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La chronique des arts et de la curiosité — 1907

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Nr. 2 (12 Janvier)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19764#0023
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ET DE LA CURIOSITE

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contre-point, telles que les associations de motifs et
les imitations, seront bannies comme suspectes de
pédantisme. Quant à l'orchestre, il sera traité de
manière à bien sonner, ou tout au moins à sonner
fort, sans la moindre intention expressive ou
pittoresque. Et, sans doute, on me dira que la
première condition, pour que la musique soit
plaisante, c’est que le chant soit agréable et l’or-
chestre clair. J’en conviens, mais ce n’est là que la
première condition ; ces premiers éléments, ces
atomes musicaux doivent être reliés entre eux,
disposés, organisés par une pensée qui les domine.
Le chant pour le chant, et le son pour le son, voilà
toute l’esthétique des Italiens modernes : c’est, on
le voit, un véritable matérialisme musical.

Cependant, l’ouvrage de M. Puccini, si indiffé-
rents qu’il nous laisse, se recommande par des
qualités assez honorables. L’orchestration a un
éclat soutenu qui fatigue, mais cet éclat n’est pas
brutal; l'harmonie, très simple, essaye du moins
de voiler sa simplicité par certains artifices de réa-
lisation; la mélodie, enfin, toute monotone, n’a pas
cette honteuse mollesse si fréquente en d’autres
œuvres de la même école : les accents, qui n’en
sont point neufs, sont du moins assez fermes et
dénotent chez l’auteur une conviction qui impose
le respect. L’œuvre inspire des regrets: caron sent
qu’elle eût été beaucoup meilleure si M. Puccini
avait un peu mieux cultivé et développé ses dons
naturels.

Le sujet est une .assez plate transcription de
Madame Chrysanthème. Le nom franco-anglais de
Madame Butterfly est, en effet, celui d’une geisha
japonaise: un lieutenant de vaisseau américain,
nommé Pinkerton, l’épouse, puis l’abandonne et ne
revient que pour chercher l’enfant de ces noces
éphémères; c’est même sa femme qu’il charge, très
délicatement, de cette mission. La Japonaise est
restée fidèle, elle n’a rien voulu croire des avis que
lui prodigue le consul des États-Unis, un certain
Sharpless; mais à ce dernier coup ses yeux s’ou-
vrent enfin: elle cède l’enfant et accomplit derrière
un paravent de miséricorde le harakiri des ancê-
tres. C’est, on le voit, un mélodrame d’invention
très gauche, mais assez fertile en romances, duos
et lamentations : tout ce que peut demander un
musicien assez peu soucieux de la vérité des carac-
tères ou de la vraisemblance des événements. Quant
à la couleur locale, il ne la faut chercher ni dans
la creuse rhétorique des librettistes (que M. Paul
Ferrier transcrit, je ne sais pourquoi, en vers fu-
nambulesques), ni dans la musique de M. Puccini,
car* deux ou trois motifs conçus selon la gamme
défective des Chinois, mais accompagnés de l'har-
monie la plus classique, montrent seulement à
quel point M. Puccini est insensible au charme de
la musique d’Extrême-Orient.

Mais par bonheur M. Carré, le grand magicien
de la scène, nous restitue toute la délicate et gra-
cieuse poésie qu’un sujet japonais appelle, et que
les auteurs n’avaient pas su nous donner. Le titre
de l’ouvrage parle une sorte de sabir franco anglais
qui n’a cours, je crois, dans aucun pays du monde ;
mais le rideau parle japonais et évoque, en trois
caractères, l’image du Papillon humain. Les décors
sont à l’avenant : mer grise, pêcher en fleurs, por-
tique rouge sang, perron de bois de la petite maison
perchée au sommet do la colline, voilà de quoi nous
consoler de la fugue d’école qui sert d’ouverture et
par où M, Puccini a prétendu nous jeter d’emblée

en plein rêve japonais. Et les deux actes suivants
nous font voir la chambre aux panneaux de papier
huilé qui glissent et s’ouvrent sur un jardin où
neigent les pétales des arbres en fleurs. Tout cela
est fort joli, et plus exact encore que joli: un peu
minutieux peut-être, et sans composition ; trop de
détails et pas d’ensemble. La mise en scène est bien
supérieure au décor : il faut voir, au premier acte,
les prosternements des servantes devant le maître
du logis, puis l’arrivée des jeunes filles et leurs
révérences d’une gravité un peu comique. IL est
vraiment dommage que l’entrée d’un vieux bonze
d’opéra vienne troubler cette gracieuse fête et nous
ramener en pleine convention. Mme Marguerite
Carré arrive, avec des moyens physiques exacte-
ment contraires à ce qu’il faudrait, à réaliser assez
bien la mièvrerie nipponne ; M1U Lamare, qui joue
la suivante, a une grâce souffreteuse qui est jolie ;
et M. Cazeneuve, dans le rôle d’un louche négo-
ciateur, a la laideur la plus pittoresque et des
contorsions de vieux bronze chinois. Les rôles
européens sont beaucoup moins favorables aux
acteurs ; M. Jean Perier n’en mérite que plus
d’éloges pour avoir su donner une si noble froideur
et une tendresse secrète au malencontreux consul
d’Amérique. Gomme dans l’Enfant-Roi, comme
dans Miarka, le talent de l’acteur crée réellement, à
lui seul, fout le personnage. M. Ed. Clément n’a
pas eu ce bonheur et le lieutenant de vaisseau
Pinkerton n’est ici qu’un ténor, d’ailleurs agréable.
Somme toute, on peut dire que la nouvelle pièce a
été l'occasion pour la musique italienne d’une
défaite de plus, pour M. Giacomo Puccini d’un
succès d’estime, et pour M. Carré d’un grand
succès personnel.

Louis Laloy.

REVUE DES REVUES

O Mercure de France (1er janvier). — M. Ar-
nold van Gennep consacre un article très intéres-
sant au nouveau Musée ethnographique de Cologne,
construit aux frais d’une famille patricienne de
Cologne, la famille Piautenstrauch, et inauguré le
12 novembre dernier. Il en décrit en détail l’amé-
nagement,* admirablement bien compris et qui fait
de ce nouveau musée, même en Allemagne où exis-
tent déjà tant de musées excellents, un établisse-
ment modèle et a le meilleur musée ethnographique
de l’Europe, Grande-Bretagne comprise ».

V Le Mois littéraire et pittoresque (dé-
cembre 1906). — Une famille de peintres au
xviue siècle : les Droaais, par M. Jacques Hé-
rissay (10 reprod. d’œuvres).

(Janvier 1907).-— Articles deM. E. Chartrairesur
le tombeau du Dauphin, fils de Louis XV, par Guil-
laume Coustou, à la'cathédrale de Sens (14 ill.) ; —
et de M. Armand Ravelet sur la pittoresque petite
ville de Cordes, près d’Albi, et ses nombreux ves-
tiges du Moyen âge (13 phot. et 1 plan).

-f- Images du Musée alsacien (1906, 6e fasc.).
— Procession de la Fête-Dieu à Geispolsheim ; —
Fauteuils alsaciens de style Renaissance', — Porte
d'une ferme à Ringendorf ; — Bagues et alliances
paysannes, planche en couleurs.
 
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