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L'ART.
une toile d'exposition, et qui maintenant attire l'attention non seulement du public en quête de
traits comiques, mais encore des artistes, des connaisseurs, des difficiles, des raffinés.
Rappelez-vous par exemple les Condoléances* de M. Jean Béraud, ou Une Noce che% un
photographe de M. Dagnan-Bouveret. Nous ne prétendons pas que ce soient là d'immortels
chefs-d'œuvre. Quelles que soient les qualités d'observation qui abondent chez M. Jean Béraud,
et qui impriment à ses scènes parisiennes un cachet si juste et si frappant, il est bien évident
que ce jeune artiste a encore un pas à faire pour que dans sa peinture l'exécution offre le même
intérêt que l'étude des physionomies. On a pu aussi adresser certaines critiques à M. Dagnan-
Bouveret, — qui d'ailleurs avait au Salon un petit Portrait de M. G. B..., fort intéressant sous
le rapport de la précision du modelé et de la poursuite du caractère, accusé dans les moindres
détails du personnage et de son milieu ;
quelque chose comme un Claude-Ferdinand
Gaillard, avec une nuance de terre à terre.
— Mais songez à ce que les genristes et
les anecdotiers dont les inventions drolatiques
amusaient nos pères eussent fait de ces
épisodes de la vie bourgeoise. Ils n'auraient
guère dépassé le niveau des meilleurs Biard,
et vous auraient fait regretter que leurs
historiettes ne vous fussent pas tout bon-
nement contées, comme Peau d'âne, ce qui
vous eût mis beaucoup plus à l'aise pour y
prendre un plaisir extrême. Nous en dirions
volontiers autant de M. Goeneutte2, et de
bien d'autres qui ont compris qu'un récit
est un récit, mais qu'un tableau est un
tableau, vérité de La Palice qui n'en a pas
moins été longtemps méconnue.
M. Bonvin a été des premiers à restituer
aux scènes populaires leur droit de cité
dans le domaine de l'art, à une époque où
les préjugés de l'idéalisme classique étaient
encore tout-puissants dans l'école et même
dans le public. Artiste laborieux et convaincu,
homme d'esprit 3, il a voulu marcher sur
les traces de Chardin, un maître auquel il
a plus d'une fois mérité d'être comparé. 11
a eu des hauts et des bas. Le Couvreur
tombé du Salon de 1877 avait fait craindre une sorte de découragement dans son talent. Au
contraire, le tableau dont nous avons donné dernièrement une gravure *, s'il témoigne encore
d'une facture un peu lourde et fatiguée, donne à penser que l'artiste a repris confiance en
lui-même.
On ne reprochera pas aux Fortunistes de manquer de légèreté dans l'exécution. On serait
plutôt d'avis qu'ils en abusent. Mais ils ont tant d'esprit dans le papillotage, ils mettent tant de
grâce et de verve à faire voltiger les paillettes de leurs étincelantes tonalités, — tel notamment
M. Antonio Casanova 5 — qu'on n'a pas le cœur de leur en vouloir, et qu'on oublie même que
1. Voir l'Art, 5e année, tome II, page 505.
2. Le Dernier Salut. Voir l'Art, 5' année, tome II, page 172.
5. Voir dans VArt, 5e année, tome Ier, page 149, une lettre charmante de M. Bonvin à notre collaborateur Ph. Burty à propos de
M. Laurent Laperlier.
4. Voir page 61. Pendant les vacances.
5. Voir dans l'Art, 5e année, tome II, page 161, et tome III, pages 30 et ; r, ses dessins d'après ses tableaux le Mariage d'un prince et l'Indiscret.
Chàmpigny; décembre 1870.
Défense de Champigny par la division Faron.
Dessin d'Édouard Détaille
d'après une figure de son tableau. (Salon de 1879.)
L'ART.
une toile d'exposition, et qui maintenant attire l'attention non seulement du public en quête de
traits comiques, mais encore des artistes, des connaisseurs, des difficiles, des raffinés.
Rappelez-vous par exemple les Condoléances* de M. Jean Béraud, ou Une Noce che% un
photographe de M. Dagnan-Bouveret. Nous ne prétendons pas que ce soient là d'immortels
chefs-d'œuvre. Quelles que soient les qualités d'observation qui abondent chez M. Jean Béraud,
et qui impriment à ses scènes parisiennes un cachet si juste et si frappant, il est bien évident
que ce jeune artiste a encore un pas à faire pour que dans sa peinture l'exécution offre le même
intérêt que l'étude des physionomies. On a pu aussi adresser certaines critiques à M. Dagnan-
Bouveret, — qui d'ailleurs avait au Salon un petit Portrait de M. G. B..., fort intéressant sous
le rapport de la précision du modelé et de la poursuite du caractère, accusé dans les moindres
détails du personnage et de son milieu ;
quelque chose comme un Claude-Ferdinand
Gaillard, avec une nuance de terre à terre.
— Mais songez à ce que les genristes et
les anecdotiers dont les inventions drolatiques
amusaient nos pères eussent fait de ces
épisodes de la vie bourgeoise. Ils n'auraient
guère dépassé le niveau des meilleurs Biard,
et vous auraient fait regretter que leurs
historiettes ne vous fussent pas tout bon-
nement contées, comme Peau d'âne, ce qui
vous eût mis beaucoup plus à l'aise pour y
prendre un plaisir extrême. Nous en dirions
volontiers autant de M. Goeneutte2, et de
bien d'autres qui ont compris qu'un récit
est un récit, mais qu'un tableau est un
tableau, vérité de La Palice qui n'en a pas
moins été longtemps méconnue.
M. Bonvin a été des premiers à restituer
aux scènes populaires leur droit de cité
dans le domaine de l'art, à une époque où
les préjugés de l'idéalisme classique étaient
encore tout-puissants dans l'école et même
dans le public. Artiste laborieux et convaincu,
homme d'esprit 3, il a voulu marcher sur
les traces de Chardin, un maître auquel il
a plus d'une fois mérité d'être comparé. 11
a eu des hauts et des bas. Le Couvreur
tombé du Salon de 1877 avait fait craindre une sorte de découragement dans son talent. Au
contraire, le tableau dont nous avons donné dernièrement une gravure *, s'il témoigne encore
d'une facture un peu lourde et fatiguée, donne à penser que l'artiste a repris confiance en
lui-même.
On ne reprochera pas aux Fortunistes de manquer de légèreté dans l'exécution. On serait
plutôt d'avis qu'ils en abusent. Mais ils ont tant d'esprit dans le papillotage, ils mettent tant de
grâce et de verve à faire voltiger les paillettes de leurs étincelantes tonalités, — tel notamment
M. Antonio Casanova 5 — qu'on n'a pas le cœur de leur en vouloir, et qu'on oublie même que
1. Voir l'Art, 5e année, tome II, page 505.
2. Le Dernier Salut. Voir l'Art, 5' année, tome II, page 172.
5. Voir dans VArt, 5e année, tome Ier, page 149, une lettre charmante de M. Bonvin à notre collaborateur Ph. Burty à propos de
M. Laurent Laperlier.
4. Voir page 61. Pendant les vacances.
5. Voir dans l'Art, 5e année, tome II, page 161, et tome III, pages 30 et ; r, ses dessins d'après ses tableaux le Mariage d'un prince et l'Indiscret.
Chàmpigny; décembre 1870.
Défense de Champigny par la division Faron.
Dessin d'Édouard Détaille
d'après une figure de son tableau. (Salon de 1879.)