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La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1833 (Nr. 113-164)

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Numéro 116 (24 Janvier 1833)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26557#0029

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Livré aux huissiers de la Chambre basse pour un président.

Un cordon du fameux dais de Saint-Acheul.

Une girouette du palais des Tuileries.

Un traité du pour et du contre, suivi d’une réfutation du contre
par le pour, et d’une probation du pour par le contre.

Une tire-lire danaïdienne, elle reçoit toujours et ne déborde jamais.

Un recueil de facéties législatives, bêtises spirituelles et autres
Durlupinades ventro-libérales, monarchiquo-populaires, etc. (vilain
caractère).

Un buste de Cicéron et un paillasse qui se plie à tous les mouve-
mens d’un fil d’or.

Puis, des souliers pour retourner à Neuilly en cas de besoin.

Pour acquit,

Ch. Philipon.

—-

DERNIER PROCÈS DE LA CARICATURE.

Lundi prochain (28 janvier), la Caricature vide son sac devant la
Cour d’assises. Ce procès est le dernier_dernier de nos procès con-

nus ; car c’est bien sous la meilleure des républiques , sous la
charte-vérité , que l’homme propose et que Persil dispose. Lundi,
Jonc, nos comptes seront à jour avec la justice et nous saurons si, le
4 février, la pauvre Caricature rentre dans la circulation, ou si elle a
une nouvelle ère de prison à commencer. C’est le 4 février que
finissent nos treize mois de captivité. Puissions-nous dire : Qui de i3
paye i3, reste 00!

——■

HISTOIRE DE JEAN PANOUILLE,

ou LON verra comme quoi c’est un état qui ne vaut plus le

DIABLE, QUE L’ÉTAT DE PROPHÈTE.

Chez les anciens, l’état de prophète était fort agréable 5 c’était un état
positif, comme celui d’épicier, de ferblantier, de rempailleur et de
monarque. Au lieu de rendre de méchantes ordonnances, seule chose
qu’on rende quand on est roi; au lieu de travailler sur le ferblanc,
de rempailler des chaises, et de vendre de la cassonnade, etc., on
rendait des oracles qui 11e valaient guère mieux , on travaillait sur la
crédulité publique , on exploitait l’avenir, on vendait du futur ; voilà
toute la différence. Du reste, cela rapportait honneur, considéra-
tion, argent, tandis que de nos jours cela ne rapporte que la police
correctionnelle, la prison , les galères.

Encore une de ces professions qui passent de mode, qui tombent,
qui deviennent proscrites, vilipendées, honnies, comme tomberont
jour* comme seront honnies, vilipendées, proscrites, celles de
conseiller d’état, de juge d’instruction, de maréchal de France, de
pair, de marchand de mort aux rats, de commandant de garde na-
tionale , de princes et de rois. Quelque jour, soyez-en bien sûr ,
quiconque se dira conseiller, juge instructeur, marchand de mort
aux rats, pair de France et monarque , sera poursuivi comme aven-
turier, avec toute la rigueur des lois, et traduit en police correc-
tionnelle comme prévenu d’escroquerie. Et cela, je vous le prédis,

arrivera en l’an du monde_ Mais pardon, j’oubliais moi-même

fiue l’état de prophète est maintenant prohibé. Que si j’eusse achevé,
^L Persil n’eût pas manqué de me mettre en pièces.

Le sort du sieur Panouille eût dû pourtant me tenir en garde
contre cette démangeaison de parler au futur. Le futur est un temps à
rayer de toutes les conjugaisons, et particulièrement de celle du verbe
tomber... : je tomberai, tu tomberas, il tombera, etc., à cause des
allusions que le parquet pourrait y voir.

Pauvre Panouille! c’est lui surtout qui est à plaindre ! Vous saurez

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donc que Panouille est un pauvre diable qui est fatalement né avec
la bosse de la prédiction. Dès son enfance, les bonnes femmes l’em-
ployaient à tirer d’un sac à loto leurs numéros de loterie. Cela lui
rapportait des taloches quand les numéros ne gagnaient pas. Us ne
gagnaient jamais.

Quand il eut grandi en taille et en science cabalistique , il prédisait,
aux nouveaux mariés la fin de leur lune de miel ; aux jeunes filles ,
l’abandon de leurs amans ; aux amans , l’infidélité de leurs maîtresses ;
aux joueurs , la perte de leur fortune ; aux femmes, la conservation
de leurs maris. Cela lui rapportait des injures et des coups, quand le
pronostic se vérifiait. Celui-là se vérifiait toujours.

Enfin, quand il eut complètement atteint son âge de raison , il se
mit à déraisonner complètement; il se lança dans la prédiction poli-
tique , il fit du publicisme, du journalisme verbal qui n’eüt jamais
qu’un tort, le tort d’être trop précoce de quelques années. Pauvre
Panouille! c’est ici que commence la longue suite de scs mal-
heurs. Panouille est un pauvre diable qui a déjà fait dix-neuf ans
de galères pour avoir dit la vérité. Après quoi, dites donc encore la
vérité! Quant à moi, je ne m’en mêle plus. Voici, du reste, son
histoire, telle, du moins, qu’on me l’a racontée. Je ne garantis
rien.

C’ctait en 1812, époque de funeste mémoire. Panouille qui , sans
quitter le coin de son feu, voyait deux mois d’avance nos pauvres
soldats mourir de froid dans les neiges de la Russie; Panouille qui,
le dos au feu, le ventre à table, entrevoyait parfaitement tout ce qui
devait suivre cette effroyable catastrophe : Leipsick , l’invasion, la
trahison, l’abdication, la restauration ; Panouille osa prédire cela.
11 fut réquisitorié par les Persil du parquet impérial, jugé et con-
damné à vingt ans de galères, comme ayant provoqué , disait-011,
au renversement du gouvernement.

Les galères, pourtant, n’empêchèrent point les choses d’arriver
comme il l’avait dit. La restauration l’en fit sortir en qualité d’homme
bien pensant. La restauration ne pensait guère. Malheureusement,
Panouille le lui dit tout crûment, et prédit le retour de l’aigle im-
périale. Panouille fut pris et reconduit aux galères pour vingt ans,
comme ayant provoqué au renversement du gouvernement.

Les Cent-Jours l’en délivrèrent, en qualité de bon patriote. Par
malheur, il eut révélation que les Cent-Jours ne se composeraient que
de cent jours, ce fut même lui qui créa ce mot, ce qui ne m’étonne pas,
vu qu’il ne signifie rien; mais il eut le tort de crier cela sur les toits. On
le condamna aux galères comme ayant provoqué au renversement du
gouvernement. Le pauvre diable y trouva sa place encore toute chaude.
La seconde Restauration l’en fit sortir, en lui restituant sa qualité
d’homme bien pensant. Je crois même qu’elle lui donna la décoration
du lis. Par malheur, Panouille ne tarda point d’apercevoir, par intui-
tion , et les jésuites, et l’indemnité, et les dragonnades, et les ordon-
nances, et les barricades, et tout. Il voulut donner des conseils tout
bas : on le mit à la porte ; il les donna tout haut : on le remit aux ga-
lères pour vingt ans , comme ayant provoqué au renversement du
gouvernement.

O

Et cependant, elles se dressèrent ces barricades tant prédites! Pa-
nouille fut tiré des galères. On lui offrit la croix d’honneur. Il la refusa.
C’est ce qu’il fit de mieux ; mais il paraît qu'il prévoyait déjà la pro-
fanation qui allait en être faite.

Ah! que ne s’en tint-il là! Mais non; et, dès les premiers jours de
cette belle révolution qu’ils ont tant gaspillée, les misérables! il entre-
vit tout ce qui devait suivre : la disgrâce de Lafayette , l’abandon de
la Pologne, le refus de la Belgique, l’oubli de vingt sermens, la déné-
gation de cent promesses, le déchirement de la Charte, l’état de piège,
le sang du pont d’Arcole, la comédie du Pont-Royal, que sais-je en-
core tout ce que le pauvre diable entrevit dans un avenir plus ou
moins éloigné? mais il paraît qu’il entrevit quelque chose encore; car
ayant dit tout haut tout ce qu’il entrevoyait, il fut piqué plus ou
moins profondément par un sergent de ville, empoigné , jugé et, dit—

LA CARICATURE.
 
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