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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1833 (Nr. 113-164)

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Numéro 128 (18 Avril 1833)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26557#0099

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1021

LA CARICATURE.

1022

Ploitd)e0.

EXPLICATION

DE U GRANDE MÉNAGERIE ROYALE

DF. TRÈS-HAUT, TRÈS-I>UISSANT, TRES-EXCELLENT, TUÈS-ASSASSINÉ

ET

PRESQUE TÉMÉRAIRE LOUIS-PHILIPPE Ier,

ROI DES FRANÇAIS ET MEMBRE DE LA LÉGION-D'’lIONNEUR ,

SOtlR SERVIR DE SUPPLÉMENT A L’HISTOIRE NATURELLE DU CÉLÈBRE
MONSIEUR DE BUFFON.

Hé dzinngg ! hé baonddl hé dzinngg l dzinnggl dzinngg !.... Hé
baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baondd !

Entrez, messieurs et dames, entrez! Voici l’instant, voilà le mo-
ment. Vous y verrez la grande ménagerie de Sa Majesté des Français,
Tun des plus puissans monarques de la terre, et que ses exploits en-
vers la patrie ont mérité d’être nommé chevalier de la Légion-d’Hon-
neur. C'est bien fait ! C’est la seule et unique de son espèce qui voyage
en Europe, s’il faut en croire les personnes qui ont parcouru les qua-
tre parties du monde. Je parle de la ménagerie. « x\Iais, dira-t-on,
« toi qui nous vantes ici ta ménagerie, combien nous prendras-tu
« pour jouir de la vue de tes bêtes féroces? » Combien, messieurs?...
J’ai bonté de vous le dire!... Partout, dans toutes les capitales de
l'univers , et même sous sa majesté Charles X , qui a été destitué pour
des motifs particuliers , cela n’a jamais coûté que neuf cent millions,
plus ou moins ; mais jaloux de captiver vos suffrages et de mettre mes
animaux à la portée de toutes les bourses, nous avons baissé le prix
des places, à combien?... A dix-huit cent millions, ce qui est une
simple bagatelle dans un gouvernement à bon marché. Entrez donc ,
messieurs et mesdames, entrez, avant que la vue n’en renchérisse,
atteudu que la ménagerie s’embellit chaque jour de quelque nouvelle
bête, et que des animaux pareils, ça coûte cher à nourrir. Entrez. Il
faudrait ne pas avoir dix-huit cent millions dans sa poche , pour ne
point s’en passer la fantaisie. Entrez donc, suivez la foule. Voici l’ins-
tant, voilà le moment. Ou ne paie qu’en entrant. Les petits eufans'
paient comme les grands. En avant, la musique!

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl. Hé

baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonnddl

L’explication va commencer. — Ceci, messieurs, vous représente
le grand Bartolus Caméléo , que les naturalistes ont rangé dans la
classe des Caméléons, à cause de sa grande facilité à changer de cou-
leur suivant la circonstance; et certains autres, dans la famille des
Butors, à cause de son caractère brutal et insolent. Il est de fait que
cet animal change de couleur comme une personne naturelle peut
changer de chemise, c’est-à-dire quand il a suffisamment sali la der-
nière qu’il avait prise. Du reste, c’est une créature fort dégoûtante à
voir, à cause de son regard louche et de ses formes boursoufflées. Son
cri ressemble au beuglement du taureau. La nature ne l'a pas doué
non plus d’une grande intelligence ; au contraire ; et tout ce qu’il sait
faire, c’est de se vautrer au pied de son maître, non point par affection,
mais pour en obtenir quelques faveurs. Cet animal est très-vorace.

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl.Hé

baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonddl

— Celui-ci vous représente le grand serpent Débat, qui n’a rien de
commun avec le grand Devin, et l’un des reptiles les plus venimeux
de la famille des journalistes ministériels. Cet animal, dont la nature
invariable est de ramper et de mordre, ne se nourrit que de subven-
tions, et habite depuis trente ans les crevasses des antichambres des
Tuileries. Sa gueule distille un venin très-subtil, qui toutefois n’est
pas mortel. Il a mordu, et il mord continuellement tout ce que la France
patriote a d’hommes honorables; mais on n’y prend plus garde.
Il est, d’ailleurs, très-facile de s’en garantir, et de le réduire à l’im-
puissance de nuire, en lui écrasant la tête d’un simple coup de talon
de botte.

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl.... Hé
baondd ! hé dzinngg l hé baondd ! baondd ! baondd !

— Celui-là vous représente le grand Cayman ou Crocodile, que les
naturalistes français ont surnommé le maréchal Dalmaticus. La na-
ture , qui s’est plue à le rendre hideux , ne lui a donné qu’un appétit
d’argent et une soif d’honneurs à lui faire fout braver pour les as-
souvir. Aussi, met-il sa griffe partout, cette griffe immonde d’où l’on
ne peut plus rien arracher qu’avec la vie. Les naturalistes français
ont observé qu’il avait un goût fort singulier pour les pots de vin, que
son gosier insatiable engloutit avidement toutes les fois qu’il en trouve
l’occasion. Du reste, la nature l’ayant conformé de manière à ce qu’il
se traînât et rampât , il n’y a rien détonnant à ce qu’il ait fait un
chemin si rapide.

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl..... Hé
baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonddl

— Ceci vous représente le grand Flascopsaro, que les naturalistes
modernes ont surnommé le Siephanus , autrement dit en langue
française, I’Étienne; poisson qui n’a rien de remarquable que son
obésité, sa nature flasque, insipide et indigeste, et surtout sa mer-
veilleuse adresse à nager entre deux eaux. C’est de la graisse de cet
animal que l’on tire l’empois dont se servent les blanchisseuses.

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinngg !... Hé
baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonddl

— Ceci vous représente 1 e petit Tiercelet, animal volant qui tient
tout à la fois de Y oiseau-mouche par sa petitesse, et du Tiercelet par
son naturel vorace. Cette petite bête ne manque pas d’intelligence,
mais elle fait entendre continuellement une espèce de caquetage mo-
notone qui fatigue et endort. Du reste, les naturalistes français l’a-
vaient cru jusqu’à présent d humeur sauvage et indépendante, mais
c’était une erreur ; et S. M. Louis-Philippe I" a prouvé qu’il était facile
de l’apprivoiser au moyen de quelques douceurs.

Hé dzinnggl hé baonddl he dzinnggl dzinnggl dzinnggl... Hé
baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonddl

—Celui-ci vous représente leCHONAiKus, surnommé le Tétardvineux,
à cause de ses goûts bachiques. Effectivement, cet animal, messieurs,
ne se trouve guère qu à la Courtille, ou bien dans les caves, au fond
des tonneaux en vidange, au milieu de la lie, dans laquelle il se plaît
à barbotter et dont il fait sa nourriture habituelle. Cet animal mange
peu, mais, en revanche, il boit beaucoup. — Cet autre plus petit,
messieurs, vous représente Yoiseau-jaseur, surnommé le Staiislicus,
à cause de son donnante aptitude a savoir calculer jusqu’à deux fois
deux font quatre. Ce volatile est extrêmement bavard , mais son chant
est complètement insignifiant. Sa plus grande qualité, c’est une vo-
racité qui l’a fait ranger dans la famille des oiseaux de proie, et qui
le met à même, quoique parfaitement repu, de ne jamais refuser au-
cune nourriture, et de cumuler jusqu’à treize repas dans son insatia-
ble estomac.

Hé dzinnggl he baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl.... Hé
baonddl hé dzinnggl hé baonddl baonddl baonddl

—Et maintenant, ceci vous représente_Mais, avantde vous mon-

trer celui-là, est-il, dans l’honorable société, quelques femmes en-
ceintes?. Ce n’est point par indiscrétion que je me permets de

vous adresser cette question; cest par prudence. L’animal que je vais
avoir l’honneur de vous expliquer est si monstrueux, si hideux, si
dégoûtant à voir, qu il pourrait y avoir danger pour les personnes du
sexe. S’il y en a , je les conjure de se boucher les yeux ; elles pour-
ront les rouvrir ensuite. Or donc, ceci vous représente le gros Lan-
celot aquatique, de la famille des crapauds ; monstre amphibie, qui
vit indifféremment sur la terre et sur fonde, et qui a reçu le nom de
Ijancelot de la faculté qu’il possède de lancer des filets d’eau à ses
ennemis, comme pourrait le faire un clysoir.

Hé dzinnggl hé baonddl hé dzinnggl dzinnggl dzinnggl.... Lié
baondd ! hé dzinngg ! hé baondd ! baondd ! baondd !

— Et maintenant, ceci vous représente VOrpheus (Orphée), sur-
nommé le vieux-niais , à cause de sa stupidité. Une des singularités de
ce volatile, c’est qu’il a la queue en forme de lyre harmonieuse. Mais
son ramage ne répond guère à son plumage. Les sons qu’il tire de
son gosier sont durs, rauques, raboteux, scians, en un mot, ce que
l’on a appelé abracadabrant. C’est en vain qu’on a voulu perfection-
ner son intelligence par l’éducation; il répète assez bien ce qu’on lui
apprend sur la serinette ministérielle, et notamment ces mots : « la
« légalité nous tue; il nous faut une clé d'or pour ouvrir toutes les
« consciences ; etc. » mais il fait cela sottement, car ila toujours été sot,
et c’est sous ce rapport surtout qu’on peut dire avec M. Viennet le poète,
qu’il n’a jamais changé. Du reste, il est très-facile de se garantir de cet
animal, messieurs. Il suffit, pour le mettre en fuite, de prendre
quelques chaudrons, quelques pelles, casseroles et léche-frites, et de
 
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