui
vaudra peu comme homélie, mais davantage comme
marquant une étape entre la vieille conception phi-
losophique de l'art et la future esthétique expé-
rimentale. On n'oubliera pas alors que M. Alph.
Germain, suivant la voie tracée par Charles Blanc,
a rappelé ou posé d'utiles principes, et, qu'il le
veuille ou non, on l'enrégimentera parmi les hom-
mes de progrès auxquels nous devons quelque
reconnaissance, pour la constance de leur effort et
la hauteur de leur but.

Clément-Janin.

NÉCROLOGIE

Nous avons le vif regret d'apprendre la mort de
notre savant collaborateur Edmond-Auguste
Bonnaffé, décédé à Paris le 23 novembre, dans sa
soixante-dix-huitième année.

Edmond Bonnaffé avait commencé par être em-
ployé à la Compagnie do l'Ouest, puis avait aban-
donné l'administration des chemins de fer pour
s'adonner aux belles-lettres et à l'histoire de l'art.

Ses études sur Les Co'lectionneurs de l'an-
cienne France, notamment sur Le Surintendant
Foucquet (publiées dans la Gazette des Beaux-Arts
en 1832), son Dictionnaire des Amateurs français
au dix-septième siècle, et son ouvrage sur Le
Meuble en France au seizième siècle (parus éga-
lement chez nous de 1885 à 1887), comptent parmi
les bonnes contributions à l'histoire de l'art et lui
valurent, avec les récompenses de l'Institut, la
croix de chevalier de la Légion d'honneur.

11 a donné clans notre Gazette des Beaux-Arts,
outre les travaux que nous venons do signaler, de
nombreuses études, parmi lesquelles nous cite-
rons Paradoxes : les collectionneurs, le confort,
la contrefaçon (1872-1874); Un Musée à créer
(1879), article où Bonnaffé émettait le premier
l'idée, réalisée depuis 1001, — d'un musée du Mo-
bilier français au Louvre; Physiologie du curieux
 
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