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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1833 (Nr. 113-164)

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Numéro 159 (21 Novembre 1833)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26557#0280

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4' ANNÉE,

Numéro 159.

Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé, franco,
à M. Louis Desnoyers {Uerci/le), Rédacteur en chef,
au Bureau de la Caricature, galerie "Vero-Dodat. —
Tout ce qui a rapport aux dessins doit être adressé à

M. Cii. Philipo.v.

21 NOVEMBRE. 1833*

Les réclamations, abonnemens et envois d’argent doivent
être adressés, franco ; à M. Cir. Phieipon, directeur
du journal , au Bureau de la Caricature , galerie Véro-
Dodat, au-dessus du grand Magasin de Lithographies
d’Aluert.

CASTIGAT R1DEN 1)0 MORES.

POLITIQUE, MORALE, LITTÉRAIRE ET SCÉNIQUE.


LA REDINGOTE ET LE MANTEAU.

Aux premiers jours d’août, la royauté-citoyenne n’avait qu’une
simple redingote. Elle courait tout Paris avec cetie redingote.
C’était cette redingote qu’étreignaient les doigts noirs des ouvriers
que ladite royauté fait aujourd'hui jeter, par centaines, dans ses pri-
sons. « J’ai vu la royauté rue Cassette, disait l’un; elle était en redin-
gote.—Je l’ai vue rue de la Harpe, disait l’autre, en redingote aussi.
— Tiens, clamait un troisième, je viens de la rencontrer au marché
deslnnocens, oùsque jeli ai serré la main; elle avait pareillement une
redingote , à preuve que j’en aurais pas donné trois sous au mar-
chand d’habits. » C’était toujours la même redingote.

Cette redingote-là ne contribua pas pour peu de chose à la po-
pularité de la royauté citoyenne. Le peuple était heureux et content
de voir une royauté qui se promenait dans les carrefours , vêtue
d’une simple redingote. Il se croyait son égal, parce qu’elle n’était
as mieux vêtue que lui. Que dis-je ? comme la redingote royale était
eaucoup plus râpée que les redingotes populaires, le peuple voyait,
en quelque sorte, dans cette différence, une application du prin-
cipe de sa propre souveraineté.

Aussi, la royauté-citoyenne pouvait-elle bien dire de sa redin-
gote, comme le chansonnier :

« Oh ! mon habit, que je te remercie ! «

Plus la redingote voyait s’affaiblir son tissu, plus le nouvel ordre
de Chose s’affermissait. Chaque pièce ajoutée à la redingote était une
cale de plus au trône naissant. La jeune royauté gagnait d’autant
plus dans notre estime, que sa redingote perdait davantage dans
celle des fripiers. Bref, la dynastie se consolidait à mesure que sa re-
dingote se rapait et se détériorait.

Cet heureux temps ne fut point de longue durée ; non pas que la
redingote, devenue trop crasseuse, fut suspendue au crochet, comme
un meuble désormais inutile, après la popularité faite. La royauté-
citoyenne ne suspend rien, si ce n’est l’exécution de la charte, au
moyen de l’état de siège. La redingote resta , comme elle reste en-
core. Mais, au lieu de prolétaires, entourée d’héraulls, de menins,
de porte-queues, de porie-cotons, elle ne fut plus l’emblème de
cette simplicité bourgeoise qui avait rallié tant de cœurs à la royauté
citoyenne. Celte même redingote, qui faisait dire en i83o: « Est-elle
bon enfant! » fait dire en i833 : « Est-elle terne! » C’est qu’alors
on ne voyait que son humilité patriarcale, tandis qu’aujourd’hui on
ne peut voir que ses fissures et ses rapièeerics.

Maintenant qu’il ne reste plus rien de 1830, il est rationel que la re-
dingote disparaisse à son tour. D’un bourgeois on a fait un roi, et
la royauté est restée bourgeoise tout juste le temps d’user se*

vieilles nipes ; après quoi, le bourgeois est redevenu roi, roi tout à
fait, roi des pieds à la tête, roi à l’extérieur comme à l’intérieur.

Ainsi en adviendra-t-il pour tout ce qui tient de près ou de loin
à i83o, au sein de la cour.

Le prince Rosolin, par exemple, qui montait sa garde en qualité
de simple artilleur, et mangeait à la gamelle avec ses chers cama-
rades, le prince Rosolin s’intitule maintenant dans VAlmanach
myaZ:«R.osolin-Ferdinand-Philippe-Loms Charles-Ilenri-Joseph d’Or-
léans, duc d’Orléans, prince royal, monseigneur et altesse royale,
général de cavalerie, grand-croix de laLégion-d’Honneur, pair de
France non siégeant, président d’honneur de la société de statistique,
et protecteur de la Bourse. »

Mais ne parlons que de la redingote.

La redingote nesera plus désormais l’emblème du pouvoir citoyen.
Elle pourra bien continuer à servir de négligé pour les promenades
matinales de la royauté ; mais elle cessera d’être le costume quasi-
ofliciel du chef de la dynastie.

La redingote, qui, jusqu’à présent, avait été l’enseigne de la
royauté bourgeoise, et qui disaitàtous, par sa seule présence : « Ceci
est une royauté citoyenne » , de même qu’un bouchon signifie :

« Ceci est un cbeval à vendre » , la redingote va céder sa place à
l’une de ees fastueuses enseignes qui semblent promettre davantage
pour tenir moins, si toutefois il est possible de tenir moins et de pro-
mettre plus que n’a déjà promis et tenu la royauté citoyenne.

La redingote , en un mot, est dépossédée par le manteau. Le man-
teau devient le costume obligé de la cour. Tous les familiers du
château, qui, pour enchérir sur le maître, ne portaient, depuis
i83o, que des redingotes crasseuses et râpées, vont faire peau neuve
et s’affubler du petit manteau. La salubrité des Tuileries y gagnera,
et le tailleur de la cour aussi.

C’est l’almanach dit royal, quoiquele roi ne le paie ni ne le rédige,
qui nous a révélé cette importante modification.

Elle n’a pas seulement pour but de substituer à un vêtement trop
bourgeois un costume plus aristocratique; mais elle fournit en même
temps le moyen de fixer les préséances et de coter les rangs, avantage
que n’avait pas la redingote, laquelle est essentiellement uniforme.

C’est ainsi quel’ Almanach royal, tout en décrétant l’usage du man-
teau, pourvoit à cette nécessité d’étiquette, en stipulant que la lon-
gueur de. la queue du manteau est réglée suivant la qualité de la
personne.

La royauté porte une queue de cinq pieds de longueur.

Les priuces n’ont que deux pieds de queue <à leur disposition.

Enfin le réglement n’accorde aux ministres que trois doigts de
queue.

Ainsi la qualité des personnes se mesurera au mètre, dans les an.
 
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