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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 3)

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Montrosier, Eugène: Les concours de Rome en 1879: Peinture et sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.17801#0209

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LES CONCOURS DE ROME EN 1879. i6y

dien était né pour le répertoire d'Aristophane plutôt que pour
celui d'Euripide. Mais indépendamment des qualités techniques
dont témoigne ce tableau de concours , le grand mérite de
M. Doucet est de nous avoir montré un Démosthène éloquent.
Il est le seul qui ait compris que pour peindre Démosthène il
fallait avant tout peindre l'éloquence. Son Démosthène parle ;
il va mourir, mais, pour rappeler le mot fameux de son rival
Eschine, il semble qu'on entende « le monstre lui-même »; il
parle avec autorité, avec noblesse, mais sans déclamation, très
différent en cela du Démosthène poseur et vulgaire de M. Buland
(premier second grand prix).

M. Emile Pichot (deuxième second grand prix) a surtout
réussi son Archias, dont le caractère était bien trouvé. Le
groupe de Démosthène et des soldats était surtout remarquable
par l'étude des nus. Au demeurant, récompense justifiée.

Nous ne dirons rien de MM. Roger et Dauge, mais il nous
reste à signaler, pour les tenir en garde contre les dangers du
pastiche, M. Camille Bellanger, qui songe à M. Lecomte du
Nouy; M. Lacaille, qui semble voisiner avec M. Siemiradski,
et M. Dawant, qui, plein de talent d'ailleurs, subit trop servile-
ment l'influence de son maître M. Jean-Paul Laurens, au point
de transformer en Mérovingiens, voire en guerriers de l'âge du
renne, des soldats appartenant à la civilisation hellénique la plus
avancée.

Si la décision de l'Académie, ajournant M. Doucet à l'an
prochain malgré l'avis de la section spéciale, est sujette à criti-
que, que dire des résultats du concours de sculpture ? Que s'est-
il passé dans les conciliabules secrets qui ont précédé la procla-
mation de la sentence finale? On n'en sait trop rien, mais on en
glose d'autant plus. La délibération aurait été très cahotée, et il
n'aurait pas fallu moins de cinquante-deux scrutins pour aboutir
à un arrêt qui a cassé le jugement du jury de sculpture et stu-
péfié l'opinion publique.

Nous ne voudrions pas troubler la joie des lauréats, mais
qu'il nous soit permis de décerner les prix à notre guise. Ce
sera peut-être une consolation pour les vaincus, sans causer
aux vainqueurs un préjudice réel.

Le sujet du concours était l'épisode de Tobie rendant la vue
à son père.

Voici dans quel ordre nous aurions placé les concurrents :
Premier : M. Labattut. Deuxième: M. Boucher. Troisième:

M. Pépin-. — Pour celui-ci, nous aurions été d'accord avec la
majorité du jury. — Quatrième : M. Michel. Cinquième :
M. Roulleau. Sixième : M. Lefèvre. Septième : M. Fagel....

M. Fagel a obtenu le premier grand prix. On voit que nous
sommes loin de compte.

Du reste, il faut reconnaître que le concours de sculpture
était très supérieur au concours de peinture. Les sculpteurs se
sont tout à fait distingués, et rarement nous avons vu un en-
semble qui offrît autant d'intérêt.

Ce qui nous a séduit dans la composition de M. Labattut,
c'est l'élégance du style rehaussant des finesses de sentiment,
des trouvailles d'observation et de caractère qui nous font bien
augurer de l'avenir de l'artiste. Beaucoup de naturel dans le
groupe des vieux époux, la mère soutenant l'aveugle, très juste
d'expression et d'attitude. Non moins bien trouvée l'attitude de
Tobie, approchant délicatement des yeux de son père une main
que l'émotion fait trembler. A droite, un peu isolé des autres
personnages, immobile et calme, l'ange, qui connaît les secrets
de Dieu, semble prêt à reprendre son vol vers le ciel. L'ange de
M. Labattut était le seul qui eût droit à ses ailes. Les autres
n'étaient guère que des enfants de chœur montés en graine.

Il y a là de véritables dons, beaucoup de goût, un grand
charme, sans oublier un sérieux talent de praticien.

M. Labattut a de quoi se consoler de son échec......

Mais c'est assez insister sur ces concours. Nous n'ajouterons
plus qu'un mot : il est évident que l'Académie a le droit de ne
tenir aucun compte des appréciations du public, bien qu'elle lui
fasse la galanterie d'exposer à ses regards les oeuvres des concur-
rents. Seulement l'écart entre le sentiment public et les décisions
du jury est tel que, dans son intérêt, dans l'intérêt de son pres-
tige et de son autorité artistique, l'Académie ferait bien, croyons-
nous, de fermer la porte au nez des curieux, et de supprimer
une exposition qui tend à la compromettre. Le huis clos absolu,
exposition pour les juges du concours à l'exclusion des profanes,
vote secret, le salut est là. Les prix de Rome auraient alors un
caractère mystérieux, hiératique, presque surnaturel, qui ajou-
terait beaucoup à leur éclat. Et surtout qu'on n'oublie pas d'in-
terdire aux vaincus toute exposition particulière de leurs
morceaux de concours. Il faut que leurs œuvres soient détruites.
Sans cela tout est perdu.

Eugène Montrosier.

Cul-de-lampe composé pour l'Art par Mary Labbé.
 
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