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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

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Saint-Yrieix, ...: Les expositions de province: l'exposition des Beaux-Arts de Limoges
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LES EXPOSITIONS DE PROVINCE

[Correspondances particulières de l'Art.)

V

L'EXPOSITION DES BEAUX-ARTS DE LIMOGES.

La province accuse volontiers Paris de dédain et d'indiffé-
rence pour les manifestations de l'art qui se produisent en dehors
de sa banlieue. Le peu de publicité qui s'est fait au sujet de
l'Exposition des beaux-arts de Limoges peut-il être avec justice
donné comme témoignage à charge de cette accusation ? Je ne
le crois pas. L'époque de l'année où cette Exposition a ouvert
ses portes, précisément à l'heure où le palais des Champs-Elysées
ouvrait les siennes, justifie suffisamment la presse parisienne et
explique son silence.

Toutefois, vous jugerez sans doute qu'il y a quelque intérêt
à ce que le fait ne passe pas absolument inaperçu, et, à défaut de
l'étude sérieuse et approfondie faite par un critique autorisé
qu'eût méritée cette Exposition, vous accueillerez avec indulgence
quelques notes rapides prises en passant et un peu au hasard par
un profane, pendant un court séjour en Limousin.

Vous le savez, c'est à l'occasion d'un concours régional
qu'une décision de la municipalité arrêta le programme d'une
Exposition des beaux-arts, et en confia l'exécution à une com-
mission présidée par M. Adrien Dubouché ; le directeur du Musée
céramique était naturellement désigné pour cet honneur, et, sous
ses auspices, l'œuvre ne pouvait manquer d'arriver à bonne fin.

Le programme comprenait, à l'origine, une partie rétrospec-
tive : des démarches furent faites auprès des possesseurs d'objets
d'art; on obtint beaucoup de promesses; mais finalement, à
l'heure où il s'agit de les exécuter, par suite de malentendu sans
doute, rien ou presque rien ne vint, et il fallut renoncer aux
merveilles annoncées. Quelques tapisseries du xvmc siècle ornent
pourtant les murs des deux salles de céramique, entre autres,
deux remarquables panneaux des Gobelins représentant les
Armes des Rohan, à Mme la baronne de Nexon, et un grand sujet
d'Aubusson : Jupiter et Europe, à M. Lezaud.

La céramique ancienne est uniquement représentée par les
pièces achetées à la vente Barbet de Jouy par M. Dubouché et
offertes par lui au Musée céramique. Parmi elles brille le ma-
gnifique vase en porcelaine de Chine bleu turquoise de la collec-
tion Fould, qui semble un peu dépaysé au milieu des faïences
modernes dont on l'a entouré. Je crois que ces quelques pièces
de choix eussent gagné à n'être pas disséminées et que, groupées,
elles eussent été mieux appréciées des connaisseurs.

Après cette digression, je reviens à l'Exposition véritable.
C'est sur la place Jourdan qu'a été élevée la construction provi-
soire qui lui était destinée, construction en planches, fort simple,
et sans autre prétention que d'être bien disposée pour recevoir
des œuvres d'art et de remplir toutes les conditions de jour et
d'espace désirables; mérite rare, le but est consciencieusement
atteint. — La façade seule, ornée des écussons des principales
villes du Limousin, affecte quelque recherche décorative. — On
y lit, d'un côté : Peinture, et de l'autre : Céramique ; et en effet,
la peinture et la céramique se partagent le terrain amicalement,
mais inégalement. Se sentant chez elle à Limoges, la céramique
en maîtresse de maison bien apprise a courtoisement cédé à la
peinture la part la plus large et la place d'honneur.

Pour un visiteur parisien, frais débarqué des Champs-
Elysées, la première impression, en pénétrant dans les salles,
est un sentiment de bien-être et de sécurité. Le nom de Salon
que, par tradition ou routine, on persiste à donner à l'énorme

caravansérail, où viennent, chaque printemps, s'entasser dans un
tumultueux encombrement les productions de nos artistes, et
qui, mieux qu'en aucune autre occasion, semble alors justifier
son titre de palais de l'Industrie, ce nom de Salon serait bien
mieux appliqué à une exposition comme celle qui nous occupe.
Là tout est discret, calme, harmonieux comme dans un salon de
bonne compagnie.

L'assemblée y est nombreuse, mais choisie, et n'y dégénère
point en cohue. D'un coup d'œil, en entrant, on se rend compte
de l'ensemble, on sait à qui l'on a affaire, et que l'aventure où
l'on s'engage ne vous procurera que satisfaction sans mécompte,
que des jouissances sans fatigue.

Parmi ces jouissances, la moindre n'est pas de retrouver
dans cette réunion d'élite ce que ne peut plus nous donner le
Salon parisien, ces maîtres que la mort a fauchés et dont les
œuvres acquièrent un charme nouveau par l'émotion que nous
apporte le souvenir. Ils sont là nombreux.

Delacroix avec deux toiles, dont l'une : Hercule sauvant
Alceste, est une merveille de fougue et de couleur; Fromentin :
Une chasse; Corot : deux paysages et une Baigneuse; Troyon :
deux tableaux bien connus, le Retour du marché et les Vendanges
de Sèvres ; enfin Diaz, Millet, Lambinet, Brion, d'autres encore
que j'oublie sans doute, complètent cette liste funèbre.

Je reviens aux vivants. Il est juste de citer en tête Jules
Dupré, le vieux maître, toujours jeune et toujours puissant.
L'Exposition a de lui une marine et un beau paysage. — Il con-
vient après lui de nommer Charles Jacque : son Troupeau de
moutons fuyant devant l'orage est assurément une de ses œuvres
les plus magistrales.

L'école contemporaine est représentée par la plupart des
noms à succès. Je cite au hasard :

M. Duez, le triomphateur du dernier Salon, a envoyé un
tableau qui a figuré à une de nos dernières expositions et qu'il
intitule : le Restaurant. Quelqu'un disait devant moi de ce pein-
tre: C'est un Manet alambiqué. Je dirais plutôt châtié. Quoiqu'il
en soit, il y a du vrai dans cette appréciation, et, malgré le succès
que M. Duez a obtenu avec un sujet religieux, je crois que le
tableau de l'Exposition de Limoges donne bien la note exacte
de son talent et du genre qui lui convient.

M. C. de Cock : Fin d'automne dans les bois, paysage plein
de poésie rêveuse.

M. Bergeret, un nom qui se fait célèbre : des natures mor-
tes, d'une couleur brillante et chaude.

M. Boldini expose sous ce titre : le Modèle, un petit tableau
qui est fort regardé et admiré; je ne partage point sans réserve
cette admiration ; il y a là beaucoup d'habileté, beaucoup de
talent si l'on veut ; mais c'est ici que l'épithète d'alambiqué serait
bien placée ; j'ajoute, sans fausse pudibonderie, que le sujet me
paraît risqué et d'un goût douteux.

M. Dupray, un de nos peintres militaires les plus habiles,
correct et consciencieux : La fin de la leçon au Champ-de-Mars
tient bien sa place à côté des ouvrages de MM. Détaille, De Neu-
ville et Bernc-Bellecour, que possède l'Exposition.

M. Donzel, qui avait reçu mission d'organiser l'Exposition,
n'a pas cru avoir assez fait en s'acquittant de ce soin avec le goût
si sûr, si élégant, si distingué dont il avait déjà donné tant de

1. Voir l'Art, 5e année, tome II, pages 138, 140, 23 y, et tome III, page 22
 
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