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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

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Mussini, Luigi: Les travaux de restauration de l'Église de Santa Croce, à Florence
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https://doi.org/10.11588/diglit.17801#0312

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LES TRAVAUX DE RESTAURATION

D E

L'ÉGLISE DE SANTA CROCE, A FLORENCE1

Il n'est personne qui ayant le sentiment de l'art n'ait visité
ce monument si grave et si grandiose où Arnollb a laissé l'em-
preinte de son génie, sans regretter les profondes altérations par
lesquelles Vasari et ses successeurs n'ont pas craint de donner la
mesure d'une sorte d'inaptitude à comprendre la simplicité et la
sévérité, la beauté propre d'un style qui n'était pas celui de leur
temps; inaptitude presque incompatible avec la critique si intelli-
gente et impartiale de Vasari jugeant les artistes qui l'ont précédé.

A la vue de ces nefs, de ces chapelles où un audacieux
vandalisme avait enseveli sous le badigeon les fresques de Giotto
et de son école, à la vue de ce maître-autel dont un colossal
ornement vasaresque dénaturait le caractère en masquant l'ab-
side, et de ces autels aux grandes et lourdes dimensions affichant
comme un défi au style d'Arnolfo, Florence, qui a depuis long-
temps ajouté à l'intérêt religieux et artistique de Santa Croce
le prestige d'un Panthéon des illustrations nationales, ne
pouvait que se reprocher de n'avoir encore rien fait pour venger
son monument de prédilection des outrages qui l'avaient rendu
presque méconnaissable.

Les fabriciens de l'œuvre de Santa Croce le comprirent si
bien que dès l'année 1860 ils mirent à l'étude un plan général
de restauration de l'édifice. Leur chef, M. le comte Pelli Fab-
broni, qui en eut l'initiative et est encore aujourd'hui l'âme de
cette belle et noble entreprise, avait de longue main réalisé à
cet effet quelques économies sur le budget de la fabrique, à peine
toutefois une somme de 15,000 francs.

M. Matas, auteur de la nouvelle façade exécutée avec des
fonds spéciaux, était alors architecte de l'église ; chargé par
M. Fabbroni de travailler sur un programme arrêté d'avance ,
il fut contraint par l'état de sa santé de renoncer à cette tâche
à la fois séduisante et difficile, qui échut à MM. Mazzei, archi-
tecte, et Bianchi, peintre-restaurateur; l'un et l'autre avaient
fait leurs preuves par l'excellente restauration du Bargello. Le
programme de M. Fabbroni et les projets de MM. Mazzei et
Bianchi ne pouvaient être définitifs qu'à la condition d'être
sanctionnés par la Dépntation consultative et conservatrice des
monuments et œuvres d'art de la province de Florence, qui s'em-
pressa de les approuver sans aucune réserve.

Toutefois ce ne fut qu'en l'année 186g que Florence eut la
satisfaction de voir les portes de Santa Croce se fermer pour un
temps plus ou moins long. C'était pour tous le signal de la mise
à l'œuvre d'un plan de restauration auquel l'opinion publique
avait fait le plus chaleureux accueil.

En attendant, M. Fabbroni n'avait pas cessé d'accroître les
fonds destinés à mettre en bon train, sinon à parfaire ce grand
travail, moyennant des souscriptions, des offres de pieux dona-
teurs et quelques' subsides du gouvernement. Mais il ne s'en
tint pas là : il sut obtenir de plusieurs patrons des chapelles qui
longent le transept qu'ils s'appliquassent à les restaurer de leurs
propres deniers ; mais nous aurons lieu d'y revenir. Il faut main-
tenant, aussi rapidement que possible, décrire l'œuvre accom-
plie jusqu'ici.

En commençant par l'abside, je marque en passant que les
trois magnifiques vitraux qui dans le bas, sur une hauteur de
deux mètres et demi, étaient inachevés, ont été complétés de la

façon la plus satisfaisante. — Les stalles du chœur, restaurées et
délivrées d'une couche épaisse de couleur à l'huile, ont révélé le
plus fin travail de sculpture et de marqueterie qu'on était loin
de soupçonner. Cette dernière restauration est due à la libéralité
des comtes Alberti, les descendants de l'illustre Léon-Baptiste,
et de cet Alberto di Lapo qui fit don à l'église de ce riche ameu-
blement du chœur.

Le maître-autel a été débarrassé de la boiserie architecturale
qui y étalait depuis trois siècles ses hautes et lourdes colonnes,
ses frontons et ses volutes, ainsi que de la balustrade moderne
en pierre grise (pietra serena) qui en occupait les gradins, et
enfin des maçonneries qui en masquaient les côtés. On a re-
trouvé ainsi de nombreuses traces de sa forme primitive et des
dix-huit colonnettes qui en soutenaient la table : dés lors rien
de plus aisé que de le reconstruire tel qu'il était en 1300. — Un
tableau giottesque en forme de triptyque ou de retable remplace
celui d'Ugolino de Sienne dont d'anciens documents nous ont
laissé le souvenir. •

L'aspect de ce maître-autel est des plus saisissants , isolé
sous l'arc ogival de l'abside, très élevé sur son estrade; la forme
simple et sévère de sa structure archaïque, et celle un peu byzan-
tine du retable giottesque à fond d'or qui le surmonte sur toute
sa largeur, tout cela noyé dans un demi-jour plein de mystère, et
s'enlevant sur le fond plus sombre de l'abside, produit une im-
pression complexe capable de captiver à la fois l'architecte et le
peintre, le croyant et le poète.

L'arc ogival de l'abside et son pied-droit ayant été dépouillés
du badigeon sur leurs deux faces, les fresques des élèves de Giotto
qui les couvraient en entier ont revu le jour, et font à l'abside et
aux fresques de Gaddi qui la décorent un encadrement admira-
ble. On y voit les prophètes, saint Louis, saint André, saint An-
toine, saint Bonaventure et saint François.

Les deux arcs faisant angle droit avec celui de l'abside et
s'ouvrant sur les deux bras du transept, ainsi que leurs pieds-
droits, ont donné lieu au même travail, tout aussi fructueux,
d'exhumation. Comment se serait-on arrêté en si bon chemin,
quand ces fouilles d'une nouvelle espèce se faisaient à coup sûr,
et nous révélaient des trésors assez bien conservés pour charmer
encore le regard ? Aussi ont-elles embrassé toute l'étendue du
'transept presque en entier décoré de peintures de l'école de
Giotto, quelques-unes s'élevant jusqu'à la charpente du toit.

Cette charpente a été aussi l'objet d'une restauration spéciale :
celle des fins ornements polychromes que le badigeon n'avait pas
plus respectés. En général, et je me plais à le constater, le pin-
ceau du restaurateur ne s'est exercé qu'en ce qui touche à l'orne-
mentation : il lui a été défendu d'empiéter sur la grande peinture,
vu que sous prétexte de suppléer à des dégâts, à des lacunes, il
est arrivé parfois en pareil cas que des peintures exhumées un
instant ont été enfouies à nouveau sous les couches d'une res-
tauration exubérante et prétentieuse. A cet égard les députations
consultatives qu'une loi récente a mises à l'œuvre en toutes les
provinces de la Péninsule ont fait partout prévaloir la maxime
salutaire qui arrête à temps la main du restaurateur, en traçant
exactement les bornes qu'elle ne serait que trop disposée à
franchir.

1. Cet article aurait dû paraître dans l'Art avant la lettre de M. Mussini sur les Galeries et Musées de Florence. (Voir l'Art, 4e année, tome III, pages 69
et 91.) Notre collaborateur y faisait lui-même allusion dans la seconde partie de cette lettre. (Voir page 92, colonne 2.) Mais nos lecteurs seront évidemment d'avis
que cette interversion et ce retard involontaire n'enlèvent rien à l'intérêt de cette notice. [Note de la Rédaction.)
 
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