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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

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Richter, Jean Paul: Un tableau de la jeunesse du Corrège
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https://doi.org/10.11588/diglit.17801#0262

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UN TABLEAU DE LA JEUNESSE DU CORRÈGE1

Depuis deux siècles à peu près les biographes du Corrège se
sont occupe's de la question très importante de savoir quel a été
le vrai maître de ce génie précoce, ou du moins dans quelle
école il a reçu son instruction artistique. Les uns ont supposé
qu'il a visité Rome pour y étudier les œuvres de Raphaël, de
Michel-Ange et les sculptures anciennes ; les autres ont affirmé
qu'il est sorti de l'école de Mantegna. Les recherches qu'on a
faites dans les archives ont abouti à ce seul résultat, que le jeune
maître n'a pu faire de grands voyages avant d'avoir exécuté les
chefs-d'œuvre de sa jeunesse. En conséquence on a fini par
supposer qu'il n'a reçu d'autres leçons que celles de quelque
peintre obscur tel que Bartolotti, qui résidait à Correggio, petite
ville située entre Mantoue, Ferrare, Bologne et Modène.

Ce qu'il y a de certain, c'est que le Corrège n'avait que
vingt ans, quand il peignit le grand tableau de la Vierge entre
saint François, saint Antoine, saint Jean-Baptiste et sainte
Catherine, qui est maintenant au musée de Dresde. Toutes les
personnes qui ont eu l'occasion d'admirer ce chef-d'œuvre ont
pu observer qu'il y a des différences, très considérables, dans le
style du maître tel qu'on le trouve dans cette peinture et celui
qui caractérise les œuvres qu'il a exécutées plus tard à Parme.
C'est uniquement dans l'étude de ce tableau de Dresde que nous
pouvons trouver les indications nécessaires pour discerner les
principes du jeune Corrège, et pour découvrir les relations qu'il
doit certainement avoir eues avec une des écoles de peinture
contemporaine. Il y a peu d'années qu'un des connaisseurs les
plus renommés de la peinture italienne a publié, sous le pseudo-
nyme de Iwan Jermolieff, une série d'articles où il a donné les
preuves les plus convaincantes que le Corrège était élève de l'école
de Ferrare, telle qu'elle était représentée au temps du maître par
Dosso Dossi, Mazzolino et surtout par Lorenzo Costa. Le grand
tableau qui figure dans la galerie du Louvre sous le n° 154,
représentant la cour d'Isabelle d'Esté, duchesse de Mantoue, et
signé L. Costa. F., de même que le tableau n° 629 de la Natio-
nal Gallery à Londres, représentant la Vierge avec l'enfant sur
un trône entouré d'Anges, et qui porte la signature du maître
Lavrentivs Costa. F. et la date 1505, sont des chefs-d'œuvre
dont le style est très caractéristique, surtout par l'arrangement
de ses amples draperies et par le mouvement gracieux des figu-
res. Si l'on compare les détails caractéristiques du tableau du
Corrège mentionné ci-dessus, et ceux du tableau de Costa, on
ne pourra nier la justesse des rapprochements établis par l'ingé-
nieux critique italien.

Il y a même des documents qui nous apprennent qu'au
commencement du xvte siècle, un maître nommé Laurentius a
exécuté dans la ville de Correggio de grandes peintures, qui lui
furent payées un prix très élevé. Il est plus que probable que ce
Laurentius n'est autre que Costa de Ferrare, qui depuis l'an
1509 s'était fixé à Mantoue, appelé par Francesco Gonzaga, et
qui y mourut en 1556.

Quoique le Corrège ait été assez jeune quand il peignit le
tableau de la galerie de Dresde, il y montre pourtant déjà les
facultés qui en feront plus tard un maître de premier ordre.

Son style n'a pas encore, il est vrai, cette franchise qu'on
admire depuis des siècles dans ses tableaux d'une époque posté-
rieure (comme par exemple dans la Nativité, dite la Nuit), mais
on ne peut nier que dans les tableaux de sa première manière il
y a sûrement plus de naïveté et plus de poésie.

Il n'y a pas longtemps qu'on a commencé à apprécier les
hautes qualités esthétiques qui éclatent dans les tableaux de la
jeunesse de Raphaël, exécutés sous l'influence de l'école

ombrienne. Si on n'a pas encore attribué une importance sem-
blable aux œuvres de la jeunesse du Corrège, on ne peut expli-
quer ce fait que par la grande rareté des tableaux vraiment
authentiques de cette époque, car excepté le tableau delà Madone
de Saint-François qui est dans la galerie de Dresde, on en ren-
contre à peine quelques-uns dans les nombreuses galeries publi-
ques de l'Europe.

Dans son histoire de la peinture en Italie, Lanzi parle d'un
tableau de petite dimension, qui représente Jésus-Christ, prenant
congé delà Vierge avant sa passion. Pungileoni, dont les recher-
ches infatigables sur la vie et les œuvres du Corrège ont le
mérite de nous avoir fourni les documents les plus authentiques
et les plus complets sur cet artiste, décrit le même tableau avec
plus de détail : « La Vierge s'évanouit dans les bras d'une autre
femme et de saint Jean plein d'un profond étonnement (pieno
d'alta maraviglia) ». « C'est un tableau qui vraiment fait une
profonde impression, (e veramente pénétrante) », écrivait Jesi à
Pungileoni. La scène se passe dans la cour d'une maison, dont
une colonne partage le fond du tableau en deux moitiés.
A droite, un large mur; à gauche, un paysage montagneux et un
ciel bleu ; au premier plan, des arbustes d'une couleur très
foncée et très vive. Remarquons que le chapiteau de la colonne
est de la même composition fantastique que celle qu'on observe
dans l'architecture qui encadre la Madone de Saint-François à
Dresde. Le Christ agenouillé est vêtu d'une tunique talaire blan-
che et d'un manteau rouge qui descend de l'épaule gauche.
Saint Jean, qui est auprès de lui, porte une tunique jaune
paille, avec un manteau rouge. La couleur de sa tunique est
la même que celle qu'on voit dans le Repos de la Sainte
Famille, du Corrège, à la Tribune des Offices à Florence, et dans
les peintures de Dosso Dossi de Ferrare, dont les relations avec
le Corrège ont toujours été affirmées par la tradition. Le visage
pâle de la Vierge est entouré d'un linge blanc ; elle porte un
vêtement violet avec un manteau bleu. La jeune femme qui est
auprès et qui est probablement la Madeleine, est vêtue d'un
costume brun et d'un manteau rose. Ce tableau, peint sur toile,
a 75 c. de large et 85 c. de haut.

La tonalité des couleurs, plus claires que celles de Costa,
rappelle surtout le tableau du Corrège, de Bath House à Lon-
dres, dans la collection de Lord Ashburton.

Ce chef-d'œuvre, représentant quatre Saints devant une
forêt, provient d'une église de la ville de Correggio et est sûre-
ment de la même époque que le précédent. Le dessin très
mouvementé des figures, l'arrangement des draperies, la forme
très caractéristique des mains, y sont précisément les mêmes.
En étudiant les détails aussi attentivement que l'ensemble de la
composition, on ne saurait douter de son authenticité, confirmée
du reste par son histoire et admise par les critiques les plus com-
pétents. L'expression des tètes, surtout, est d'un charme unique.

L'artiste a traité ici un sujet qui était tout à fait étranger à
l'iconographie de l'art italien avant son temps et nous devons
supposer qu'il s'y est inspiré d'une légende rapportée dans quel-
que évangile apocryphe. Au musée de Berlin, il y a un tableau,
représentant le même sujet, peint par l'artiste vénitien Lorenzo
Lotto et daté de 1521. La composition est entièrement diffé-
rente, mais l'identité du sujet a une certaine importance.

MM. Crowe et Cavalcaselle, auteurs d'une étude sur la vie
et les œuvres de Lotto, ont reconnu dans les tableaux de ce
maître qui habitait Bergame, quelques rapports avec le style du
Corrège, mais ils ne se prononcent pas sur la question très grave
de savoir lequel des deux maîtres a subi l'influence de l'autre. Il

1. Le tableau dont parle notre collaborateur se trouve actuellement à Londres. Nous n'avons pas besoin de dire que, ne connaissant pas cette œuvre, nous
ne pouvons que faire nos réserves sur !a question d'attribution. (Note de la Rédaction.)

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