Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

DOI Heft:
Courrier des musées
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.17801#0372

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
Fleuron composé et gravé par Sébastien Le Clerc.

COURRIER DES MUSEES
XVII

LE MUSÉE DU PUY ET LE SEMINAIRE DE VAI.S
L'Ivrogne et sa famille, par les frères Le Nain.

Il faut s'arrêter au muse'e du Puy, quand on étudie l'œuvre
des frères Le Nain. Malgré les derniers documents qui ont été
publiés sur ces peintres, c'est toujours avec intérêt qu'on revient
à eux. Toutes les lacunes ne sont pas comblées ; il reste à con-
naître une grande partie de leurs toiles ; et il est utile de parcou-
rir encore les collections et les musées de province.

Le musée du Puy possède un tableau des plus importants,
celui qui est considéré comme le portrait d'un des Le Nain,
peint par lui-même. Il a été gravé par Bonvin, en tète d'une
des premières brochures de M. Champfîeury. Le catalogue
mentionne, en outre, deux autres œuvres : un portrait de vieille
femme qu'il faut attribuer à un artiste secondaire du xvmc siècle,
contemporain de Greuze et de Chardin, et une petite ébauche
qui est bien de nos peintres, et qui représente une paysanne qui
peigne sa fille. Mais au Puy, ce n'est pas seulement le musée
qui renferme des tableaux des Le Nain. A une demi-heure de la
ville, s'étend le séminaire de Vais ; et on y trouve une riche
collection de peintures provenant du legs d'un particulier. Il y a
là près de trois cents toiles, qui sont placées à l'intérieur de la
maison, dans les galeries, dans les salles, et au milieu d'un cabi-
net d'histoire naturelle. Elles composent un musée un peu épars,
qui n'est presque pas classé, et où plus d'une attribution est
contestable, mais qu'il est bon, cependant, d'examiner avec soin.

Le tableau des Le Nain sur lequel nous tenons à attirer
l'attention se trouve dans la première classe de philosophie.
C'est une toile de grandes dimensions ; le sujet est traité, à peu
près, dans les proportions du Repas de famille, qui a fait partie,
autrefois, du cabinet de Choiseul, et dont on peut voir, à Paris,
une répétition chez Mme Scheurer-Kestner.

L'Ivrogne et sa famille, tel est le titre que lui donne le cata-
logue du séminaire, qui l'attribue, très au hasard, à Murillo. La
scène se passe dans une ferme dont on remarque la haute che-
minée : les personnages sont groupés autour d'un tonneau qui
sert de table, et à coté duquel deux paysans se sont assis pour
boire. Ces deux paysans sont des physionomies caractéristiques
et familières. Coiffés d'un chapeau de feutre gris, et vêtus de
bure trouée, ils sont bien des buveurs, tels que les peignent les

Le Nain ; ils sont bien aussi des buveurs de l'ancienne école
française. L'un, le plus jeune, tient sur les genoux son verre
encore à demi rempli ; mais l'autre n'a pu boire sans ressentir
l'effet de la boisson : il a rendu le liquide qui est retombé au
pied du tonneau. Nos peintres n'ont pas craint d'indiquer là un
détail réaliste, choquant, peut-être, pour nos yeux, mais pareil
à ceux qu'on trouve, bien des fois, chez les Flamands. Le chien
de la ferme se précipite sur le vin qui couvre le sol, et le lape
avidement. Le malheureux buveur a le teint plombé, les yeux
ternes, le front appuyé sur le bras. L'autre, la joue enluminée,
le regard brillant, est transporté dans les béatitudes que donne
l'ivresse. Il a un sourire inconscient et lourd, comme s'il se
réjouissait, en cuvant mieux son vin, d'avoir évité l'accident
dont il est témoin.

En regardant attentivement nos deux ivrognes, et en étu-
diant leur âge, on croirait volontiers qu'on a devant soi le père
et le fils qui se sont mis à boire de compagnie. Ils ont commencé
au moment où ils étaient seuls, quand la ménagère était
absente. La mère de famille a cependant surpris les buveurs, et
elle assiste à la scène avec ses enfants. Elle leur montre du doigt,
d'un air peu satisfait, et même dédaigneux, le désordre de la
maison et l'état dans lequel leur père est tombé. C'est la leçon
qui se dégage du sujet.

La mère porte un costume simple : un corsage, de ce rouge
brique, si fréquemment employé dans l'œuvre des Le Nain,
une coiffe plate, un col à deux pointes. Ses enfants, ses deux
filles et un garçon sont vêtus comme des paysans. Sa fille aînée,
qui se tient au centre de la toile, près des buveurs, a une jupe
et un corsage bleus. Ses traits ne sont pas dépourvus de finesse :
elle rit à demi du spectacle qui lui est offert. Les deux autres
enfants sont placés à gauche et à droite du tableau. Le petit
garçon, éveillé, intelligent, curieux, regarde la scène avec un
franc sourire. Il est vêtu de bure ; on dirait qu'il a encore une
jupe de petite fille, qui laisse passer la chemise : une partie de
sa poitrine est découverte. La petite fille est une figure char-
mante dans sa simplicité. Son sourire fait plaisir à voir, elle
partage la gaieté de toute la famille, en face de l'ivrognerie.
 
Annotationen